Victime de diffamation sur les réseaux sociaux, comment réagir

Quels sont les réflexes à adopter lorsque l’on est victime de diffamation sur les réseaux sociaux ? Faut-il garder des preuves ? Par quels moyens ? Et à qui s’adresser ? Voici les réponses de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris

Victime de diffamation sur les réseaux sociaux, comment réagir

Le 18 juillet 2023 à 11h47

Modifié 18 juillet 2023 à 15h44

Quels sont les réflexes à adopter lorsque l’on est victime de diffamation sur les réseaux sociaux ? Faut-il garder des preuves ? Par quels moyens ? Et à qui s’adresser ? Voici les réponses de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris

Le Maroc se dirige vers la mise en place de sanctions sévères contre la diffamation sur les réseaux sociaux. C’est ce qu’avait déclaré, en décembre dernier, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, en évoquant les nouveautés prévues dans le Code pénal, toujours en cours de préparation par son département.

En attendant l’aboutissement de ce nouveau texte, comment se protéger et comment réagir lorsque l’on est victime de diffamation sur les réseaux sociaux au regard de l’actuelle loi ? Médias24 a sollicité l’éclairage de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris.

La diffamation concerne des allégations ou imputations, pas de simples critiques

Le Code pénal, dans son article 442, définit la diffamation comme "toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé".

Me Naciri Bennani précise que "lorsque la diffamation est publique, l’article 444 du même Code soumet les faits aux dispositions du Code de la presse".

"La qualification de diffamation peut être retenue lorsqu’est apportée la preuve d’allégations ou d’imputations d’un fait précis et déterminé. Les propos doivent comporter des affirmations attribuant directement ou indirectement des faits précis à une personne, non pas une simple critique relevant de la liberté d’expression", ajoute l’avocate.

Cela dit, "la diffamation sur les réseaux sociaux est, par nature, publique, puisqu’elle fait l’objet d’une diffusion plus ou moins large selon le canal utilisé. Mais cette qualification sur la base du Code de la presse est contestable, puisque les réseaux sociaux ne répondent pas parfaitement aux moyens de communication visés par ce code, ni au caractère peu strict des peines prévues".

Néanmoins, "jusqu’à une décision récente de la Cour de cassation, et en raison du principe de légalité des délits et des peines, qui interdit d’étendre le champ d’application d’un texte pénal, les tribunaux ne se référaient pas au Code pénal".

Me Zineb Naciri Bennani estime que "la diffamation sur les réseaux sociaux est un sujet dont la gravité ne peut être ignorée. Ces réseaux représentent le principal moyen de communication, que ce soit au niveau personnel ou professionnel, mais sont perçus par certains comme un espace de totale impunité".

"Il peut ainsi résulter de graves conséquences de faits de diffamation pour les victimes. Un professionnel peut accuser des pertes importantes en cas de diffamation portant sur ses produits ou services sur les réseaux sociaux, au même titre qu’une personne physique peut subir un préjudice moral, une perte de son emploi ou d’autres dommages du fait d’une diffamation sur les réseaux sociaux. Cela peut être perçu comme une arme de la concurrence adoptant des méthodes déloyales", souligne-t-elle.

De plus, l’avocate considère que "la rapidité de diffusion de l’information, le peu de limites mises en place ou la liberté que ressentent les internautes, notamment au regard de l’anonymat pouvant accompagner les publications, nécessitent qu’en plus d’une réponse pénale stricte, des dommages et intérêts suffisants soient accordés aux victimes".

Des peines lourdes en fonction des cas

Actuellement, le Code de la presse punit "la diffamation publique envers les cours, tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués, les administrations publiques du Maroc d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 1.200 à 100.000 dirhams, ou l’une de ces deux peines seulement".

"La diffamation publique commise envers les particuliers, quant à elle, est punie d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 10.000 à 50.000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement", poursuit l’avocate.

Elle souligne par ailleurs que "l’article 447-2 du Code pénal punit la diffamation et la diffusion ou la distribution d’informations relatives à la vie privée des gens sans leur consentement. Ces actes sont punis d’emprisonnement de six mois à trois ans, assortis d’une amende de 2.000 à 20.000 dirhams".

Me Naciri Bennani insiste sur la gravité de l’infraction et ses conséquences sur les victimes. "Des propos diffusés sur internet peuvent disparaître aussi vite qu’ils sont publiés, mais leur diffusion, même pour un délai court, peut avoir causé un préjudice important à la victime".

Captures d’écran, huissiers... les réflexes à adopter

Pour les victimes de diffamation sur les réseaux sociaux, l’avocate recommande de "procéder dans l’urgence à la sauvegarde des preuves par des captures d’écran, puis par des procès-verbaux d’huissier qui confirment la provenance de ces images. Les huissiers procèdent eux-mêmes aux captures d’écran, après vérification des paramètres de connexion, et en dressent un procès-verbal détaillé".

"La victime n’a pas l’obligation de prouver le caractère faux des faits, seulement le caractère diffamatoire. Il reviendra au prévenu de prouver la vérité des faits diffamatoires si ces faits s’avèrent réels. Elle peut également contacter immédiatement l’auteur et l’hébergeur pour demander le retrait des propos litigieux. Des procédures en référé existent pour ordonner, lorsque cela est adéquat, un retrait rapide des publications sur les plateformes".

Sur le plan judiciaire également, la personne qui s’estime victime de diffamation peut "porter plainte devant le procureur du Roi près du tribunal compétent. L’action publique est alors mise en mouvement par le biais d’une citation notifiée par le ministère public ou la partie civile, au moins, quinze jours avant la date de l’audience qui précise et qualifie le fait incriminé".

À noter que le jugement, qui doit être prononcé dans les 90 jours, est susceptible d’appel devant la cour d’appel compétente.

Me Naciri Bennani précise également que "si l’on se fonde sur les dispositions du Code pénal, qui qualifient la diffamation de délit, la prescription est de quatre ans. Or, le Code de la presse prévoit que l’action publique se prescrit après six mois révolus à compter du jour où les faits sont commis ou du jour du dernier acte de poursuite, s’il en a été fait".

En tous les cas, "la victime peut se constituer partie civile dans le cadre de la plainte déposée pour demander un dédommagement. Il convient de préciser que l’action civile sera poursuivie avec l’action publique. La victime peut solliciter la réparation du préjudice moral résultant de la diffamation, et dont le quantum est souverainement apprécié par les juges".

Enfin, "des juridictions étrangères ont eu l’occasion d’indemniser des sociétés de la baisse de leur chiffre d’affaires suite à des actes de diffamation sur les réseaux sociaux. En effet, la société victime de diffamation subit une perte du chiffre d’affaires et [doit effectuer] des dépenses pour remettre à niveau sa réputation sur internet. Ceci représente un préjudice pouvant résulter des faits décrits ci-dessus et qui nécessite réparation".

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