Voici les arguments pour et contre une hausse du taux directeur par Bank Al Maghrib
Ce sera la principale question posée en ce début de semaine: faut-il maintenir ou augmenter le taux directeur? Le deuxième Conseil de Bank Al-Maghrib de l’année 2022, qui se tiendra le mardi 21 juin, devrait statuer sur cette question.
Comme le rappelle CDG Capital Insight au niveau de son Flash pré-conseil de Bank Al-Maghrib, « ce Conseil intervient dans un contexte national et international très difficile marqué principalement par la montée en puissance de l’inflation à des niveaux historiquement élevés ; le fort ralentissement prévu de la croissance économique en 2022 en liaison principalement avec le mauvais déroulement de la saison agricole 2021-2022 ; l’environnement international difficile et incertain, aussi bien sur le plan économique que politique ; avec le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne et les réactions restrictives des Banques centrales des pays développés face aux vagues inflationnistes, et leurs impacts sur les mouvements de capitaux et les conditions de financement des économies ».
Un seul argument favorable pour une hausse du taux directeur
La décision finale revient, bien évidemment, au Conseil de Bank Al Maghirb. Quoi qu'il fasse, sa décision aura des avantages et des inconvénients. C'est l'analyse coût-bénéfice de chaque décision et la trajectoire voulue par le pays qui fera pencher la balance dans un sens ou un autre.
Joint par LeBoursier/ Médias24, Ahmed Zhani, économiste en recherche macroéconomique et taux à CDG Capital, estime qu'une éventuelle hausse du taux directeur, qui est actuellement à 1,50%, présente un avantage, mais plusieurs risques ou inconvénients.
Le seul argument favorable pour une hausse du taux est la protection de l’épargne. « Les taux créditeurs ont beaucoup baissé. Cela décourage l’épargne et les placements à terme. On assiste donc à une dégradation des conditions du placement ».
Les risques/inconvénients d'une hausse
Les opérateurs s’inquiètent par rapport à la dégradation du rendement de l’épargne et espèrent une hausse des taux, mais cette inquiétude existe même dans les pays développés. Le premier risque est qu'on augmente le taux directeur et que l'effet attendu ne se réalise pas.
« On voit par exemple ce qui se passe aux Etats-Unis, ils sont toujours en territoire négatif malgré la hausse réalisée par la FED, le taux d’inflation est tellement haut que les taux réels sont toujours à des niveaux négatifs (…) En face, on voit la BCE qui a repoussé la hausse du taux directeur à juillet. Cela montre que la Banque ne veut pas réagir à chaud», souligne-t-il.
Ainsi, « on ne peut pas privilégier l’épargne au détriment de la croissance économique sinon ça va générer plusieurs problèmes ».
Un autre élément s’ajoute à cette équation : la lenteur de transmission de la baisse du taux vers les taux débiteurs. « Les baisses du taux directeur effectuées en 2020 ne se reflètent toujours pas complètement sur les taux débiteurs. De plus, les crédits peinent à être relancés surtout les crédits à l’équipement et à la promotion immobilière. Ces derniers sont même en baisse ».
Un risque de dégradation des conditions de financement
L'autre inconvénient d'une hausse des taux est "une dégradation des conditions de financement". "Le système monétaire est là pour accompagner le financement de l’économie et la Banque centrale a aussi pour mission la relance de la croissance dans la mesure du possible. La banque centrale ne peut pas augmenter le taux pour faire plaisir aux opérateurs, d’autant plus que le coût du financement du Trésor a augmenté. Augmenter le taux directeur va alourdir encore plus cette hausse en suivant un effet mécanique», explique notre interlocuteur.
« Une hausse du taux directeur sera répliquée sur la courbe des taux et sur le coût de financement du Trésor. Elle sera répliquée aussi sur le taux débiteur puisque ça va faire augmenter les taux de financement des banques qui sont en sous liquidité. Il y a toujours un déficit important autour de 80 MMDH qui est financé auprès de la Banque centrale et qui va subir automatiquement la hausse du taux. Conséquence immédiate: une potentielle augmentation qui va se répliquer sur le coût de financement de l’économie dans sa globalité. Cela va ralentir encore plus la distribution du crédit qui est déjà en berne».
S’ajoute à cela le fait qu’une hausse du taux ne peut pas vraiment agir sur le niveau d’inflation actuel. « L’inflation est d’origine importée. Elle ne peut donc pas être maîtrisée par une politique monétaire restrictive ».
Un gérant de fonds de la place estime, lui aussi, qu’il ne faut pas augmenter le taux directeur en cette période. « Une hausse du taux directeur serait nuisible pour l’économie et pour l’inflation. On ne peut pas stopper l’inflation en agissant sur le taux. Pour la stopper il faudra mécaniquement importer moins cher ou importer peu mais ce n’est pas vraiment possible puisque les importations portent sur des produits qu’on n’a pas ».
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