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L'IA aggrave la pandémie de Fake news dans le monde et menace la notion même de réalité

Dans un monde hyperconnecté, la surabondance de l’information ouvre un boulevard à la propagation des fake news. Si ces dernières foisonnent à chaque moment de crise ou de doute (catastrophes naturelles, élections, etc.), elles n’en demeurent pas moins omniprésentes en permanence sur les réseaux sociaux. Et certains outils qui s'appuient sur l’intelligence artificielle rendent la tâche encore plus difficile aux internautes qui tentent de démêler le vrai du faux.

L'IA aggrave la pandémie de Fake news dans le monde et menace la notion même de réalité

Le 2 octobre 2023 à 13h34

Modifié 2 octobre 2023 à 13h34

Dans un monde hyperconnecté, la surabondance de l’information ouvre un boulevard à la propagation des fake news. Si ces dernières foisonnent à chaque moment de crise ou de doute (catastrophes naturelles, élections, etc.), elles n’en demeurent pas moins omniprésentes en permanence sur les réseaux sociaux. Et certains outils qui s'appuient sur l’intelligence artificielle rendent la tâche encore plus difficile aux internautes qui tentent de démêler le vrai du faux.

A l’ère des médias sociaux, les fake news font figure de menace pandémique. Qu’il s’agisse de contenus trompeurs diffusés de manière délibérée ou pas, ils permettent aux personnes qui les manipulent de générer des avantages principalement économiques ou politiques. Son usage diffère selon le but recherché ; inciter les internautes aux clics convertissables en revenus, nuire à la réputation d’une cible, promouvoir une idéologie ou au contraire la discréditer. Les fausses informations atteignent un niveau de viralité que les vraies informations peinent à atteindre.

Une enquête réalisée par le MIT et publiée dans la revue Science en mars 2018 indique dans ce sens qu’une fake news se répand sur Twitter en moyenne six fois plus vite qu’une information vraie. L’étude explique que, de par son caractère original, la fake news provoque chez les utilisateurs des réseaux sociaux des émotions primaires (la peur, le dégoût ou la surprise) qui les incitent à réagir et à partager l’information avec leurs entourages.

Les personnes âgées, une proie facile

La vulnérabilité diffère d’un individu à un autre. Le rejet, l’acceptation ou le doute dépendent d’une multitude de facteurs endogènes et exogènes qu’il est important de comprendre et analyser pour limiter à la fois la propagation des fausses informations, et les conséquences désastreuses qu’elles peuvent engendrer.

Ainsi, un papier scientifique, publié en 2019 dans la revue Science Advances par American Association for the Advancement of Science, explique qu'il existe une corrélation très forte entre l’âge de l’utilisateur des réseaux sociaux et le risque de partager des informations fausses sur les réseaux sociaux. Comme en témoigne Rajae (30 ans) qui utilise régulièrement l’application Whatsapp pour rester en contact avec ses amis, ses proches et sa famille.

“Il y a environ trois ans, un membre de ma famille m’a ajoutée à un groupe dans lequel il y avait mes oncles, tantes et cousins. C’était au moment du confinement qui a suivi l’état d’urgence sanitaire de la Covid 19. Au début, ça me faisait plaisir de reprendre contact avec des membres de ma famille que j’avais perdus de vue depuis des années. Mais très vite, l’ambiance est devenue anxiogène, et les propos rapportés dans le groupe versaient dans les thèses complotistes les plus absurdes. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est que ces intox étaient relayées par les membres les plus âgés et les plus sensés de ma famille”, raconte Rajae.

Le cas des aînés de la famille de Rajae n’est pas un cas isolé. En effet, l’étude précitée, qui a été réalisée pendant les élections présidentielles américaines de 2016, indique que les utilisateurs des réseaux sociaux âgés de plus de 65 ans ont partagé jusqu’à 7 fois plus de fake news que les jeunes âgés de 18 à 29 ans.

Ce comportement chez les Boomers (séniors) n’est pas anodin, et on pourrait hâtivement penser que les symptômes de sénilité qui touchent les sujets d’âges avancés, ou encore la solitude pourraient être à l’origine de ce comportement. Il n’en est rien, à en croire l’analyse d’un groupe de chercheurs américains, Nadi Brashier et Daniel Schacter respectivement professeurs de psychologie à l’Université de Californie et à Harvard. Les conclusions de leurs travaux indiquent que le déficit cognitif qui vient avec l’âge est compensé par une maîtrise des compétences intellectuelles. Autrement dit, même si les personnes âgées peuvent oublier où elles ont appris une information, elles gardent une maîtrise et une compréhension intacte des connaissances accumulées au fil des années.

