Préoccupant démarrage de la campagne céréalière 2022-2023

Une réduction de la superficie cultivée et du rendement des céréales d'automne n’est pas à écarter, notamment à cause d’une pénurie de semences, de la hausse des prix des intrants agricoles et de l’absence de précipitations.

Préoccupant démarrage de la campagne céréalière 2022-2023

Le 7 novembre 2022 à 17h31

Modifié 7 novembre 2022 à 17h51

Une réduction de la superficie cultivée et du rendement des céréales d'automne n’est pas à écarter, notamment à cause d’une pénurie de semences, de la hausse des prix des intrants agricoles et de l’absence de précipitations.

La baisse (-69%) de la production céréalière (34 Mqx) lors de la précédente campagne agricole a mis au premier plan les effets des épisodes de sécheresse qui se sont succédé dans le Royaume. Cette baisse de production ne manquera pas d’impacter la campagne actuelle.

Le programme prévisionnel 2022-2023 des grandes cultures d’automne établi par le ministère de l’Agriculture fait en effet état d’une réduction de 300.000 hectares de céréales (blé dur, blé tendre et orge) par rapport à la campagne céréalière 2021-2022.

Les conditions climatiques défavorables, l’insuffisance des semences communes et la hausse généralisée des prix des intrants agricoles en sont les principales causes. De ce fait, même la superficie de 4,3 millions d'hectares prévue dans le cadre du programme prévisionnel risque de ne pas être entièrement couverte.

Un tel scénario aurait des répercussions non seulement sur les agriculteurs mais aussi sur plusieurs autres professions. Le blé dur et le blé tendre étant utilisés notamment par les minotiers, les boulangers et les biscuitiers. Alors que l’orge est primordial pour les éleveurs et leur cheptel.

Un défaut de 5 à 7 millions de qx de semences 

Clé de voûte des systèmes de production agricole, les semences sont des graines qui constituent un intrant stratégique de la culture céréalière. Entre 1,5 et 2 quintaux de graines sont nécessaires pour l’ensemencement d’un hectare de céréales d’automne.

Ainsi, il faudrait entre 6 et 8 millions de quintaux de semences pour couvrir les 4,3 millions d’hectares prévus dans le programme établi par le Département de l’Agriculture qui a mis à disposition des cultivateurs un peu plus d’un million de quintaux de semences céréalières certifiées et subventionnées. Plus de 90% d'entre elles sont commercialisées par la Société nationale de commercialisation des semences (SONACOS).

Autrement dit, il manque entre 5 et 7 millions de quintaux de semences pour atteindre l’objectif fixé par le ministère de tutelle. Cet écart est habituellement comblé par les semences communes issues des récoltes précédentes.

Ce qui n’est absolument pas le cas en ce début de campagne agricole en raison de l’état des stocks des producteurs qui se trouvent extrêmement réduits suite à la forte baisse de la production céréalière issue de la campagne précédente.

Un contexte climatique défavorable 

“Actuellement, toutes les conditions sont réunies pour repousser le début de l'ensemencement des céréales d'automne jusqu’à la fin du mois de novembre”, regrettait un agriculteur interrogé par Médias24, lors du lancement symbolique de la campagne céréalières par Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, le mercredi 19 octobre dans la région de Sefrou.

Ce semis tardif est la conséquence de la forte réduction des réserves des barrages agricoles qui sont au plus bas (24%) et de l’affaissement du niveau des nappes phréatiques. A cela s'ajoutent des températures 5 à 10 degrés au-dessus de la moyenne mensuelle et des précipitations qui se font désirer.

En effet, d’après le ministère de l’Agriculture, la moyenne des précipitations a considérablement baissé en 2022 pour atteindre 205 mm. Un recul de 44% en comparaison à la moyenne des trente dernières années (370 mm) et de 34% par rapport à l’année précédente. Les mois de septembre et d’octobre ont également été assez secs dans l’ensemble, enregistrant 25 mm en moyenne, selon le ministère de l’Agriculture.

Or, “les pluies d’octobre sont déterminantes pour les cultures céréalières”, assure à Médias24 Larbi Zagdouni, Agro-économiste, ruraliste et ancien enseignant-chercheur à l'Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II. La production de céréales, dont le cycle dure d’octobre-novembre à juin-juillet, est en effet tributaire des précipitations. Le besoin en eau peut aller jusqu’à 500 mm par hectare.

Un stock de semences communes préoccupant 

En plus des conditions climatiques défavorables en ce début de campagne agricole, une pénurie de semences est à craindre. “Avec les 34 millions de quintaux de céréales que le Département de l’Agriculture a annoncés en termes de production lors de la précédente campagne, on est loin du compte”, déplore Larbi Zagdouni.

“D’autant que nos agriculteurs n’utilisent pas tous, et sur la totalité des superficies de céréales qu’ils consacrent aux trois céréales, les semences certifiées. La plus grande part des semences qu’ils utilisent provient de leurs propres productions”, poursuit-il.

Lorsqu’un agriculteur estime que la quantité et/ou la qualité de sa propre production ne sont pas suffisantes pour couvrir ses besoins en semences, il s’approvisionne auprès d’autres agriculteurs réputés pour la qualité de leurs productions. “Sauf que cette année, le recours à ce levier n’offre qu’une marge très étroite du fait de l’extrême réduction de ces réserves”, s’inquiète Larbi Zagdouni.

Une baisse de stock qui impacte les prix 

A l’image de l’ensemble des intrants agricoles, dont les engrais azotés qui ont vu leurs prix quasiment tripler depuis 2020, à cause notamment du conflit russo ukrainien, la forte insuffisance des disponibilités en semences certifiées et communes a directement impacté leurs prix.

Malgré les subventions du gouvernement, “les tarifs des semences sélectionnées ont augmenté en moyenne de 150 DH/quintal depuis l’année dernière”, estime Elyass Lakhdar, ingénieur agronome dans la région de Fès-Saïss. Même constat pour les semences communes.

“Elles se vendent au même prix que les semences certifiées, alors que d'habitude, elles sont moins chères”, assure-t-il, avant d’exprimer sa préoccupation quant aux difficultés financières que les agriculteurs vont sans doute affronter. “D’ordinaire, le coût de production d’un hectare de blé tendre est de l’ordre de 6.000 à 7.000 DH. Mais vu la conjoncture actuelle, il va falloir l’augmenter jusqu’à 8.000 DH au moins”, prédit Larbi Zagdouni.

Pour s’adapter à cette hausse, les agriculteurs devront remettre la main à la poche, mais “leur trésorerie est dans le rouge à cause des dernières sécheresses qu’ils ont eu à subir et des pertes que celle-ci ont occasionnées", complète notre interlocuteur.

Réduction de la superficie cultivée 

Face à l’insuffisance des disponibilités en semences et au renchérissement de leurs prix, les agriculteurs seraient tentés de procéder à une réduction des doses des semis (quantité semée/hectare) pour maximiser les superficies ensemencées”, indique Larbi Zagdouni.

“Cela dit, ce mécanisme d’adaptation-régulation ne permettra pas pour autant de réaliser le programme prévu par le département de l’Agriculture en céréales d’automne, et encore moins les superficies consacrées habituellement à ces cultures.”

En raison de l’absence quasi totale de pluies qui marque ce début de campagne et du faible niveau des disponibilités en semences, “on devrait s’attendre à une réduction drastique de la superficie céréalière et des rendements qui pourraient en être tirés”, prédit notre interlocuteur.

Un tel scénario pourrait alimenter un cercle vicieux où toute baisse de la production durant une campagne agricole compromet les performances de production de la campagne céréalière suivante, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif.

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