Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

La septième porte du septième art

Le 27 janvier 2023 à 13h41

Modifié 27 janvier 2023 à 13h41

Dans cette chronique, Abdallah-Najib Refaïf fait un bref retour sur l’histoire du cinéma au Maroc, en passant par quelques salles cultes qui ont fait le bonheur de nos cinéphiles.

"La télévision fabrique de l’oubli pendant que le cinéma engendre des souvenirs." On prête cette formule, citée de mémoire, au cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard, décédé récemment. On ne prête qu’aux riches et il est vrai que l’auteur de Pierrot le Fou avait le sens de la formule caustique et lapidaire et en a essaimé un grand nombre lors de ses divers entretiens et interventions.

Ceux qui ne l’appréciaient pas prétendaient que son discours sur le cinéma était plus intéressant et plus lisible, en tout cas, que les films qu’il réalisait. Mais c’est là un autre débat que celui qu’il provoqua par la comparaison qu’il établissait entre les deux expressions visuelles.

Cette évocation de la formule de Jean-Luc Godard m’est venue, assis face à la télé, son baissé tout en feuilletant un très beau livre consacré aux salles de cinéma au Maroc, paru récemment aux éditions La Croisée des chemins.

Un ouvrage que l’on consulte comme un album de photos de famille

Son auteur, François Beaurain, a su réunir dans ce bel ouvrage des photos (superbes), des textes et des documents qui en font un riche et authentique don à l’histoire du cinéma du pays. La bibliographie sur le septième art chez nous est si pauvre en références qu’il est juste de saluer une telle initiative éditoriale. Au-delà de la forme et du format sur le plan esthétique et de la qualité de l’iconographie, il faut saluer également la teneur des textes et des témoignages qu’il contient, dont certains remontent à au moins deux générations de spectateurs et cinéphiles ayant fréquenté ces salles.

La plupart de ces espaces ont disparu, mais l’auteur a pu donner à voir, ou à deviner, à travers des vestiges, le charme ancien de ces lieux remplis de souvenirs. Un charme impérissable pour ceux qui ont la souvenance à fleur de mémoire. Il y a, pour l’auteur de ces lignes, les souvenirs de la première salle de la ville de Fès, "Le Bijou", au coin du Boulevard Mohammed V, qui date de 1928, soit quasiment l’âge de la naissance du cinématographe, dont la première représentation publique et payante des frères Lumières a été faite en 1895.

Sur la photo de l’ouvrage, on ne peut voir désormais que les vestiges d’une façade en ruines, des portes rongées par la rouille et des fenêtres éventrées qui disent que le temps qui passe et les méfaits de la négligence ont eu le dernier mot sur ce petit temple d’images et de sons.

Plus loin de la ville nouvelle, d’autres salles ont été oblitérées par le temps qui passe et les souvenirs qui trépassent. Le cinéma "Apollo" à l’entrée du Mellah, où juifs et musulmans se côtoyaient pour visionner une semaine un péplum musclé, et une autre un western où l’on comptait plus de bandits à terre que de coups de revolver.

Des affiches saturées de couleurs et des bandes-annonces aguichantes qui promettaient de futures joies pour d’autres séances. C’est tout cela qui remonte à la surface de la mémoire lorsque l’on feuillette ce beau livre comme on passe en revue un album de photos de famille qui réunit mélancoliquement le monde d’hier et celui d’aujourd’hui.

La septième porte, référence incontournable

Pour rester dans l’évocation historique et compléter afin d’étayer davantage la documentation de ce livre, il est indispensable de lire un autre livre, minutieusement rédigé pendant des années par un grand amoureux du cinéma, Ahmed Bouanani. Il s’agit de cet ouvrage dans lequel le poète, écrivain et cinéaste a remonté l’histoire du cinéma au Maroc de 1907 à 1986, et qui porte le beau titre de La septième porte. Il est édité par Kulte Editions grâce à la complicité technique entre Touda, la fille du cinéaste, et l’écrivain et traducteur Omar Berrada.

C’est en effet une autre une porte ouverte sur la naissance et l’histoire du cinématographe au Maroc, dont Bouanani a tenu le cœur battant pour nous guider à sa manière, fort d’une grande érudition cinématographique. Ici, le cinéaste se fait journaliste et critique. "Notre travail, précise-t-il, est axé sur l’information historique et basé sur l’analyse critique." Mais le poète pointe aussitôt son nez et le style fait la différence. Cinéaste de la tribu et sachant ce que filmer veut dire, il écrit en connaissance de cause et garde l’esprit critique qu’on lui connaissait, sans pour autant oublier l’exercice d’admiration devant ce qui est admirable.

Grand lecteur, l’auteur d’un unique long-métrage devenu culte, Mirage, a amoncelé au cours de sa carrière des écrits et des documents qu’il partage généreusement ici avec le lecteur pour notre grand plaisir et comme un don à l’avenir.

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