Gestion des établissements pénitentiaires : ce que prévoit le projet de loi, ce qu’en pense le CNDH

Voici ce que prévoit la réforme relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, élaborée par le ministère de la Justice et examinée par le Parlement. Le projet de loi a fait l’objet d’un avis émis par le CNDH. En voici également les principales observations et recommandations.

Gestion des établissements pénitentiaires : ce que prévoit le projet de loi, ce qu’en pense le CNDH

Le 22 septembre 2023 à 11h28

Modifié 22 septembre 2023 à 11h36

Voici ce que prévoit la réforme relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, élaborée par le ministère de la Justice et examinée par le Parlement. Le projet de loi a fait l’objet d’un avis émis par le CNDH. En voici également les principales observations et recommandations.

La commission de Justice de la Chambre des représentants s’est réunie, ce mardi 19 septembre, pour un second examen du projet de loi 10.23 relatif à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires. Adopté en mars dernier en Conseil de gouvernement, le texte vient opérer une refonte globale et profonde de la loi 23.98, relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, actuellement en vigueur.

Il est, depuis mai 2023, soumis au Parlement qui n’a démarré l’examen du texte qu’à la rentrée. Cette réforme tombe dans un contexte particulier puisque les établissements pénitentiaires souffrent, depuis plusieurs années, d’un problème de surpopulation carcérale.

Une problématique de plus en plus sévère puisqu’en août dernier, la délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion a alerté l’opinion publique concernant un nouveau record de nombre de détenus : ils sont 100.004 pour 67.000 places seulement.

En juillet dernier, le président de la Chambre des représentants a demandé l’avis du CNDH concernant ce projet de loi. Avis consulté par nos soins dont nous présentons dans cet article les principales observations et recommandations.

"Améliorer les conditions de vie et favoriser la réinsertion"

Le projet de loi, élaboré par le ministère de la Justice, est présenté comme un texte dont le but est d'assurer la sécurité des détenus, des individus, des bâtiments et des infrastructures dédiés auxdits établissements.

Il vise à contribuer à la préservation de l'ordre général, garantir la sécurité et les droits des pensionnaires, améliorer leurs conditions de vie et favoriser leur réinsertion.

Parmi les nouveautés apportées par ce projet de loi, celle du renforcement des dispositions relatives aux règles spéciales destinées à assurer la protection des catégories vulnérables de détenus telles que les femmes, les enfants et les personnes à besoins spécifiques, et à prendre en considération leurs besoins individuels. Une catégorie nouvellement définie par le projet de loi dans son article 1er.

Les articles 6 et 7 du même texte viennent, quant à eux, confirmer que les prisons centrales sont dédiées aux détenus condamnés à des peines longues, mais aussi, et ceci est une nouveauté, à ceux condamnés à des peines "moyennes". Ceux placés en détention préventive ou condamnés à des peines de courtes durées sont destinés aux prisons locales, comme le prévoit la loi actuellement en vigueur.

À noter que dans son article 17, le projet de loi prévoit que les établissements pénitentiaires fournissent aux détenus, "dans la mesure du possible", des lieux de détention individuels ; sachant que la priorité est donnée aux personnes placées en détention préventive.

Le projet de loi consacre également une partie aux "droits et obligations principales des détenus". Ainsi, ils sont tous considérés "égaux" puisque l’article 62 interdit la discrimination basée sur le genre, la couleur, les croyances religieuses ou culturelles, sur l’appartenance sociale, régionale, sur la langue, sur le handicap ou sur "toute autre situation personnelle quelle qu’elle soit".

Les dispositions de ce projet de loi prévoient également la "protection de la dignité et de l’intégrité physique du détenu" et interdisent de se comporter avec lui d’une manière qui porte atteinte à ces éléments-là.

Droit de visite étendu, mais conditionné

En matière de droit de visite, le projet de loi étend les visiteurs éligibles aux personnes qui ne font pas partie du cercle familial du détenu, quand cela est bénéfique pour sa réinsertion. Cela dit, cette disposition est soumise à des conditions dont l’accord du directeur de l’établissement pénitentiaire, l’approbation du détenu, mais aussi le respect des règles de sécurité.

Dans ce même cadre, et selon les dispositions des articles 80 et suivants, les associations de la société civile, les ONG nationales et les instances religieuses, peuvent rendre visite aux détenus pour contribuer à leur réinsertion, à condition d’obtenir une autorisation de l’administration pénitentiaire. Néanmoins, elles ne sont pas autorisées à se rendre dans les zones de détention ni à prendre attache avec des agents qui ne les accompagnent pas.

Il leur est également interdit de publier le contenu de la visite ou un rapport à ce sujet "sans que l’administration pénitentiaire ne l’ait consulté en amont". Celle-ci se réserve le droit d’actionner son droit de réponse.

En matière de soin et de santé, il est prévu que le médecin de l’établissement pénitentiaire examine non seulement les nouveaux détenus, ceux qui déclarent être malades ou encore ceux placés en isolement, mais aussi ceux en grève de la faim, ceux qui demandent à travailler dans la cuisine de l’établissement, ou encore ceux qui souffrent d’addictions aux psychotropes.

