Le Maroc est le seul pays africain et arabe à réguler l'export de ses météorites(Dr Hasnaa Chennaoui)

Riche en météorites, le Maroc a mis en place en 2020 une réglementation qui régule la commercialisation et l'export de ces roches extraterrestres. Cette situation est unique dans la région ainsi que par rapport à d'autres pays à fort potentiel de collecte de météorites, où ces activités à l'export sont strictement interdites. Le point sur la réglementation marocaine, avec Dr Hasnaa Chennaoui, spécialiste des météorites et cratères d’impact.

Professeur Chennaoui et Dr Mohamed Aoudjehane lors de la mission de terrain en août 2020 suite à la chute de la météorite de Tarda. CP. H. Chennaoui

Le Maroc est le seul pays africain et arabe à réguler l'export de ses météorites(Dr Hasnaa Chennaoui)

Le 5 février 2024 à 15h36

Modifié 7 février 2024 à 7h10

Riche en météorites, le Maroc a mis en place en 2020 une réglementation qui régule la commercialisation et l'export de ces roches extraterrestres. Cette situation est unique dans la région ainsi que par rapport à d'autres pays à fort potentiel de collecte de météorites, où ces activités à l'export sont strictement interdites. Le point sur la réglementation marocaine, avec Dr Hasnaa Chennaoui, spécialiste des météorites et cratères d’impact.

Dr Hasnaa Chennaoui, professeure à l’université Hassan II de Casablanca, spécialiste des météorites et cratères d’impact, a consacré un article scientifique à la nouvelle réglementation marocaine sur la collecte et l'exportation des météorites.

Paru dans la revue de référence Meteoritics & Planetary Science, l'article expose les grandes lignes d'une réglementation unique en son genre dans la région ainsi que par rapport à d'autres pays à fort potentiel de collecte de météorites.

"Il était indispensable pour nous que cette nouvelle législation au Maroc soit accessible et compréhensible par les chercheurs du monde entier qui travaillent sur les météorites, d'où cet article paru dans la revue Meteoritics & Planetary Science. Je ne connais aucun laboratoire dédié à l’étude de la matière extraterrestre qui n'a jamais travaillé sur des météorites provenant du Maroc. Idem pour les musées internationaux. Tous les conservateurs de collections de météorites dans le monde entier disposent en effet de météorites d'origine marocaine", se félicite la chercheuse marocaine.

Genèse d'une réglementation unique dans la région

En 2014, le Maroc met à jour sa loi relative aux mines incluant un article, qui citait le géopatrimoine comme incluant les fossiles, les minéraux et les météorites. Cet article dispose que leur collecte et leur exportation seraient réglementées par décret.

En 2019, le Service géologique marocain et l'Association pour la protection du patrimoine géologique du Maroc (APPGM), à laquelle adhère notre interlocutrice, préparent le décret d'application de cet article, discuté et approuvé par le gouvernement marocain et mis en œuvre en février 2020.

"L’exportation de météorites ainsi que d’autres échantillons du géopatrimoine national tels que les fossiles ou les minéraux n’était ni totalement légale ni illégale, avant le décret de 2020, car il n’existait pas de réglementation spécifique. En 2004, j'avais intégré l'APPGM pour exercer du lobbying avec l'espoir d'asseoir une législation consacrée à la valorisation du patrimoine géologique. L'idée de base était de mettre en place un projet de loi dédié, en collaboration avec la direction de la Géologie. Différentes moutures ont vu le jour au travers des années. Du fait de la complexité du processus législatif, le projet de loi a été mis de côté au profit du projet de décret d'application de l'article qui figurait dans la loi relative aux mines", raconte Dr Hasnaa Chennaoui.

"Au lieu de poursuivre le projet de loi sur le patrimoine géologique qui était très lourd, nous avions ainsi décidé de travailler sur le décret d'application de cet article qui a été mis en œuvre en février 2020", explique-t-elle.

Un système gagnant-gagnant

Destiné aux différents acteurs concernés par les météorites, notamment les chercheurs, les collectionneurs, les commerçants, les exportateurs et les acheteurs internationaux de météorites, cet article est d'une grande importance et utilité, estime Dr Hasnaa Chennaoui, puisqu'il expose, avec clarté, la législation marocaine en la matière.

