Round-up. Crise ouverte entre le Maroc et la Tunisie

Ce mois d’août 2022 se termine sur une affaire peu glorieuse, qui a offensé profondément les Marocains et le Maroc, et dont l’auteur est la Tunisie. Le caractère fraternel de la longue relation entre les deux pays, ainsi que le soutien désintéressé offert à plusieurs reprises par le Royaume, ont accru la gravité de l’agissement du président tunisien.

Round-up. Crise ouverte entre le Maroc et la Tunisie

Le 28 août 2022 à 18h37

Modifié 29 août 2022 à 7h36

Ce mois d’août 2022 se termine sur une affaire peu glorieuse, qui a offensé profondément les Marocains et le Maroc, et dont l’auteur est la Tunisie. Le caractère fraternel de la longue relation entre les deux pays, ainsi que le soutien désintéressé offert à plusieurs reprises par le Royaume, ont accru la gravité de l’agissement du président tunisien.

Ce vendredi 26 août 2022, les délégations devant participer à la 8e TICAD, arrivent en Tunisie, pays qui accueille l’événement.

 TICAD signifie Tokyo International Conference on African Development, comme l’explique le site du ministère japonais des Affaires étrangères, qui ajoute que “le gouvernement du Japon dirige cette conférence depuis 1993, co-organisée par les Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et la Commission de l'Union africaine (CUA)“. Le Japon l’organise généralement tous les deux ans, souvent à Tokyo, dans le cadre d’une sorte de rivalité avec la Chine sur le continent africain.

Ce vendredi donc, la Cheffe du gouvernement tunisien se déplace à deux reprises à l’aéroport pour accueillir le président de la Guinée Bissau puis le président des Seychelles. Un accueil avec un protocole minimal, sans tambour ni trompette, sans passer des troupes en revue, sans hymnes nationaux, ni drapeaux hyper visibles.

Par contre, lorsqu’arrive à bord d’un avion officiel algérien, le chef du polisario Brahim Ghali, c’est Kais Saied en personne qui est présent à l’accueil. Un accueil avec tout le protocole réservé aux Chefs d’Etat. La page officielle de la présidence tunisienne publiera d’ailleurs des photos accompagnées d’un texte selon lequel Saied a accueilli “Son Excellence Brahim Ghali, président de la république etc…. “. Ce post sera dans la nuit supprimé et remplacé par un texte indiquant uniquement le nom Brahim Ghali, sans la “fonction“.

Le Maroc rappelle donc son ambassadeur ; la Tunisie répond par l’escalade en rappelant le sien ; l’argumentaire tunisien est parfaitement déconstruit par le Maroc. Non seulement le polisario ne devait pas être invité ; mais en plus, Kais Saied s’est chargé lui-même de l’accueillir en grande pompe, ce qu’il n’a pas fait pour tous les Chefs d’Etats. Dans l’échange de communiqués, le Maroc a eu le dernier mot.

Crise ouverte donc entre le Maroc et la Tunisie.

>> Depuis 2011, l’inexorable montée de l’influence algérienne en Tunisie.

Sous Bouteflika, comme sous Tebboune, l’influence algérienne en Tunisie a grossi, jusqu’à devenir assumée, banalisée. Des chefs de partis tunisiens pouvaient être convoqués en Algérie. Les réseaux sociaux tunisiens fourmillent, dans certains types de débats, d’intervenants algériens. Mais le point le plus important est l’existence d’une menace implicite : si l’Algérie ne verrouille pas bien sa frontière, les infiltrations de terroristes venus d’Algérie allaient s’accentuer. Il y en avait eu plusieurs dizaines dans la période 2011-2015, qui ont créé un maquis sur le mont Châmbi, près de la frontière algérienne. La Tunisie avait donc besoin de l’Algérie pour sécuriser ses frontières. Au cours de la dernière année, l'Algérie a également apporté un soutien financier sous forme d'un prêt de 300 millions de dollars.

>> Sous Bourguiba et Ben Ali, une souveraineté préservée.

Les deux premiers présidents tunisiens après l’indépendance ont su maintenir l’indépendance du pays menacée ouvertement par les deux voisins remuants et envahissants, Algérie et Libye.

