Accord entre les pharmaciens et le ministère de la Santé : voici les chantiers prioritaires

Après une grève ayant paralysé le secteur durant 24 heures, les pharmaciens ont obtenu gain de cause, du moins si l'on en croit l'accord signé le samedi 15 avril avec le ministère de la Santé, avec une promesse de ce dernier de satisfaire un ensemble de points du dossier revendicatif de la profession. Quelle est la suite ? Les pharmaciens camperont-ils sur leur décision de tenir une seconde grève de 48 heures ? Réponses.

Accord entre les pharmaciens et le ministère de la Santé : voici les chantiers prioritaires

Le 17 avril 2023 à 17h23

Modifié 17 avril 2023 à 17h35

Après une grève ayant paralysé le secteur durant 24 heures, les pharmaciens ont obtenu gain de cause, du moins si l'on en croit l'accord signé le samedi 15 avril avec le ministère de la Santé, avec une promesse de ce dernier de satisfaire un ensemble de points du dossier revendicatif de la profession. Quelle est la suite ? Les pharmaciens camperont-ils sur leur décision de tenir une seconde grève de 48 heures ? Réponses.

  • Le dialogue entre le ministère de la Santé et les pharmaciens a repris, et se poursuivra après Aid Al Fitr.
  • Le projet de loi 98-18 relatif à la régionalisation des Conseils de l’ordre des pharmaciens sera reprogrammé.
  • Le projet de loi sur les compléments alimentaires sera mis dans circuit législatif.
  • L’application du droit de substitution des médicaments sera examiné.

"A présent, nous avons commencé le dialogue et nous allons le poursuivre une semaine après Aïd al-Fitr", apprend-on auprès du Dr Khalid Zouine, président du Conseil national de l’Union nationale des pharmaciens du Maroc, qui souligne qu’en ce moment, "on ne peut pas parler de grève".

On ne parle plus de grève, place au dialogue

Joint par nos soins, notre interlocuteur explique que "la réunion tenue samedi est la seconde avec le ministère de la Santé et de la protection sociale, mais la première après la grève nationale tenue le 13 avril".

Lors de la première réunion du 6 avril avec le ministre Khalid Ait Taleb, la décision de maintenir la grève a été justifiée par le fait que cette rencontre restait préliminaire, et que l’étendue de l’implication du ministère dans le traitement du dossier revendicatif des pharmaciens n’était pas claire.

Les syndicats étaient également prêts à revoir leur programme de grève avec l’ensemble des syndicats locaux - notamment la grève de deux jours consécutifs annoncée précédemment et dont la date n’avait pas été fixée, au cas où ministère interagissait favorablement avec leurs revendications durant les jours qui suivaient.

"La grève nationale du 13 avril a connu la participation de 99,99% des professionnels du secteur, et a démontré, d’une part, que le secteur est réellement en crise, mais aussi que nous sommes tous unis pour obtenir gain de cause. Lors de la seconde réunion tenue samedi, nous avons senti la volonté du ministère et des syndicats de trouver des solutions réelles et concrètes pour le secteur. Nous allons donc entamer le dialogue après l’Aïd", nous indique le Dr Zouine.

Et de noter : "Actuellement, nous ne pouvons donc pas parler de grève. Les professionnels du secteur sont optimistes pour la suite."

Les chantiers prioritaires du secteur officinal

Lors de la première réunion avec le ministre, trois principaux points ont été évoqués par les quatre centrales syndicales représentant le secteur officinal :

- Le ministre devait reconnaître que la comparaison faite avec d’autres pays en ce qui concerne les marges des pharmaciens n’était pas juste. "La plus grande marge dont on bénéficie s’élève à 33,9% du prix public de vente (pour la première tranche des médicaments qui coûtent entre 300 et 1.000 DH, ndlr). Celle-ci diminue à mesure que le prix du médicament augmente, avec un plafond de 400 DH sur la tranche T4 (médicaments dont le prix dépasse 3.000 DH, ndlr)", souligne le Dr Khalid Zouine.

- "Le dialogue avec le ministère doit reprendre. Nous étions en discussion avec les précédents ministres sur les différents points de notre dossier revendicatif, mais il y a eu un arrêt avec le ministre actuel ; un arrêt qui s’est poursuivi même après la crise du Covid."