"Tout un chacun a la possibilité de soumissionner une demande, auprès de la direction de la Géologie, relevant aujourd'hui du ministère de la Transition énergétique et du développement durable, pour être officiellement autorisés à ramasser que ce soit des fossiles, des minéraux ou des météorites. Les chasseurs sont amenés à renseigner des informations indicatives telles que le lieu de la découverte ou encore la classification primaire de leurs trouvailles (ex : taille). Ils s'engagent par ailleurs à laisser une part de chaque objet exporté, l'équivalent d'une vingtaine ou d'une quarantaine de grammes selon la masse totale, au niveau de la direction de la Géologie", note la spécialiste marocaine des météorites.

Elle estime que c'est une réglementation gagnant-gagnant, qui permettrait la collecte et l’exportation légales de météorites selon des règles claires, bénéficiant à la fois aux chasseurs et aux scientifiques mais aussi au pays.

Un système qui a en outre l'avantage d'être unique dans la région ainsi que par rapport à d'autres pays à fort potentiel de collecte de météorites. "Le Maroc est le seul pays africain et arabe disposant d'une réglementation qui autorise et régule l'export des météorites. Tous les pays voisins ayant un grand potentiel en termes de météorites, comme le Sultanat d'Oman, interdisent strictement l'export de ces roches. C'est ce qui était initialement prévu dans l'ancien projet de loi sur lequel nous travaillions. Sauf que ce système ne protège aucunement ce patrimoine qui demeure, même en cas d'interdiction, sujet à l'exportation illégale", souligne Chennaoui.

Les météorites marocaines contribuent à au moins 50% de la littérature scientifique internationale 

Les premières météorites ramassées au Maroc datent des années 2000. Elles étaient collectées particulièrement par des nomades qui maitrisent les roches de leur environnement, explique notre interlocutrice. "La communauté marocaine de chasseurs de météorites a commencé dès lors à s'installer progressivement. Nous sommes ainsi passés de nomades à des personnes qui en ont fait leur métier. Aujourd'hui, nous comptons plus de 16.000 météorites collectés sur le sol marocain et dans les pays de la région ", renchérit-t-elle.

"Un météorite est une roche extraterrestre de différentes tailles. Avant qu'elle ne rentre dans l'atmosphère terrestre, la roche est appelée un météoroïde. Une fois dans l'atmosphère de la Terre, elle est dénommée météore, ce à quoi nous référons par phénomène lumineux. Quand elle atteint la surface de la Terre, à ce moment là, nous parlons de météorite, dont la taille peut varier de quelques grammes à des tonnes. La plus grosse chute observée de météorite dans le Sud du Maroc (région de Ouarzazate) est celle de Tamdakht, tombée en décembre 2008 et vue par des milliers de témoins oculaires de Agadir, Marrakech, Ouarzazate. Nous avons estimé la masse totale collectée à plus de 500 kg", rappelle l'experte.

Plus ils sont rares, plus ils coûtent cher. "Le prix de vente des météorites dépend de leur rareté. Les météorites ordinaires coûtent approximativement quelques milliers de dirhams pour le kilogramme. Mais par exemple une météorite lunaire extrêmement rare, dénichée au début des années 2000 au Maroc, s'est commercialisée à 10.000 dollars pour le gramme. Aujourd’hui les météorites lunaires étant beaucoup plus répandues, leur prix a chuté de façon drastique", poursuit notre experte insistant sur l'importance du rôle que jouent les chasseurs de météorites.

"Les météorites ramassés par les chasseurs marocains contribuent en effet à au moins 50% de la littérature scientifique internationale dédiée aux météorites", précise-t-elle.

Si le Maroc est une terre habituelle de météorites De facto, disposant aujourd'hui d'une réglementation ambitieuse lui permettant de mieux préserver ces roches extraterrestres, il n'en reste pas moins que la vente illicite des météorites persiste encore dans le pays.

"L'entrée en vigueur du décret de 2020 avait coïncidé avec Covid. Il n'a donc malheureusement pas eu l'effet escompté. Les statistiques ne sont pas à la hauteur de ce que l'on souhaiterait. Malgré le fait que ces efforts profitent aux chasseurs de météorites et qu'il s'agisse d'un système gagnant-gagnant, la vente illégale de météorites persiste au Maroc, notamment sur les réseaux sociaux. Mon article intervient donc pour expliquer à toutes les personnes intéressées qu'il n'y a aucun intérêt de rester dans l'illégalité", conclut Hasnaa Chennaoui.

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