Un épisode résume tout : en janvier 1980, un commando tunisien armé attaque la ville de Gafsa en Tunisie. Le commando a été formé en Libye. Il entre par l’Algérie, avec armes et bagages. L’armée amie qui intervient immédiatement et qui fut la première à entrer à Gafsa fut l’armée marocaine. Tout est dit.

Pour Bourguiba et Ben Ali : sans un Maroc fort, la Tunisie sera submergée par l’Algérie et/ou la Libye. C’était aussi la doctrine suivie par ces deux présidents.

 

>>La montée de l’influence algérienne s’est poursuivie jusqu’à ce fatidique 26 août 2022.

Constituer un Maghreb sans le Maroc est une option qui a été débattue jusque sur les plateaux de la chaîne publique officielle tunisienne. Avec des intervenants qui soutenaient cette hypothèse.

Mais pour cela, il faudrait reconnaître le polisario. La séquence de la reconnaissance a-t-elle commencé ce vendredi 26 août ?

>> Cette influence algérienne n’est pas la seule explication

L’actuel président tunisien a donné aux relations avec l’Algérie, une tournure inédite faite de complicité et de déclarations enflammées. Bien entendu, il s’agit ici, de décisions souveraines de la Tunisie.

Mais ces décisions sont cohérentes avec ce qui allait suivre, c’est-à-dire l’accueil de Ghali. Et ce d’autant plus que pendant cette montée de passion, Saied a totalement tourné le dos au Maroc.

Les deux précédents présidents, Moncef Marzouki et Beji Caid Essebsi, ne l’ont pas fait.

>> Une décision loin de faire l’unanimité en Tunisie.

De nombreux hommes politiques (chefs de partis, l’ancien président Marzouki), commentateurs, journalistes, économistes, figures de proue, leaders d’opinion, ont ouvertement et rationnellement critiqué l’initiative de Saied.

On voit également s’activer, sur les réseaux sociaux en Tunisie, de nombreux trolls, bots, comptes anonymes insultant le Maroc et saluant la décision de Saied.

>> Une balance commerciale chroniquement déficitaire au détriment du Maroc.

L’excédent commercial tunisien atteint 1,5 milliard de DH certaines années. Voici les tableaux de bord des échanges commerciaux (établis par Médias24, source Office des changes) :

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>> Communication extérieure du Maroc : des réformes nécessaires.

Le cas tunisien, ainsi que d’autres comme le cas espagnol, nous interpellent en matière de communication. Et ce qui est valable pour ces deux pays, l’est certainement pour d’autres. La situation actuelle est aussi celle d'une guerre des opinions publiques.

Les "arguments" des cercles, courants ou même robots hostiles au Maroc peuvent facilement être déconstruits. Le Maroc s’y emploie probablement. Mais un effort coordonné, plus ambitieux de soft power, s’impose. On ne peut pas être une puissance régionale sans soft power dans la culture et la communication.

Un expert marocain, contacté par nos soins, estime qu'une partie de notre communication est destinée à nous rassurer nous-mêmes, "on se parle à nous-mêmes". Bien sûr, cette démarche est nécessaire. Mais elle n’est pas suffisante. Il ne suffit pas de parler aux convaincus. Il faut parler aux autres aussi, en se mettant dans leur contexte, en adaptant notre discours pour qu’il soit crédible, car le monde a changé partout, et notre communication doit changer aussi.

Notre expert estime que les discours du Roi, ainsi que les communiqués des Affaires étrangères, sont concrets, vont à l’essentiel directement et sans fioritures. Mais ils ne peuvent pas tout faire. Une entité, peut-être une agence de communication extérieure s’impose désormais.

Notre source nous invite à nous poser la question au sujet des chargés des relations presse dans les ambassades. Il cite le profil parfois inadapté de certains ambassadeurs par rapport au pays d’accueil, l’absence de centres culturels à l’étranger.

“La com’ est un dispositif, pas des morceaux juxtaposés les uns à côté des autres. Nous sommes souvent dans la profession de foi, nous ne créons pas d’argumentaires, nous ne sommes pas dans une bonne communication et dans certains cas, pas dans la communication du tout“.

Notre source conclut : “la communication doit être pensée, planifiée, il ne s’agit pas seulement de communication de crise, mais d’une marche dans le temps. Le Maroc peut servir un narratif exceptionnel. Il faut le vouloir et mettre les moyens“.

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