Le Maroc dispose de marges de manœuvre pour collecter plus de recettes fiscales (BAM)

M. Ett. | Le 6/1/2021 à 15:00

Le Maroc n’exploite pas entièrement sa capacité fiscale et dispose d’un écart fiscal de 6,7 points de PIB, d’après un document de travail réalisé par un chercheur à Bank Al-Maghrib. Voici les mesures recommandées pour optimiser la collecte des recettes fiscales.

Le Maroc dispose de marges de manœuvre pour collecter des recettes fiscales additionnelles et dépasser le niveau actuel de 20,7% du PIB, conclut un document de recherche traitant la capacité de mobilisation des recettes fiscales au Maroc produit par Hicham Doghmi, un chercheur à Bank Al-Maghrib.

Ce document a en effet évalué l’efficience de la collecte des impôts au Maroc en déterminant l’écart entre le niveau observé des recettes fiscales et la capacité fiscale ou le maximum d’impôts qu’il peut collecter.

Pour ce faire, le chercheur a estimé la capacité fiscale pour un panel de 76 pays en développement sur la période 1980-2017, en utilisant la dernière génération des modèles de frontières stochastiques. Ces modèles, qui reposent sur le concept d’efficience technique, considèrent que le niveau des recettes fiscales d’un pays dévie de la frontière fiscale en raison d’une inefficience dans le processus de collecte des impôts. Le degré de cette inefficience reflète à la fois la nature du système fiscal en vigueur et la performance de l’administration fiscale du pays.

Ainsi, en analysant la collecte des impôts au Maroc, sur la période allant de 2013 à 2017, le document conclut que le Maroc n’exploite pas entièrement sa capacité fiscale et dispose d’un écart fiscal de 6,7 points de PIB. Cet écart est de 4,1 dans les pays à revenu faible et de 6,1 dans les pays en développement.

Le chercheur estime alors que le Maroc gagnerait à traduire sa volonté continue de réformer le système fiscal actuel en une série d’actions et de mesures. « Étant donné que le Maroc pratique déjà un niveau d’imposition très élevé, les efforts devront être consentis pour élargir la base fiscale, accroître la population fiscale, améliorer le recouvrement fiscal et promouvoir le civisme fiscal », souligne-t-il.

D’après lui, l’amélioration de la collecte des impôts au Maroc pourrait être possible à travers les mesures suivantes :

> Augmenter l’efficience de la TVA

L’efficience de la TVA pourrait être augmentée en réformant le système actuel à 5 taux dans le sens de l’élargissement de son champ d’application. Selon lui, le nombre des taux doit être réduit en basculant dans un premier temps à trois taux (0%, 10%, 20%), et in fine à seulement deux taux (un taux réduit et un taux standard).

« La multitude des taux réduit naturellement les recettes fiscales, fait supporter des coûts administratifs supplémentaires à l’administration fiscale et crée des opportunités d’évasion et de fraude fiscales à travers la classification erronée des produits de la part des agents économiques », argumente-t-il.

De même, le nombre des exonérations doit être revu à la baisse et limité au strict minimum. « En 2019, la moitié du coût des dépenses fiscales est attribué à la TVA, avec 84 mesures donnant lieu à un manque à gagner fiscal de 14,3 milliards de dirhams, soit 1,2% du PIB », souligne-t-il.

> Améliorer la productivité de l’IS

Cela pourrait être effectué notamment « en luttant contre les pratiques agressives des multinationales qui recourent aux transferts artificiels des bénéfices dans des juridictions où ils seront très peu ou pas taxés, provoquant ainsi une érosion de l’assiette fiscale et une réduction, par conséquent, de leurs charges fiscales ». 

Dans ce contexte, il rappelle que « le Maroc a signé en 2019 la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ». L’adoption de ces mesures permettrait au Maroc de « protéger son assiette fiscale » et « générer des revenus fiscaux additionnels ».

> Réaménager les taux et le barème d’imposition de l’IR

Le document souligne que ce réaménagement ne devrait pas entraîner une perte de recettes ou de progressivité. « Cette mesure devra être accompagnée par une répartition juste et équitable de la charge fiscale entre les salariés et les personnes non salariées exerçant une activité professionnelle. Il convient de noter qu’en 2018, 73% des recettes de l’IR étaient générées par des prélèvements à la source sur les salaires, contre à peine 5% des revenus générés par les professionnels », explique le document.

> Lutter contre la fraude et l’évasion fiscale à travers la digitalisation 

Le document recommande de s’appuyer sur les solutions offertes par le développement rapide des technologies de l’information ces dernières années pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, à travers la collecte et l’analyse de grandes quantités de données sur les contribuables.

Dans ce cadre, l’utilisation de la facturation électronique et les caisses enregistreuses (connectées directement à l’administration fiscale) est recommandée. « Ces deux solutions ont permis [d’après des expériences dans des pays développés, ndlr] d’augmenter le niveau des recettes fiscales, d’améliorer considérablement le respect des obligations fiscales et de réduire les coûts de mise en conformité fiscale auprès de la population fiscale ».

Enfin, tenant compte des incertitudes qui entourent l’évolution de la pandémie, le chercheur souligne un autre élément à prendre en considération : le timing et le séquençage de la réforme fiscale.

Il trouve que si la priorité aujourd’hui est à la relance budgétaire, la politique fiscale sera nécessaire, durant la période d’après pandémie et au-delà, pour rétablir les équilibres budgétaires et la couverture des coûts engendrés par la crise. 

« Une fois cette crise passée, la mise en œuvre cette réforme fiscale ambitieuse, dictée par les lignes directrices issues des Assises Nationales sur la Fiscalité, devrait être déployée de manière progressive au fil du temps et adaptée au nouveau contexte économique et social », conclut-il.

>>> Lire aussi : Finances publiques : un solde ordinaire à l'équilibre est possible à partir de 2022-2023 (Attijari)

 

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