- "Nous devons être impliqués dans le chantier de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO). Les pharmaciens jouent un très grand rôle dans le secteur de la santé. Ils sont le premier contact avec les citoyens. Il est donc inconcevable de mener un chantier aussi important sans que l’on nous consulte."

Durant la seconde réunion, d’autres points du dossier revendicatif ont été évoqués. Selon le procès-verbal de la réunion, dont Médias 24 détient copie, le ministère a d’abord précisé que les marges des pharmaciens ne seront pas touchées, dans le cadre de la révision du décret relatif à la fixation des prix des médicaments.

Rappelons qu’un texte visant la baisse des prix de certains médicaments est en discussion actuellement avec les parties concernées, notamment les pharmaciens, qui refusent une baisse de leurs marges.

Le texte sur la régionalisation des Conseils de l’ordre reprogrammé

Le ministère s’est également engagé à reprogrammer l’adoption de la loi 98-18 sur la régionalisation des Conseils de l’ordre des pharmaciens.

D’après M. Zouine, "ce texte est arrivé à la Commission des secteurs sociaux. Nous avons proposé nos amendements, que nous avons également transmis au ministre le 6 avril dernier lors de notre première rencontre, ainsi qu’aux parlementaires. Ce texte n’attend donc que le vote de la commission, pour ensuite passer devant les deux chambres de parlement".

Rappelons-le, ce texte vise à reformer le secteur officinal dans sa globalité, à travers notamment la régionalisation des conseils de l’Ordre des pharmaciens pour une meilleure réponse aux besoins des habitants des différentes régions du Royaume en termes d’accès aux soins.

Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, dans sa composition actuelle, englobe deux conseils régionaux des pharmaciens d’officine, l’un pour le Nord, l’autre pour le Sud, un Conseil des pharmaciens fabricants et répartiteurs et un Conseil des pharmaciens biologistes. Ce texte vise à mettre en place 12 conseils régionaux, à l’instar du Conseil de l’ordre des médecins.

Ce texte, préparé par l’ancien ministre Doukkali, suit son circuit législatif au Parlement depuis environ un an. C’est l’une des raisons du retard des élections d’un nouveau Conseil dans la profession.

Réglementation des compléments alimentaires

Outre le texte sur la régionalisation des Conseils de l’ordre des pharmaciens, les deux parties ont convenu de mettre la loi sur les compléments alimentaires dans le circuit législatif dans les plus brefs délais, lit-on sur ledit PV. Il s’agit en effet d’un texte important, compte tenu du danger que représentent ces produits pour la santé des citoyens.

"Ce texte a été élaboré par Bouchra Meddah, ancienne directrice de la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP), et déposé au ministère de la Santé", indique notre source. "On ignore pourquoi il tarde à être déposé sur la table de la Commission parlementaire des secteurs sociaux, comme les autres projets de loi concernant le secteur officinal."

"Nous avons déjà envoyé les amendements au ministère, et l’on attend que ce projet de loi entame le circuit législatif" habituel.

En effet, le projet de loi sur les compléments alimentaires est bloqué depuis 2022 au ministère de la Santé. La première mouture a été élaborée en réponse aux nombreuses demandes des professionnels du secteur. Elle a ensuite été transmise aux pharmaciens pour avis en novembre 2022. Ces derniers devaient émettre leurs remarques dans un délai de dix jours. Le projet de loi, amendé, a été renvoyé au ministère dans les délais et depuis, le texte est toujours bloqué.

Ce texte vise à faire face au flou qui persiste sur la composition de ces produits, dont une bonne partie est importée de l’étranger, notamment des Etats-Unis. Ces produits sont vendus de manière anarchique, en particulier sur internet. Ceux qui les commercialisent profitent de l’ignorance des consommateurs pour leur vendre des produits dont ni la composition, ni l’efficacité, ne sont établies, et à des prix exorbitants, au motif qu’ils proviennent de l’étranger, sans parler des interactions médicamenteuses de certains compléments avec des traitements suivis par certains patients.