Par ailleurs, avec l’âge, les séniors ont tendance à perdre des personnes faisant partie de leurs cercles sociaux, ce qui les pousse à faire davantage confiance aux informations partagées par leurs amis, indépendamment du fait qu’elles soient vérifiées ou pas.

A ces deux facteurs s’ajoute une forme de ce que l’on pourrait qualifier d’analphabétisme numérique. En effet, “les personnes âgées sont relativement nouvelles sur les réseaux sociaux, et peuvent avoir du mal à repérer les contenus sponsorisés ou les images manipulées” souligne la contribution.

Menace sur la démocratie

Les conclusions des études réalisées sur cette population indiquent que, contrairement à ce qui est attendu, le fact-checking censé démêler les vraies informations des fausses, produit un effet inverse chez les sujets âgés. Si bien que le marquage d’une information comme étant “fake news” sur les réseaux sociaux, accroît l’intérêt et la croyance des séniors dans son contenu, d’après les conclusions de l’enquête.

Les implications comportementales des fake news sur les personnes âgées ont de quoi inquiéter ; la vulnérabilité et les lacunes de la connaissance digitale chez les boomers portent atteinte à la démocratie, et font peser des doutes sur la capacité des citoyens qu’ils sont à exprimer une opinion éclairée, à partir de données fiables et vérifiée. Pire, le déploiement de technologies avancées telles que les deep fake et la réalité augmentée n’aide pas les sujets âgés à discerner entre les contenus véridiques et les images trafiquées.

Au Maroc, la situation est d’autant plus inquiétante que près du tiers de la population est analphabète (selon les données du recensement global de 2014), et que la proportion des personnes âgées de plus de 60 ans inscrite sur les listes électorales s’élève à plus de 94%, tandis qu’elle peine à atteindre le tiers chez les 18-24 ans. Cela signifie que la catégorie de la population la plus exposée à la manipulation par les fausses informations, et a fortiori la moins instruite, est celle qui est la plus encline à s’exprimer par les urnes.

En pratique, le canal de diffusion de la fausse information s’adapte généralement au mode de consommation de l’information de la population ciblée. Au Maroc en l'occurrence, les intox sont souvent diffusées dans un format vidéo.

De la nécessité d’éduquer aux médias

“Les fake news contiennent le plus souvent des éléments visuels ou des titres qui mettent en avant le sensationnalisme, l’exagération” observe Mohamed Sammouni, journaliste et docteur en sciences sociales. Ce professionnel de l’information anime depuis plusieurs années des ateliers d’éducation aux médias à destination des jeunes étudiants en écoles de journalisme, et d’acteurs de la société civile, âgés de 18 à 30 ans, dans le cadre d’un projet intitulé Open Chabab porté par la maison d’édition En Toutes Lettres.

Cette caravane, qui a sillonné différentes ville au nord et au sud du royaume, a permis à plusieurs dizaines de lauréats de bénéficier d’une formation condensée aux métiers et techniques du journalisme.

“Nous avons observé qu’à l’exception des élèves des écoles de journalisme, les jeunes n’accordent généralement pas d’importance à la vérification des informations qui proviennent des réseaux sociaux tels que Facebook ou Whatsapp. Certains de ces contenus sont consommés et relayés sans aucune forme de vérification. C’est le cas notamment des articles, des photomontages ou des vidéos à connotation religieuse, des contenus qui nourrissent le scepticisme à l’égard de la science ou des vidéos qui alimentent des théories complotistes”, note Mohamed Sammouni.

L’ampleur du phénomène exige une intervention à la source, estime le chercheur. “Il faudrait que l’éducation aux médias commence très tôt. Elle devrait être une matière à part entière enseignée à l’école dès le plus jeune âge. Nous en sommes très loin. Car dans la pratique, on constate qu’il y a d’énormes lacunes : la plupart des programmes de licences publiques en journalisme ne contiennent pas de module qui traite des fake news ou du fact checking. Le mieux qu’on puisse trouver ce sont des cours théoriques qui les abordent” observe Mohamed Sammouni.

