Compléments alimentaires: le projet de loi toujours bloqué au ministère

Transmis en novembre 2022 aux pharmaciens pour avis, le projet de loi relatif aux compléments alimentaires a été renvoyé au ministère de la Santé avec les amendements souhaités par les professionnels du secteur. La réponse se fait attendre...

Compléments alimentaires: le projet de loi toujours bloqué au ministère

Le 17 janvier 2023 à 18h50

Modifié 17 janvier 2023 à 20h16

Transmis en novembre 2022 aux pharmaciens pour avis, le projet de loi relatif aux compléments alimentaires a été renvoyé au ministère de la Santé avec les amendements souhaités par les professionnels du secteur. La réponse se fait attendre...

L’encadrement de la production, la commercialisation et l’importation des compléments alimentaires est une vieille requête des pharmaciens. Un sujet sensible compte tenu du danger que représentent ces produits sur la santé des citoyens.

En réponse aux nombreuses demandes des professionnels du secteur, le ministère de la Santé a fini par élaborer la première mouture d’un projet de loi relatif aux compléments alimentaires, qui a été transmise aux pharmaciens pour avis en novembre 2022. Ces derniers devaient émettre leurs remarques dans un délai de dix jours. Le projet de loi, amendé, a été renvoyé au ministère dans les délais et depuis, le texte est toujours bloqué.

Les pharmaciens exigent la traçabilité et l’authenticité de ces produits

Le flou persiste sur la composition de ces produits, dont une bonne partie est importée de l’étranger, notamment des Etats-Unis, nous confie une source professionnelle.

Notre interlocuteur déplore des ventes non structurées : "Ces produits sont vendus de manière anarchique, notamment sur internet. Ceux qui les commercialisent profitent de l’ignorance des gens pour leur vendre des produits dont ni la composition ni l’efficacité ne sont établies, et à des prix exorbitants, sous prétexte qu’ils proviennent de l’étranger. C’est clairement de l’arnaque."

Notre source cite l’exemple de la spiruline, parfois importée dans des boîtes qui ne précisent même pas la teneur de ses composants. "En cas de problème ou de complications, vers qui le consommateur doit-il se tourner ? Là encore, c’est le flou total", déplore-t-elle.

"Idem pour d’autres produits de grande consommation, en particulier le magnésium et la vitamine C. Le magnésium est commercialisé sous une centaine de variétés, dont certaines à des prix très élevés. Des gens achètent ces produits pour faire des cures", ce qui peut s’avérer dangereux pour leur santé puisque rien ne garantit qu’il s’agit réellement de magnésium.

Notre source d’ajouter : "Sans parler des interactions médicamenteuses de certains compléments avec des traitements suivis par certains patients. Pour ce qui concerne la vitamine C, des boîtes importées sont vendues jusqu’à 300 dirhams alors qu’au niveau des pharmacies, la boite coûte seulement 15 dirhams."

"Ce que nous demandons, ce sont principalement la traçabilité et l’authenticité de tous les compléments alimentaires introduits au Maroc, ainsi qu’une maîtrise de la chaîne de distribution, avec des prix bien clairs."

Une faille au niveau des lois en vigueur ?

Une commission mixte, composée notamment des ministères de la Santé, de l’Agriculture et des Finances, supervise l’introduction de ces compléments alimentaires au Maroc, toujours selon cette même source.

"Pour qu’une société introduise ces produits dans le Royaume, elle peut passer par le ministère de la Santé ou celui de l’Agriculture. Dans le premier cas, la procédure est draconienne. Un grand nombre de documents et de preuves sont exigées par le ministère, en particulier les analyses des produits et les certifications du laboratoire fabricant."

En effet, sur le site de la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP), parmi les documents nécessaires à l’enregistrement d’un complément alimentaire, figurent les coordonnées du demandeur de l’autorisation, celles du laboratoire fabricant et de celui de contrôle, la liste des pays où le produit est commercialisé, la composition intégrale du complément, sa posologie et son mode d’emploi, ses propriétés nutritionnelles, ses limites d’utilisation et les durées d’utilisation et de validité. Sont également demandés, un bulletin d’analyse toxicologique, un bulletin d’analyse microbiologique, la monographie de la matière première et des plantes utilisées, un rapport de l’étude de stabilité du produit ainsi que des échantillons.

"Via le ministère de l’Agriculture, la procédure est plus simple. C’est ce circuit qu’empruntent généralement les petits laboratoires. La liste des documents n’est pas très exigeante, et c’est justement cette faille qui profite à certains vendeurs de compléments alimentaires."

Et d’ajouter : "La mise en place d’une loi réglementant les compléments alimentaires permettra de verrouiller leur circuit."

"La première mouture d’un projet de loi, élaborée par le ministère de la Santé, nous a été transmise en novembre 2022 pour avis, avec un délai de dix jours. Nous avons donc renvoyé le texte amendé au ministère en respectant le délai exigé et depuis, le texte y est bloqué pour des raisons que nous ignorons."

Un autre organisme, faisant partie de la commission mixte chargée d’autoriser l’entrée sur le territoire des compléments alimentaires, nous explique que "lorsqu’une société veut importer ces compléments, elle doit déposer un dossier auprès du ministère de la Santé, qui se charge de constituer un comité d’enregistrement, dont il assure la présidence, en présence de différents organismes concernés, notamment l’ONSSA. A l’issue de ce comité, un certificat d’enregistrement est délivré à ladite société. C’est l’un des sésames essentiels à l’importation de ces produits".

"Au niveau des points d’entrée au Maroc, un ensemble de documents sont requis pour pouvoir introduire ces produits, notamment le certificat d’enregistrement, le certificat sanitaire et l’autorisation d’entrepôt."

