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Désinformation : le tsunami qui guette le Maroc est celui des fake news !

Au lendemain de la catastrophe survenue dans la région d’Al Haouz, des dizaines de fake news inondent la toile. Les réseaux sociaux sont particulièrement touchés par cette épidémie d’intox, dont certaines sèment encore la panique dans l’esprit des internautes marocains.

Désinformation : le tsunami qui guette le Maroc est celui des fake news !

Le 19 septembre 2023 à 13h44

Modifié 19 septembre 2023 à 14h39

Au lendemain de la catastrophe survenue dans la région d’Al Haouz, des dizaines de fake news inondent la toile. Les réseaux sociaux sont particulièrement touchés par cette épidémie d’intox, dont certaines sèment encore la panique dans l’esprit des internautes marocains.

L’une des fausses informations les plus répandues concerne une supposée alerte lancée par un mystérieux personnage du nom de Frank Hoogerbeets, un Néerlandais présenté par de nombreuses pages influentes sur les réseaux sociaux, et même certains médias, comme un expert en sismologie. On lui attribue une prédiction selon laquelle un tsunami frappera les côtes marocaines, portugaises et espagnoles entre le 19 et le 21 septembre courants.

Des vidéos au montage grossier, souvent flanquées d’une musique de fond angoissante, pullulent sur internet. Le ton y est grave et solennel. Il n’en fallait pas moins pour pousser certaines familles à s’isoler loin des côtes en prévision d’une catastrophe imminente, comme le rapportent certains témoins.

Un cabotin de la sismologie

Le nom de Frank Hoogerbeets est d’ailleurs apparu très rapidement après la catastrophe. On pouvait lire, dans certains articles publiés peu de temps après le séisme, que ce "spécialiste" avait prévu qu’un tremblement de terre allait incessamment frapper le Maroc.

En réalité, il n’en est rien. Sur sa chaîne YouTube, la dernière vidéo précédant le séisme de la région d’Al Haouz montre les anticipations sismiques de Frank Hoogerbeets. Il avait prévu, d’après ses lectures, des tremblements de terre dans plusieurs régions du monde… dont le Maroc ne faisait pas partie.

En pratique et au stade actuel des connaissances scientifiques, il est impossible de déterminer préalablement la date et le lieu de la survenue d’un séisme. En effet, malgré de nombreux progrès scientifiques, les études sismologiques les plus sérieuses ne permettent pas de définir ces paramètres. En revanche, les failles géologiques sont connues. La cartographie des plaques tectoniques permet de situer les endroits les plus exposés aux activités sismiques, mais on ne peut en aucun cas prévoir le moment de la secousse.

Dans une vidéo qui a eu beaucoup moins de succès sur les réseaux sociaux, Mohamed Chlieh, sismologue et chargé de recherches à l’Institut de recherche pour le développement, fait une analogie qui permet de cerner l’ampleur de cette incertitude : "Anticiper un tremblement de terre, c’est comme anticiper un accident de la route. Les failles géologiques on sait où elles sont, les routes on sait où elles sont. Mais dire qu’il y aura un accident au kilomètre X à telle heure, à telle seconde, c’est impossible !"

Les prédictions de Frank Hoogerbeets relèvent davantage de la voyance que de la science. Il prétend tirer ses conclusions, qu’il n’hésite pas à couvrir d’un apparat scientifique, suivant les positions, les itinéraires et les alignements des astres et des planètes. En effet, la qualité de sismologue qu’il revendique est dolosive, car aucune des analyses livrées ne respecte l’orthodoxie scientifique ou ne se base sur des données géologiques avérées. Il ne s’agit en somme que de supputations qui visent à alimenter le sensationnel ou le mystique.

"C’est d’ailleurs ce qui caractérise les charlatans de la prémonition", estime Najib Mokhtari, ingénieur marocain et producteur de vidéos de vulgarisation scientifique, dans une capsule dédiée au spécialiste néerlandais. "C’est un procédé qui consiste à faire une multitude d’annonces vagues et des expressions chronologiquement approximatives telles que 'tôt ou tard', jusqu’à ce que la prophétie se réalise un jour."

Le fact-checking, un combat déséquilibré

Face à cette déferlante de fake news et de panique, les professionnels des médias au Maroc tentent, tant bien que mal, d’éclairer l’opinion publique à travers des articles documentés et des informations vérifiées. Plusieurs médias ont développé des rubriques fact-checking pour contrer les fausses informations.

Une tâche à laquelle s’est également attelée l’agence nationale MAP en lançant le service SOS Fake News, destiné à rassurer les citoyens en cette période particulièrement trouble.

A cette initiative louable de l’agence de presse nationale, s’ajouteront d’autres projets en cours de finalisation. L’objectif est le même : faire face aux flux grandissants d’intox qui circulent sur les réseaux sociaux.

C’est le cas d’un collectif regroupant des lauréats et des étudiants de l’Institut supérieur de l’information et de la communication, regroupé sous le nom Atlascoom. Il s’agit d’une newsroom qui est actuellement en train de finaliser la production d’un contenu à la fois informatif et ludique, pour contrer la propagation exponentielle des fake news sur les réseaux sociaux au Maroc.

Haitam Bachari, diplômé de l’ISIC, est à l’origine de cette initiative. "Au deuxième jour qui a suivi la catastrophe, j’ai vu l’ampleur des fausses informations qui circulaient sur les réseaux sociaux, alimentées par une grande frange d’influenceurs qui se sont rendus sur le lieu du sinistre. J’ai contacté la direction de l’ISIC et je lui ai proposé l’idée de la newsroom, et elle a répondu favorablement à ma sollicitation."

Ce groupe d’une dizaine de personnes, réparti entre débutants et expérimentés, se partagent la charge de travail : "Nous allons opérer sur trois volets : la mobilisation populaire, le volet légal dont la protection des mineurs, la déontologie et l’éthique journalistique et finalement la lutte contre les fake news. Au lancement, nous avons prévu une compilation des fake news les plus partagées sur les réseaux sociaux. Ensuite, nous procéderons au monitoring, en soumettant au fact-checking toute information qui circule sur les réseaux sociaux. Notre plateforme sera présente sur les réseaux sociaux Instagram, Tiktok et Facebook", précise Haitam Bachari.

A ces initiatives institutionnelles ou organisées s’ajoutent les efforts individuels d’influenceurs engagés, conscients des dangers et des mouvements de panique que les fake news peuvent engendrer. Cette situation alerte sur l’urgence de l’éducation aux médias. Un sujet sur lequel nous reviendrons dans le prochain article de cette série.

Pour l’heure, si la menace d’un tsunami imminent sur les côtes marocaines est à écarter, le tsunami d’intox est quant à lui bien réel, et ses dégâts difficilement mesurables.

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