Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Qui se souvient encore des accords d’Oslo ?

Le 30 août 2024 à 11h39

Modifié 30 août 2024 à 14h36

On dit que quand il y a désaccord, conflit ou pire, chacun doit mettre les lunettes de l'autre. Les accords d'Oslo sont désormais très loin. Jamais la situation n'a été pire pour les Palestiniens. Ahmed Faouzi dresse d'abord le constat des lieux, de ce que chaque partie pense. Et rappelle l'impasse tragique dans laquelle vit la région, le carnage de Gaza et tout ce que l'on sait et que certains évitent de regarder en face.

Les Israéliens aiment se poser de sempiternelles questions existentielles, pour ne trouver comme réponses que d’autres questions encore plus insolubles. Pourquoi les autres peuples nous en veulent-ils ? Pourquoi les pays voisins nous rejettent-ils ? Pourquoi leurs populations nous haïssent-elles ? Comment garantir notre sécurité face aux menaces régionales ? Quel avenir aurions-nous avec les Palestiniens ? La solution des deux États est-elle viable et dans notre intérêt ? etc.

À force de ne trouver que des questions aux questions, les Israéliens s’infligent encore d’autres interrogations. Comment garantir la sécurité face aux menaces régionales ? Face à l’Iran ? Face au Hamas ? Face au Hizbollah ? Comment gérer toutes les menaces, présentes et à venir, avec efficacité maximale et à moindre coup ? Maintenant que les forces de l’Iraq et de la Syrie sont réduites au silence, y aurait-il demain d’autres nations qui relèveraient le défi face à la toute puissance militaire israélienne ?

Pour les autres nations avoisinantes, ce sont d’autres questions lancinantes qui se posent également. Comment Israël peut-elle vouloir la paix tout en menant une guerre continue contre les Palestiniens ? Est-il possible de vivre en concorde avec l’État hébreu alors que des pans entiers de terres arabes demeurent colonisées ? Israël est-elle sincère dans son désir de s’ouvrir sur son environnement arabo-musulman ?

Israël fait assurément face à des défis incommensurables qu’il lui faut, comme Sisyphe, continuellement relever. Elle croît que ces contraintes proviennent d’un environnement régional hostile seulement. Elle feint d’oublier qu’elles sont aussi la conséquence des politiques suivies et de la vision de ses dirigeants, pourtant démocratiquement élus.  Pour se maintenir, ces derniers sont persuadés, pour leur part, qu’il faut administrer les Palestiniens avec une poigne de fer, au risque de se lancer dans des guerres interminables.

Toutes les nations au Moyen-Orient ont vécu tant de guerres destructrices, et peu d’approches pacifiques. La région vit en guerre permanente et la paix est devenue, paradoxalement, l’exception. Qui se rappelle encore des accords d’Oslo, signés en 1993 qui, à cette époque déjà, avait soulevé tant d’espoirs ? Qui se remémore la poignée de main historique, mais hésitante, entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, sous le regard d’un Bill Clinton heureux de croire au miracle ?

Les accords d’Oslo ont été sans doute la première vraie occasion qui a permis d’espérer que cette crise allait enfin trouver un dénouement. L’effondrement du bloc de l’Est puis la guerre du Golfe, ont poussé Palestiniens et Israéliens à faire des concessions et aller vers une paix qu’on espérait définitive. En réalité, le premier bénéficiaire de cet accord fût Israël qui a mis fin à la première Intifada palestinienne, qui a duré de 1987 à l’année de la signature de l’accord en 1993.

Mais face à la lenteur des négociations et aux désespoirs des Palestiniens, la région connaîtra des attentats meurtriers d’un côté, et des repressions sanguinaires de l’autre. La passivité de l’Occident en général, et des Américains en particulier, poussera le Premier-ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon, à accentuer la répression contre les civils palestiniens. En se rendant sur l’esplanade des Mosquées en octobre 2000, il déclenchera volontairement la deuxième Intifada qui ne prendra fin que cinq ans après en février 2005.

Entretemps, c’est un ballet de réunions interminables que la région connaîtra. Beaucoup plus pour étouffer la deuxième Intifada, que pour trouver la véritable voie à la paix. Sharon mènera des opérations militaires qui, à chaque fois, portaient un nom différent. Le seul langage qu’il maitrisait était de faire valoir la force comme seul moyen de dialogue. Les opérations se multiplièrent dès lors. De l’opération Rempart à l’opération Arc-en-ciel. De l’opération Pleines pluies à celle du Plomb durci. Ceci sans compter les attaques ciblées qui ne portaient pas de noms en raison de leur nombre.