La mise en place d’une loi réglementant les compléments alimentaires permettra donc de verrouiller leur circuit. Le texte, consulté par Médias24, définit d’abord les compléments alimentaires, avant de préciser qui a le droit de les importer, de les distribuer, de les dispenser ou de les vendre. Le texte précise ensuite les mécanismes permettant de le faire respecter.

Vers l’application du droit de substitution ?

Sur le procès-verbal de la réunion du samedi, les deux parties annoncent également l’examen de la possibilité d’application du droit de substitution des médicaments, revendiqué depuis des années par les pharmaciens, et qui n’est pas du goût des médecins, en tout cas pas dans les conditions actuelles d’exercice de la pharmacie et de la médecine.

Outre les ruptures répétées des médicaments, le débat sur la substitution a refait surface à travers le projet visant à généraliser la protection sociale au niveau national, d’autant qu’il s’agit de l’un des leviers les plus importants pour la mise en oeuvre de ce chantier royal.

Ce droit est accordé aux pharmacies d’officine dans la plupart des pays du monde, mais ce n’est pas encore le cas au Maroc. Les professionnels du secteur officinal appellent ainsi à encadrer ce droit par une loi facilitant davantage la dispensation des médicaments.

Les médecins, en revanche, estiment que ce droit doit être accompagné d’un ensemble de mesures, notamment la révision de l’exercice de la médecine et de la pharmacie au Maroc. Les raisons à l’origine de leurs protestations contre la légalisation de la substitution sont nombreuses, et parmi elles, l’absence de pharmaciens dans les pharmacies d’officine certaines fois.

Par ailleurs, les médecins expliquent que pour certaines molécules, le Maroc dispose de centaines de génériques, alors que pour d’autres, il n’en existe aucun. Les médecins dénoncent aussi le fait que les pharmaciens refusent d’assumer la responsabilité vis-à-vis des clients en cas d’allergie, ce qui peut être dangereux pour les médecins en cas de réaction allergique à certains composants.

Le mode de revenu des pharmaciens sera revu

Autre point très important du procès-verbal : la révision du mode de revenu des pharmaciens. De nouvelles indemnisations sur les services de santé proposés par les pharmaciens seront ainsi étudiées dans le cadre de la réforme du système de santé.

Rappelons-le, ce point a fait polémique suite à la publication du dernier rapport de la Cours des comptes, qui a estimé que les marges des pharmaciens au Maroc étaient élevées.

Selon nos informations, les pharmaciens marocains devraient être rémunérés sur l’acte de dispensation du médicament, sur les services en officine et le suivi médical, à l’instar de ce qui se fait dans les pays étrangers, notamment en Europe.

"En France par exemple, il y a des indemnisations supplémentaires sur les services proposés par le pharmacien", nous confie le Dr Khalid Zouine. "Sur une ordonnance constituée de trois médicaments, un montant est ajouté à chacun d’eux", précise-t-il.

"Les pharmaciens en France bénéficient également d’une indemnisation sur la garde du soir, sur la dispensation de vaccin et l’acte de vaccination et sur le suivi du dossier médical des patients, en saisissant les données de ces derniers sur les logiciels dédiés."

En effet, en France, les pharmaciens participant au service de garde organisé perçoivent une indemnité d’astreinte d’environ 190 euros pour la nuit, la journée du dimanche, le jour férié, ainsi que des honoraires pour chaque ordonnance exécutée dont le montant est variable selon les horaires.

Cette indemnité peut se cumuler avec :

- des honoraires de 8 euros par ordonnance exécutée entre 20h et 8h ;

- des honoraires de 2 euros par ordonnance exécutée entre 8h et 20h  durant les périodes de garde organisée ;

- des honoraires de 5 euros par ordonnance exécutée entre 8h et 20h les dimanches et les jours fériés.

"Au Maroc, la valeur scientifique des pharmaciens est réduite à la vente des médicaments, alors que nous conseillons les patients, nous leur expliquons la manière avec laquelle les différents médicaments peuvent être consommés…", conclut notre source.

Les autres points évoqués dans le procès-verbal sont :

- le respect du circuit de distribution ;

- la gestion du circuit légal des produits vétérinaires ;

- la réglementation des prix et du circuit des dispositifs médicaux.

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