“La sensibilisation dès le plus jeune âge devrait s’accompagner d’une politique qui dévoile les dangers des fake news sur la société. Il faudrait que les médias de masse s’engagent activement et au quotidien pour contrer la propagation fulgurante des intox”, poursuit la même source.

Toutefois, l’adoption de réflexes simples permet de limiter la contamination par les fausses informations. Il convient en effet de s’abstenir de partager les contenus douteux, tout en observant quelques règles basiques de prudence. “Il y a des indices qu’on peut facilement détecter. Les liens contenant des fake news contiennent généralement des URLs qui dirigent vers des plateformes publicitaires ; le titre de l’article ou de la vidéo n’est pas rédigé d’une manière professionnelle, ne donne pas l’information et cherche à exciter la curiosité du récepteur, il comporte généralement une dose importante de sensationnalisme. Si par malheur on clique sur le lien, on observe que le contenu de l’article comporte souvent des coquilles et ne cite aucune source précise” précise le chercheur.

En règle générale, “il faut rester vigilant, et garder un esprit critique à chaque fois qu’on est confronté à un contenu diffusé sur internet. Pour que l’information soit crédible, elle devrait pouvoir renseigner les 5 W : What, Why, Where, When, Who (quoi, pourquoi, où, quand et qui; NDLR). Si une ou plusieurs des indications manquent, il y a fort à parier qu’il s’agisse d’une information trompeuse”, conclut Mohamed Sammouni.

L’humain à l’épreuve de l’intelligence artificielle

Avec l’émergence de l’IA, l’humanité est challengée dans sa capacité à contrôler la technologie. Une partie de la communauté scientifique s’inquiète de la progression exponentielle du deep learning ; ces réseaux de neurones ouverts au public qui façonnent leur apprentissage de manière irrémédiable, en interagissant en instantané avec des millions d’internautes dans le monde entier.

Les outils que ces technologies mettent à disposition du grand public représentent une réelle menace sur le droit d’accès à l’information éclairée et vérifiable. Les techniques de la réalité augmentée inondent les médias sociaux, et il est parfois impossible de se prononcer, à première vue, sur la véracité ou pas des images qui circulent.

La dernière technologie en date porte le nom HeyGen, développée par un ancien développeur de SnapChat, ce programme permet de traduire les paroles d’une personne en instantané et dans plusieurs langues, en reproduisant le timbre, la voix et jusqu’au mouvement des lèvres du sujet dans la langue de destination.

Médias 24 a réalisé le test à partir d’un extrait vidéo d’une conférence de presse du joueur marocain Achraf Hakimi, dans laquelle il parlait en langue espagnole, ici, pour évaluer la qualité du rendu par HeyGen en langue française, ici.

La version originale en espagnole:

La version traduite en français par HeyGen : 


Bien que des imperfections puissent apparaître dans la vidéo traitée par HeyGen, en ce qui concerne notamment la traduction de certains mots employés et les zones pixelisées par endroits, il n’est pas à écarter que les développeurs arriveront à éliminer ces bugs, dans un avenir relativement proche.

D’ailleurs, les avancées en matière de deep learning progressent à un rythme vertigineux, jusqu’à concurrencer, voire dépasser l’homme, dans ce qu’il considère comme une faculté purement humaine : l’empathie.

En effet, d’après les résultats d’une enquête publiée dans JAMA Internal Medicine en avril 2023, et dont l’objet était d’évaluer sur une échelle de 1 à 5 la qualité des réponses fournies par un médecin et son degré d’empathie vis-à-vis d’un patient comparativement avec les réponses fournies par l’assistant d’intelligence artificiel ChatGPT.

Les réponses fournies ont été randomisées puis évaluées par une équipe de professionnels de la santé… et les conclusions sont plutôt surprenantes ! On apprend que les réponses du chatbot dont la qualité est jugée bonne ou très bonne étaient 3,6 fois plus élevées que celles observées chez les vrais médecins, et que les réponses dites empathiques ou très empathiques étaient 9,8 fois plus élevées chez ChatGPT.

Autant de technologies qui font basculer l’humanité, chaque jour un peu plus, dans l’ère de ce qu’on qualifie d’ores et déjà d’hyperréalité, un entre-deux-mondes dans lequel il sera nécessaire d’adopter les gestes barrières si l’humanité souhaite éviter une épidémie de fake news.

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