Face à ces attaques répétées, l’esprit des accords d’Oslo s’est dilué avec le temps, devant une communauté internationale passive, et à un Occident léthargique responsable de ce drame humain. Le soulèvement de la deuxième Intifada ne verra sa fin qu’avec la mort suspecte de Yassir Arafat le 11 novembre 2005. Ironie du sort, sa mort fut annoncée à quelques jours de l’anniversaire de l’assassinat de son binôme israélien Yitzhak Rabin, tué lui à bout portant par un extrémiste juif, le 4 novembre 1995. La parenthèse et le doux rêve des accords d’Oslo ont été définitivement enterrés avec leurs initiateurs.

L’échec de ces accords est une occasion perdue aussi bien pour les Palestiniens et les Israéliens, que pour les autres peuples de la région. Dès la signature des accords, certains observateurs avertis pensaient qu’ils ne résisteraient pas à l’épreuve du temps. Leur principale raison était qu’ils liaient un État puissant, adossé à l’Occident et à une diaspora juive influente, à un mouvement de libération, dont une partie des pays arabes se méfiait. Deux acteurs aux forces asymétriques ne peuvent trouver un terrain d’entente juste et pérenne.

Est-il encore possible d’envisager la relance de pourparlers de paix, ou tout simplement d’oser l’évoquer, alors que le peuple palestinien souffre toujours le martyre ? Et pourrait-on aller vers cette paix tant désirée après tous les massacres dont la Cour pénale internationale est saisie ? La guerre feutrée que se livrent entre elles les grandes puissances, États-Unis, Chine et Russie, le silence assourdissant des pays arabes, et la léthargie des Nations-Unies ne poussent guerre à l’optimisme.

Devant tant de désespoirs, tous les pays épris d’équité et de justice n’auront de choix que de s’atteler à rétablir la confiance entre les parties, ce qui semble pour le moment une gageure et une mission impossible après le carnage à Gaza, et le sang des civils impunément versé. Entamer un processus de paix dans ces circonstances, alors que ceux qui en sont responsables sont en exercice, serait vain et même immoral. La justice internationale, et principalement la CPI, devrait d’abord dire son verdict pour apaiser, devant l’Histoire, les consciences et les esprits.

Une politique d'annexion continue

La mort prématurée des accords d’Oslo a bien d’autres raisons que celles précitées. Parmi elles on citera la colonisation continue de la Cisjordanie et l’extension illégale des colonies israéliennes. Depuis la signature de ces accords, Israël n’a jamais cessé de construire illégalement des colonies sur un territoire qui, juridiquement, ne lui appartient pas. Elle n’a jamais cessé en outre d’exproprier des terres palestiniennes, d’emprisonner ou tuer ceux qui résistent et s’accrochent à leur terre ancestrale.

C’est cette politique d’annexion continue qui a poussé des organisations internationales, comme la CPI ou Human Rights Watch, à qualifier la politique d’Israël de crimes d’Apartheid. C’est aussi cette même politique d’implantation coloniale qui alimente, par ricochet, les mouvements extrémistes et la révolte des Palestiniens qui aspirent tout simplement à vivre dignement sur leur propre terre. C’est encore cette politique qui entrave l’établissement de relations naturelles avec le monde arabe. Avec les colonies c’est l’esprit même d’Oslo qu’on a assassiné.

Les États-Unis qui arment Israël, ainsi que la Grande-Bretagne responsable historique de la tragédie palestinienne, sont aussi à blâmer. Ils ont failli à leur rôle d’imposer une solution juste qui répond aux résolutions onusiennes en la matière. Les gouvernements occidentaux dans leur majorité se sont montrés passifs entre les belligérants, les laissant mener un véritable dialogue de sourds. Devant chaque tragédie, ils condamnent les actions palestiniennes, avant de demander timidement à Israël de la retenue suite à chaque attaque disproportionnée contre les Palestiniens.

La situation actuelle à Gaza symbolise à elle seule l’échec total du processus de paix qui a suivi les accords d’Oslo. Aujourd’hui, les Palestiniens n’ont d’autres choix que celui de continuer la lutte politique pour avoir l’opinion internationale de leur côté, et gagner leur émancipation. Ils ont avec eux le droit international et le soutien des autres nations éprises de paix et de justice. La Cour internationale de justice, dans son avis de juillet dernier, déclarait que l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem Est, ainsi que les colonies, sont illégales et violaient le droit international. Que dire de plus ?

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