Peines alternatives : un tournant de la politique pénale... en sursis

Le gouvernement n'a pas validé le projet de loi relatif aux peines alternatives, préférant créer une commission pour "approfondir les discussions" autour d'un texte attendu comme un tournant dans la politique pénale au Maroc.

Peines alternatives : un tournant de la politique pénale... en sursis

Le 4 mai 2023 à 17h24

Modifié 5 mai 2023 à 11h43

Le gouvernement n'a pas validé le projet de loi relatif aux peines alternatives, préférant créer une commission pour "approfondir les discussions" autour d'un texte attendu comme un tournant dans la politique pénale au Maroc.

Programmé ce jeudi 4 mai au Conseil de gouvernement, le projet de loi relatif aux peines alternatives n'a pas été adopté. L'exécutif a décidé de sursoir à l'examen de ce texte très attendu par la sphère judiciaire.

Les raisons de ce report n'ont pas été communiquées. Le gouvernement s'est contenté d'annoncer la création d'une "commission présidée par le chef du gouvernement et incluant toutes les parties concernées" pour "approfondir les discussions autour du projet". Après quoi il sera "présenté lors d'une prochaine réunion du Conseil de gouvernement".

Les "discussions" concerneront l'intégralité du texte, laisse entendre laconiquement Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, contacté par Médias24. Sans autres précisions sur les points de divergence ou l'agenda du réexamen du projet.

Sollicité par nos soins, le ministre de la Justice n'a pas répondu à nos questions. Une constante depuis l'arrivée de Abdellatif Ouahbi à ce poste.

Le texte est attendu depuis 2013, les peines alternatives ayant été citées dans les recommandations de la Charte de la réforme du système judiciaire. Ces mécanismes devaient initialement êtres inclus dans la refonte du Code pénal. Le ministère de la Justice a finalement opté pour un texte autonome, soumis en mars 2021 au Secrétariat général du gouvernement.

L’avant-projet prévoit une batterie de "sanctions" comme alternatives possibles aux peines privatives de liberté. Enjeu : s’aligner sur les évolutions que connaît le monde dans le domaine des libertés et droits, d’une part, et "réduire le nombre de détenus et les charges qu’implique leur incarcération", juguler le phénomène de "surpopulation carcérale" et protéger les délinquants, notamment les mineurs, des "inconvénients liés à l’emprisonnement", d’autre part.

La peine alternative ne serait activable que lorsque la sanction d’emprisonnement ne dépasse pas 3 ans fermes. Elle est rendue au moment du prononcé du jugement. Le juge l’ordonne d’office ou à la demande du ministère public, du condamné ou de sa défense. Dans tous les cas, l’intéressé doit donner son accord.

Pas de peines alternatives pour ces infractions

Les peines alternatives ne seront pas envisageables pour certaines infractions. L’avant-projet prévoit d’exclure les cas de détournement, concussion, corruption et le trafic d’influence. Il en est de même pour le trafic international de stupéfiants, le trafic d’organes humains et l’exploitation sexuelle des mineurs.

>Travaux d’intérêt général

Cette notion revient en premier à l’évocation des peines alternatives. Elle ne concernera que les condamnés âgés d’au moins 15 ans. Le travail, qui ne sera évidemment pas rémunéré, sera fourni au profit des services de l’Etat, institutions ou instances de protection des droits, libertés et de la bonne gouvernance. Idem pour les établissements publics, associations caritatives et lieux de culte et autres organisations non gouvernementale.

La durée totale des travaux ira de 40 à 600 heures, à l’appréciation du juge et à raison d’un maximum de deux heures pour chaque jour couvrant la durée prévue de l’emprisonnement. Le condamné doit liquider ses heures de travail dans un délai d’un an, prorogeable une seule fois.

Qu'arrive-t-il si le condamné cesse de respecter cette mesure ?  Le juge chargé de l'exécution des peines y met fin, et la peine de prison est appliquée en déduisant le nombre d'heures de travail effectuées.

>Les amendes journalières

"Acheter ses jours de prison" : le ministre de la Justice a choisi cette image pour évoquer l’instauration probable des amendes journalières.

Au lieu de prononcer une peine de prison, le juge pourrait ainsi astreindre le condamné à une somme d’argent pour chaque jour couvert par la durée d’incarcération, sous réserve que cette durée ne dépasse pas deux ans dans le prononcé.

L’avant-projet prévoit des amendes journalières comprises entre 100 et 2.000 DH. Le montant exact est soumis à l’appréciation du juge, qui tient compte des "moyens" du condamné, de la gravité des faits et de l’ampleur du préjudice. Une option ouverte également aux mineurs en conflit avec la loi, après accord du tuteur ou représentant légal.

L’amende journalière doit être réglée dans un délai de six mois à partir de la décision d’exécution. Ce délai est prorogeable (une seule fois) sur décision du juge "chargé de l’exécution" et à la demande du condamné.

>La surveillance électronique

Cette sanction peut être ordonnée en remplacement d’une peine privative de liberté. Le condamné est sous "liberté surveillée", sa circulation étant scrutée en temps réel et à distance via "un ou des" moyens électroniques, dont le bracelet électronique. Le périmètre de circulation et la durée de la mesure sont à l’appréciation du juge.

Un décret viendra ultérieurement étayer les caractéristiques techniques, les modalités de placement du bracelet, ainsi que les organes chargés de l’appliquer.

>Assignation à résidence, pointage, cure de désintoxication…

La panoplie des mesures couvertes par le texte s’étend à l’assignation à résidence. Le condamné pourra être astreint à résider dans un lieu fixe qu’il ne devra pas quitter, ou qu’il ne pourra quitter que selon un horaire défini par le juge. Le condamné peut également se voir interdire l’accès à certains lieux, soit dans l’absolu, soit à certaines heures.

L’intéressé pourra également être contraint à se présenter (pointer) périodiquement auprès de l’administration pénitentiaire, de la police, de la gendarmerie ou d’un bureau d’assistance sociale au tribunal.

La mesure peut également prendre la forme d'une cure de désintoxication ou d'un suivi chez le médecin psychiatre, de l'exercice d'une activité professionnelle, de la poursuite d'études ou du suivi d'une formation professionnelle.

Enfin, le condamné peut s’engager à ne plus entrer en contact avec ses victimes et à réparer les dommages occasionnés par son infraction.

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