Taux directeur : voici les scénarios qui s’offrent à Bank Al-Maghrib

| Le 16/3/2023 à 17:19
Dans un contexte d’inflation installée, Bank Al-Maghrib devra prendre une décision quant à l’évolution du taux directeur, lors de la prochaine réunion du conseil le 21 mars. Si le marché espère la fin du resserrement monétaire, le consensus table sur une hausse de 50 pbs à 3%. Le dernier mot revient au conseil de BAM.

Le 21 mars, Bank Al-Maghrib (BAM) tiendra sa première réunion du conseil de politique monétaire de l’année. Une réunion attendue par l’ensemble du marché et qui impactera les décisions d’investissement sur le marché boursier et obligataire.

Il convient de rappeler le contexte dans lequel cette décision sera prise. La Banque centrale a amorcé, fin septembre 2022, une stratégie de resserrement monétaire augmentant, à deux reprises, le taux directeur de 50 pbs pour atteindre les 2,5%. Objectif : contrer la pression inflationniste sans précédent enregistrée jusque-là.

L’inflation a néanmoins poursuivi sa hausse, atteignant un pic de 8,9% en janvier, avec une envolée pour les produits alimentaires de 17,4%.

Les raisons qui ont mené la Banque centrale à augmenter le taux directeur étant toujours valables, le conseil décidera-t-il de poursuivre sa stratégie de resserrement monétaire ou de temporiser pour voir comment les choses évoluent en 2023 ?

La réponse à cette question, seul le conseil de BAM la détient, et elle sera annoncée ce mardi 21 mars.

En attendant, voici ce qu'en pense le marché. Tour d’horizon.

Rehausser le taux directeur fait débat

Selon les sources sondées, le marché cherche d'abord, et avant tout, de la visibilité et ensuite, pourquoi pas, la fin des hausses du taux directeur.

"Que le gouverneur dise clairement que le cycle de resserrement est bientôt terminé", nous répond un opérateur du marché.

D'autres acteurs de la place s'interrogent sur la pertinence de la hausse du taux directeur pour juguler l'inflation. Ce débat n'est pas nouveau, certes, mais la question est légitime à la veille d'une potentielle nouvelle hausse.

"Si l’on se pose la question de savoir quel impact cela aurait de rehausser le taux directeur de 25, 50 ou 100 pbs, nous nous accordons à dire que c’est assez décorrélé de l’inflation elle-même. Cette dernière, au Maroc, est un sujet d’inflation importée ou de conjoncture liée à la saison agricole. Donc pourquoi agir sur le taux à la base ? L’inflation n’est pas monétaire, mais importée, donc resserrer les conditions de financement n’a qu’un effet limité sur l’inflation", avance un de nos interlocuteurs.

Une lecture corroborée par un second expert du marché : "C’est une inflation de matière première qui s’est propagée dans l’industrie, et qui a ensuite été répercutée partiellement vers le consommateur final à travers les canaux de distribution. Cela s’est fait, et c’est désormais derrière nous. Si jamais les matières premières s’arrêtent là où elles ont l’air de s’arrêter, à savoir des niveaux observés depuis octobre, les plus hauts sont derrière nous. Donc, c’est que la hausse de l’inflation est terminée."

Pour notre interlocuteur, le maintien ou la légère baisse des matières premières traduit la fin de l’inflation telle que nous la connaissons, du fait qu’il n’y ait pas eu de spirale inflationniste, manifestée notamment par une hausse des salaires. "Le pire dans un dérapage inflationniste, c’est une hausse des salaires pour s’ajuster à l’inflation. Il n’y a pas eu une telle tendance. Donc sachant que l’inflation est importée et qu’il n’y a pas de spirale inflationniste, que le taux directeur soit à 2,5% ou plus ne changera rien", explique-t-il.

Pour notre interlocuteur, la Banque centrale ne cherche pas tant à lutter contre l’inflation en elle-même. "L’argument principal de BAM est psychologique. Elle cherche à montrer une attitude ferme pour éviter qu’il y ait un désancrage des anticipations inflationnistes de moyen et long terme des agents économiques", souligne-t-il.

Mais qu’est-ce que cela signifie ? Quand une entreprise fait un business plan par exemple, ou achète des obligations du Trésor ou encore rémunère son capital, elle table historiquement sur un taux d’inflation de moyen long terme entre 1,5% et 2%. "Si jamais on montre qu’un taux d’inflation de 5% ou 6% est convenable, alors il y a un risque que tous les agents économiques se mettent à acheter des bons du Trésor qui rémunèrent au moins à des taux similaires. Donc pour éviter ce changement d’ancrage, la Banque centrale se montre ferme et déterminée à ne pas laisser l’inflation s’installer durablement. Cela se défend car ça fait partie de la batterie d’arguments utilisés dans les pays développés", explique notre interlocuteur.

