Les obligations indexées sur l’inflation pourraient favoriser le développement du marché (CDG Capital)
Dans un contexte marqué par un risque inflationniste important, CDG Capital Insight estime que c’est le moment opportun pour voir émerger des obligations indexées sur l’inflation émises par le Trésor public au Maroc, à l’image de ce qui se fait dans plusieurs pays notamment les États-Unis, la France et la Turquie.
Les analystes estiment que la mise en place de cet instrument pourrait marquer une étape importante dans le développement du marché. « Une émission d’une obligation indexée sur l’inflation par le Trésor marocain marquerait une étape importante dans le développement du marché financier marocain. Elle arriverait notamment à point nommé pour combler un vide en termes d’instruments financiers avec une protection contre l’inflation qui pourrait se faire sentir de plus en plus par les investisseurs et les épargnants dans le contexte actuel.
« De plus, elle constituerait un benchmark pour des émissions similaires de la part des établissements ; publics et des entreprises privées, posant ainsi les prémisses pour l’émergence d’une nouvelle classe d’actifs dans le paysage financier marocain. Au-delà des bénéfices pour les investisseurs et pour le marché des capitaux, le Trésor bénéficierait d’un nouvel outil de financement lui donnant un degré de liberté additionnel pour la gestion de la dette ».
« Les évolutions de cette nouvelle classe d’actifs seront une source d’informations précieuse pour les autorités financières pour renseigner davantage les politiques budgétaires et monétaires, estiment-ils.
Avant de s’étaler sur les arguments avancés par la société de recherche, il importe d’expliquer le mécanisme qui se place derrière cet instrument.
Comme expliqué par les analystes de CDG Capital Insight, une obligation indexée sur l’inflation prend en compte un coefficient d’indexation à l’inflation. « Une obligation indexée sur l’inflation est un emprunt de la part d’un émetteur pour une certaine maturité, où celui-ci s’engage à repayer le montant emprunté à maturité, multiplié par un coefficient d’indexation à l’inflation entre la date d’émission et la date de maturité du prêt. L’emprunteur paie aussi des coupons à une fréquence définie correspondant à un coupon réel multiplié par le coefficient d’indexation à l’inflation de référence entre la date d’émission et la date de paiement du coupon ».
« Le coupon réel d’une obligation indexée est tel que la valeur présente des flux attendus de l’obligation (projetés en utilisant les anticipations de l’inflation future par le marché), est égale au montant emprunté. Le taux d’actualisation est induit de la courbe d’emprunts nominaux de l’émetteur ».
« Dans le contexte actuel où les taux réels sont négatifs comme dans certains pays, les obligations indexées ne paient pas de coupons. Dans ce cas, l’investisseur paie une prime à l’émission qui permet d’ajuster la valeur du montant investi à la valeur présente du remboursement en principal indexé à l’inflation », continuent-ils.
Le moment est opportun pour lancer des obligations indexées sur l’inflation
L’inflation se confirme. En face, la demande de la part des investisseurs et des épargnants est forte. Ces éléments constituent une bonne opportunité pour émettre des obligations indexés sur l’inflation.
« A fin mars 2022, le taux d’inflation est de 5,3%, montrant une accélération menée principalement par la composante alimentaire avec une hausse historique de 9,1%. Partant de ce constat l’on pourrait s’interroger sur les outils dont disposent les épargnants et investisseurs afin de faire face à l’érosion des rendements réels due à cette inflation », expliquent les analystes.
« Il s’agit là de surligner la pertinence d’un tel outil dans un contexte où l’inflation érode la valeur réelle de l’épargne, les craintes d’une inflation prolongée s’agrandissent chez les investisseurs et le Trésor fait face à un risque de hausse de la courbe d’emprunt moyen à long terme », continuent-ils.
« Nous pensons donc que les circonstances actuelles constituent une opportunité potentielle pour le Trésor afin de mettre en place un instrument de dette indexée sur l’inflation. Le contexte est en effet propice pour générer une forte demande de la part des investisseurs et des épargnants. Ce faisant, le marché financier marocain aurait acquis un nouvel instrument contribuant davantage au développement de son efficience et sa profondeur ».
Voici les avantages de la dette indexée à l’inflation
Les avantages de la dette indexée à l’inflation semblent être nombreux. Cet instrument pourrait être bénéfique pour plusieurs opérateurs du marché financier. Ci-après les avantages de cet instrument, tels que listés par les analystes de CDG Capital Insight :
Les états émettent de la dette indexée à l’inflation autant pour des raisons d’efficience des marchés que pour des raisons qui leurs sont plus directement avantageuses :
> Réduire le coût de la dette souveraine
Emettre de la dette liée à l’inflation peut permettre de réduire le coût de la dette si les anticipations d’inflation par le marché sont exagérées. Ainsi les gouvernements émetteurs paient un coupon inférieur s’ils réussissent à maintenir une inflation en dessous du niveau anticipé par le marché.
De plus, en complétant leurs besoins de financement par un instrument de dette supplémentaire, qui répond mieux au besoin des investisseurs en termes de protection contre l’inflation, les gouvernements évitent d’exercer une pression à la hausse sur la courbe des taux nominale.
Dans des configurations macro-économiques où l’inflation est très forte et volatile, les obligations indexées se sont avérées être cruciales au financement de l’état. Ce fut le cas pour certains pays d’Amérique Latine au milieu du siècle dernier par exemple.
> Une gestion du risque d’adéquation actif-passif pour les trésors publics
Un outil de financement indexé à l’inflation peut constituer un outil de gestion actif-passif pour les finances des gouvernements car les revenus fiscaux, particulièrement les impôts indirects (TVA, TIC et droits de douane), sont naturellement indexés sur l’inflation.
> Encourager l’épargne et capter une plus large partie de la monnaie en circulation dans le circuit financier
Des instruments liés à l’inflation participent au développement du marché financier. Ceux-ci encouragent l’épargne davantage et réduisent la circulation de la monnaie fiduciaire, au bénéfice d’un déploiement de l’épargne plus efficient pour le financement de l’économie productive.
Illustrant ce point, aux Etats Unis les ventes de I bonds (produit d’épargne du Trésor américain pour les particuliers, dont les taux servis sont indexés à l’inflation) ont connu une hausse spectaculaire depuis le T4-2021.
> Développer les marchés financiers et promouvoir leur efficience
Des instruments liés à l’inflation fournissent un instrument de couverture du risque inflation pour les fonds de pension et caisses de retraite dont les passifs sont liés à l’inflation sur le long terme.
Face à ceux-ci, certaines entreprises d’infrastructure et autres établissements publics émettent de la dette indexée sur l’inflation pour leurs besoins de gestion actif/passif (ex. Network Rail et Thames Water parmi tant d’autres au Royaume Uni, SNCF et CADES en France). De plus, le développement de cette classe d’actifs a permis l’essor d’un marché de produits dérivés sur l’inflation tels que les swaps d’inflation entre autres.
> Fournir des indicateurs de l’anticipation d’inflation par les marchés pour les besoins de politique monétaire et budgétaire
La comparaison des prix d’échange des obligations indexées à ceux des obligations nominales permet de renseigner davantage les autorités financières sur les anticipations du marché quant à l’inflation future et par ricochet le taux d’intérêt réel. De telles informations seraient potentiellement utiles au pilotage de la politique monétaire et fiscale, mais aussi pour renseigner les stratégies d’investissement des acteurs du marché.
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