Turquie: 8 ans de prison pour un policier pour la mort d'un manifestant en 2013

(AFP)

Le 3 septembre 2014

La justice turque a condamné mercredi à près de huit ans de prison un policier accusé d'avoir tué par balle un manifestant lors de la fronde antigouvernementale de juin 2013, suscitant la colère des proches de la victime qui ont dénoncé un "Etat meurtrier".

Au terme d'un an d'un procès emblématique de la répression exercée par le gouvernement islamo-conservateur contre le mouvement dit de Gezi, la cour criminelle d'Ankara a reconnu Ahmet Sahbaz, un fonctionnaire de police de 28 ans, coupable de meurtre mais lui a reconnu une série de circonstances atténuantes.

Les juges ont notamment estimé que l'accusé avait été victime de "provocations" de la part des manifestants.

Dans une salle d'audience quadrillée par les forces de l'ordre, ce verdict a été accueilli comme une injure par le public, qui a lancé des bouteilles en direction des juges et scandé des slogans dénonçant "l'Etat assassin".

"Il n'y a rien d'autre à dire. Le système judiciaire a soutenu ce meurtre", a réagi auprès de l'AFP le frère de la victime, Mustafa Sarisuluk. "Cela prouve qu'il est légitime de tuer quelqu'un dans la rue, le meurtrier sera à nouveau libre dans cinq ans", a-t-il ajouté en annonçant que la famille allait faire appel.

Ethem Sarisuluk, un ouvrier communiste de 26 ans, a été abattu d'une balle en pleine tête lors d'une manifestation hostile au gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, aujourd'hui président, le 1er juin à Ankara. Il était décédé après deux semaines de coma.

Publiées sur les réseaux sociaux quelques heures après les faits, des images vidéo ont montré le policier ouvrant délibérément le feu sur la victime sans menace apparente, suggérant qu'il n'avait pas agi en état de légitime défense.

Le procureur avait requis une peine de 33 ans de prison contre l'accusé. Il avait également demandé, et obtenu, lors d'une audience en juillet sa mise en détention provisoire, alors qu'il comparaissait libre depuis le début de son procès il y a un an.

- 'Tempête dans ma tête' -

Mercredi, l'accusé et son avocat, Ugur Ceyhan, ont fait feu de tout bois pour réclamer la clémence du tribunal, dans une salle d'audience sous haute tension.

M. Ceyhan a tenté a vain d'obtenir le huis clos et de récuser les juges, au motif qu'ils n'avaient pas protégé l'anonymat de son client et qu'il subissaient des "pressions" des proches de la victime et des manifestants massés devant le tribunal.

L'accusé lui-même a pris longuement la parole pour nier toute intention criminelle.

"Du début à la fin, je n'ai fait que tirer en l'air malgré toutes les pierres qui me visaient", a plaidé M. Sahbaz, "pendant la manifestation, mon bouclier a été troué par les pierres. J'ai dû m'en servir pour protéger des gens".

"Tu te souviens que tu as tué mon frère, chien !", lui a aussitôt lancé la s?ur d'Ethem Sarisuluk. "Meurtrier !", a renchéri la salle.

"Vous ne pouvez pas comprendre la peur et la panique qui m'ont saisies au moment de l'incident (...) la tempête dans ma tête ", a insisté le policier, "j'ai été bouleversé par la mort d'Ethem Sarisuluk, quand j'ai appris sa mort (...) je me suis assis et j'ai prié".

L'avocat de la famille de la victime a battu ces arguments en brèche et réclamé la réclusion à perpétuité, dénonçant un "assassinat".

"Les manifestants exerçaient leur droit constitutionnel et protestaient pour des raisons légitimes. Mais la police a répondu par un usage disproportionné de la force, avec des gaz lacrymogènes et des balles en plastique (...) il n'y a eu aucune provocation là-dedans", a déclaré à la barre Murat Yilmaz.

Sitôt le verdict connu, des centaines de manifestants rassemblés à l'appel d'associations de gauche ont hurlé des slogans hostiles au régime de M. Erdogan. "La colère des mères s'abattra sur les meurtriers", ont-ils scandé.

La violence de la répression exercée par la police turque contre les manifestants de Gezi a été sévèrement condamnée par les ONG, qui ont fait de ce procès un test de la volonté du gouvernement de réprimer la brutalité policière.

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Le 3 septembre 2014

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