Le médecin offre également un suivi médical aux détenues enceintes et leurs enfants accompagnateurs. Ceux-ci peuvent, selon les dispositions de la loi en vigueur, rester avec leurs mères dans les établissements pénitentiaires jusqu’à l’âge de 3 ans. Exceptionnellement, les mamans détenues peuvent demander une prolongation de ce délai jusqu’à atteindre l’âge de 5 ans maximum. Le projet de loi prévoit comme seul délai celui de cinq ans maximum.

Conditions d’incarcération : la surface minimale n’est pas précisée

De manière générale, l’incarcération doit répondre à des conditions de santé et de sécurité prévues par les articles 123 et suivants du projet de loi. Ainsi, les lieux de détention doivent répondre aux normes de santé et de sécurité, notamment la propreté, la surface minimale dédiée à chaque détenu, l’espace d’aération, le chauffage, la luminosité et la ventilation, en fonction de la météo.

À noter que "la surface minimale dédiée à chaque détenu" n’est pas précisée.

Aussi, selon les dispositions de ce projet de loi, le détenu est tenu de veiller lui-même à la propreté de son espace. Il lui est interdit d’exploiter un autre détenu pour le lui nettoyer. L’établissement pénitentiaire lui fournit un lit et des draps "adéquats".

L’administration pénitentiaire fournit également l’eau potable et la nourriture conformément à un programme alimentaire équilibré de trois repas journaliers, dont la nature et la quantité seront déterminées par voie réglementaire. Sachant qu’après consultation du médecin de l’établissement pénitentiaire, les détenus malades, les femmes enceintes et allaitantes, les bébés et les enfants accompagnateurs peuvent bénéficier d’un programme alimentaire dédié.

Ce texte renferme aussi des dispositions visant à renforcer l'accès aux droits au sein des établissements pénitentiaires, notamment en ce qui concerne la qualification des détenus et leur réinsertion. Ainsi, un chapitre de ce projet de loi est dédié aux activités et programmes de réinsertion.

L’article 136 prévoit que les détenus condamnés soient rassemblés durant la journée pour les études, la formation professionnelle et pour bénéficier de programmes religieux ou activités professionnelles, culturelles, sportives ou récréatives.

"Il faut que chaque programme journalier des détenus prévoit ce qui permet de préserver et de développer leurs aptitudes intellectuelles, psychologiques et physiques, dans le but de faciliter leur réinsertion dans la société", lit-on dans le texte.

Ces principales nouveautés ne suffisent pas à répondre à toutes les exigences internationales, selon l’avis du CNDH, qui relève "de nombreuses remarques". Celles-ci, "malgré leur nature formelle, ne manquent pas de porter atteinte au contenu du texte et à la clarté de ses dispositions", lit-on dans l’avis du CNDH.

Des vices de forme

Dans ses observation, le CNDH souligne que le projet de loi ne prévoit pas de préambule ; qui a pourtant "un rôle important dans la compréhension des objectifs de la loi et des raisons qui poussent le législateur à la mettre en place".

"Malgré la présence d’un mémoire de présentation annexé au projet de loi, celui-ci ne remplace pas le préambule et reste non contraignant du point de vue juridique", indique le Conseil.

Ce dernier relève également l’absence de définition de certaines notions essentielles dont "les établissements pénitentiaires", et pointe du doigt un problème d’incompréhension dans certaines dispositions. Il s’agit, à titre d’exemple, de l’article 156 du projet de loi qui octroie au directeur de l’établissement pénitentiaire la possibilité d’empêcher un détenu de pratiquer un sport en invoquant des raisons "d’organisation et de sécurité". Un motif dont la portée n’est pas précisée, selon le CNDH.

Le Conseil remarque également que le projet de loi contient "beaucoup de références à des textes réglementaires" qui vont la compléter. Mais estime que "la majorité concerne la mise en œuvre de droits essentiels du détenu et pose de nombreux problèmes liés aux délais de l’entrée en vigueur de ces textes et à la garantie de leur cohésion avec les normes internationales".

Par ailleurs, le CNDH recommande de supprimer les termes qui conditionnent certains droits, tels que "dans la mesure du possible" ; "si nécessaire", etc. Et ce, pour assurer que l’Etat est tenu de garantir les droits des détenus sans condition.

Plus de garanties pour certaines catégories

Dans ses observations, le CNDH estime que le projet de loi manque de garanties suffisantes pour protéger les détenus qui souffrent de maladies mentales. Il regrette que, malgré la consécration du principe d’égalité entre les détenus, le texte ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour les personnes souffrant d’addictions ou de maladies chroniques, "qui peuvent avoir un besoin urgent d’entamer des programmes de traitement spécifiques ou d’obtenir des médicaments adéquats".

Idem pour les détenus âgés. Pour le CNDH, "le projet de loi ne fournit aucune garantie à la protection des droits essentiels des détenus âgés". Le Conseil recommande d’introduire des dispositions spécifiques pour la protection des droits de ces personnes.

Aussi, le Conseil estime que les dispositions de ce projet de loi ne prennent pas en considération les différences entre les genres, surtout en ce qui concerne les besoins spécifiques des femmes. Par exemple, le conseil fait référence à l’absence de toute indication relative à l’hygiène féminine, la santé reproductive, la santé mentale etc.

Concernant les visiteurs qui ne font pas partie du cercle familial du détenu, le CNDH désapprouve la disposition visant à conditionner ce droit de visite au bénéfice que peut en tirer le détenu en matière de réinsertion. Pour le Conseil, c’est un conditionnement inutile.

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