Joint par nos soins sur les raisons de ce blocage, le ministère de la Santé ne nous avait pas encore fait parvenir ses explications au moment de la publication de cet article. Il faut souligner cependant que le ministère de la Santé, en particulier la DMP, a connu de nombreux changements, notamment le départ de Bouchra Meddah, ancienne directrice, qui a été remplacée par Aziz Mrabti, mais aussi la création d’un département dédié à l’approvisionnement.

Ce que prévoit le projet de loi sur les compléments alimentaires

La première mouture du projet de loi relatif aux compléments alimentaires, jugée "faible" par les pharmaciens, définit d’abord les compléments alimentaires, avant de préciser qui a le droit de les importer, de les distribuer, de les dispenser ou de les vendre. Ensuite, le texte précise les mécanismes permettant de le faire respecter.

Les compléments alimentaires sont ainsi définis comme "des produits dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentations telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte-goutte et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité".

"Les listes des éléments autorisés dans la composition des compléments alimentaires seront établies par voie réglementaire par l’autorité gouvernementale chargée de la santé", ajoute le texte.

La fabrication et le stockage en vue de la mise sur le marché de distribution de ces produits doivent pour leur part être "réalisés dans le respect des règles de bonnes pratiques fixées par voie réglementaire".

"L’étiquetage des compléments, leur présentation et leur publicité ne doivent en aucun cas attribuer à ces produits des propriétés de préventions, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine ni évoquer ses propriétés. Les exigences et les modalités d’étiquetage ainsi que les allégations de santé permises seront fixées par voie réglementaire."

Par ailleurs, le texte précise que "sont réservées exclusivement aux pharmaciens d’officine la dispensation des compléments alimentaires sur prescription médicale et la détention de ces produits en vue de la vente au public, sur conseil du pharmacien".

Concernant les dispositions relatives aux établissements de fabrication, d’importation et d’exportation, le ministère exige que "tout établissement imposteur, fabricant, répartiteur, exportateur et tout autre désirant être titulaire du certificat d’enregistrement doit faire l’objet, préalablement à l’exercice de ses activités, d’une déclaration auprès de l’autorité gouvernementale chargée de la santé. La réponse à cette demande doit être livrée dans un délai de 120 jours, suite à une évaluation du dossier technique, et le cas échéant, la visite des locaux de l’établissement concerné. Passé ce délai, la déclaration est réputée acceptée par l’administration de plein droit".

"Le certificat d’enregistrement est délivré par l’autorité gouvernementale chargée de la santé, sur la base d’une évaluation administrative et technique du dossier de demande d’enregistrement, et après avis de la commission consultative."

Cette commission est, entre autres, chargée de donner son avis sur les demandes d’enregistrement, la suspension ou le retrait de l’enregistrement, le retrait du marché d’un complément, les demandes de visa de publicité et les décisions de retrait de ces visas. Sa composition est fixée par voie réglementaire.

Le ministère interdit ainsi la commercialisation des compléments non enregistrés auprès de l’autorité gouvernementale chargée de la santé. Seule une société de droit marocain, régulièrement déclarée à l’administration, a le droit d’enregistrer un complément ou de procéder au transfert de la titularité d’un certificat d’enregistrement.

Pour ce qui est de la fabrication, "tout projet de création d’un établissement de fabrication des compléments alimentaires est subordonnée à l’octroi d’une autorisation préalable accordée par l’autorité gouvernementale chargée de la santé, dont l’entrée en fonctionnement est subordonnée à l’obtention de l’autorisation définitive d’ouverture".

"Ces établissements doivent posséder un ou plusieurs laboratoires pour effectuer les contrôles de qualité et essais nécessaires pour les matières premières et articles de conditionnement, ainsi que pour les produits intermédiaires et les produits finis."

Pour faire face à la problématique des prix élevés pratiqués actuellement, le texte indique que "les modalités de fixation des prix des compléments alimentaires sont fixées par voie réglementaire".

Nutrivigilance

Pour contrôler et suivre l’impact de ces produits sur la santé des citoyens, le ministère de la Santé prévoit de mettre en place un système de nutrivigilance qui se chargera de recueillir et d’évaluer les informations sur les effets inattendus ou toxiques de ces produits, postérieurement à leur mise sur le marché. La composition et les modalités de fonctionnement de ce système seront fixées par voie réglementaire.

"Les fabricants, importateurs ainsi que les professionnels de santé sont ainsi tenus de signaler à l’autorité gouvernementale de santé et dans les plus brefs délais tout incident résultant de l’utilisation des compléments. Lorsqu’il apparaît qu’un complément peut présenter des risques pour la santé, l’administration le signale sans délai au titulaire du certificat d’enregistrement, en l’invitant à présenter ses explications dans un délai ne dépassant pas 15 jours." Le produit peut même être retiré du marché.

Des amendes allant jusqu’à 150.000 DH

Pour faire respecter les dispositions de cette loi, le ministère de la Santé prévoit un ensemble de sanctions, notamment une amende de 20.000 à 90.000 dirhams pour tout responsable d’un établissement de fabrication, d’importation, d’exportation et de distribution des compléments n’ayant pas procédé, préalablement à l’exercice de ses activités, à une déclaration auprès de l’autorité gouvernementale chargée de la santé.

Une amende de 40.000 à 120.000 dirhams est par ailleurs prévue pour toute société qui met sur le marché un complément sans avoir procédé au préalable à son enregistrement.

Le texte précise enfin qu’il est interdit, pour la mise en libre pratique, de détenir en vue de la vente ou la distribution à titre gratuit, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des compléments qui ne répondent pas aux dispositions de la présente loi.

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