Quoi qu’il en soit, voici les scénarios qui se présenteront le mardi 21 mars.

Consensus vers une hausse de 50 pbs à 3%

Sans aller dans les pronostics ou la spéculation, trois scénarios se profilent : une baisse, le statut quo ou une hausse.

Factuellement, une baisse du taux directeur est improbable, au regard de ce qui est opéré dans les banques centrales du monde entier, et du niveau d’inflation persistant dans le pays.

Un maintien à 2,50% est possible, mais peu envisageable selon nos sources. Toutes tablent sur une élévation du taux. Elles divergent sur l'ampleur de la hausse qui va de 25 pbs à 50 pbs. C’est d’ailleurs ce qu’a prévu CDG Capital dans sa dernière note pré-conseil de BAM, publiée le 15 mars.

Sur le sujet, l’un de nos interlocuteurs indique "que la majorité des investisseurs penchent pour une hausse de 50 pbs. Mais il y en a aussi qui tablent sur une hausse de 25 pbs après les récents déboires des banques à l’international, notamment aux Etats-Unis. Cela a également impacté la FED qui n’est pas sûre de relever le taux directeur en mars, mais peut-être plus tard, ou alors à travers une hausse moins forte qu’attendu".

En effet, certains investisseurs ont revu leur anticipation de hausse du taux directeur à la baisse, étant donné le niveau de tension actuel dans le marché bancaire international. Mais cela pourrait aussi être imposé par l’impact des précédentes hausses de taux directeur sur les banques et leurs portefeuilles obligataires. "Au Maroc, ce qui pourrait plaider pour cela, c’est l’impact significatif sur les bilans bancaires durant le T1-2023, surtout en janvier, avec la forte hausse des taux moyen long terme qui ont impacté l’activité de marché au sein des banques nationales. Une nouvelle hausse de taux en mars pourrait induire, encore une fois, une hausse de taux obligataire durant le mois de mars, avec un cumul de ce qui a déjà été observé en janvier. Cela pourrait faire décaler une hausse de 50 pbs au mois de juin pour voir comment la situation bancaire va évoluer d’ici là", souligne notre source.

Pour un autre de nos interlocuteurs, une hausse de 50 pbs est la plus probable. "BAM est obligée d’augmenter son taux, ne serait-ce que pour se constituer un taux directeur de départ qui lui permette plus tard de se montrer plus accommodante si le besoin s’en fait sentir. Il ne sert à rien aujourd’hui de l’être. Il faut aussi rappeler que le taux actuel fait partie des taux les plus bas observés au Maroc, en dehors de la période du Covid. Le taux réel est négatif vers les -4% ou -5%. L’autre argument qui plaide en faveur d’une hausse des taux est le fait que c’est ce qui se passe dans les principales banques centrales mondiales. Nous avons une devise qui a un ancrage à l’euro et au dollar, de 60% et 40% respectivement ; or, ces devises paient beaucoup mieux que le dirham en termes de rémunération. Le taux directeur BCE est à 3% et devrait augmenter encore, et celui de la FED est presque à 5%. Le wali de BAM avait d’ailleurs estimé qu’il fallait éviter un gap trop fort entre le taux directeur dirham et celui des devises sur lesquelles nous sommes ancrés", détaille notre source.

Le 16 mars dans l’après-midi, la BCE a finalement augmenté de 50 pbs son taux directeur. "Si l’on regarde l’évolution de l’inflation au Maroc, nous allons plus pencher pour les 50 pbs, car c’est ce que les grandes banques centrales font à l’international, notamment la BCE qui a augmenté de 50 pbs. La FED pourrait décaler sa décision, mais elle poursuivra sa stratégie de resserrement durant cette année. Il y a toujours une inflation importante dans le pays. Cela plaide vers une poursuite de la hausse du taux directeur. C’est le consensus marché actuel", explique l’un des interlocuteurs.

Une hausse du taux directeur semble ainsi l’option la plus probable selon nos interlocuteurs. Quelle en serait la conséquence pour le marché ? Dépendant de la rapidité de la transmission sur les taux débiteurs, cela impactera les taux des nouveaux crédits délivrés à la hausse, ainsi que des crédits variables. "Une nouvelle hausse de 50 pbs devrait renchérir encore cette hausse du coût du crédit. Probablement de 30 pbs ou 40 pbs au crédit. A long terme, ce n’est pas bon. A court terme, ce n’est pas dramatique, mais il faut s’assurer que dans un an, quand on aura vu que l’inflation s’est bien arrêtée, on baisse les taux. Le Maroc a un avantage comparatif par rapport à d’autres pays : comme le contrôle des changes enferme l’épargne au Maroc, nous sommes capables de fonctionner avec des taux d’intérêts bas, une monnaie forte et une inflation faible", conclut l’un de nos intervenants.

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