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Fès : la médina ou comment redonner corps à l’âme du Maroc

Fondée au début du IXe siècle par Idriss Ier, Fès est la doyenne des villes impériales. Sa médina conserve un héritage spirituel et architectural d’un raffinement qui a traversé les siècles. Mais le passage du temps n'a pas été sans dommages sur cet écrin monumental qui renferme l’âme du Maroc. Et c’est pour lui redonner son éclat originel que les projets de réhabilitation s’enchaînent depuis une décennie. Coup de projecteur sur une renaissance.

Fès : la médina ou comment redonner corps à l’âme du Maroc

Le 5 mai 2022 à 16h45

Modifié 5 mai 2022 à 16h50

Fondée au début du IXe siècle par Idriss Ier, Fès est la doyenne des villes impériales. Sa médina conserve un héritage spirituel et architectural d’un raffinement qui a traversé les siècles. Mais le passage du temps n'a pas été sans dommages sur cet écrin monumental qui renferme l’âme du Maroc. Et c’est pour lui redonner son éclat originel que les projets de réhabilitation s’enchaînent depuis une décennie. Coup de projecteur sur une renaissance.

Redonner vie à une cité médiévale. Conjuguer au présent le quotidien d’une médina vieille de 1.200 ans. C’est le pari ambitieux relevé par les acteurs des multiples projets de réhabilitation du centre historique de Fès. Sous l'impulsion du Roi Mohammed VI, plusieurs chantiers ont été lancés ces dernières années pour redonner à la capitale spirituelle son lustre d’antan. Et si certains sont en cours, le travail accompli à ce jour pour le développement et la réhabilitation de la médina - ses ruelles, médersas, fondoukshammams, tanneries, ponts, bordjs... - est unanimement loué par les passionnés de Fès.

Le dernier programme en date a été initié en mars 2020 par le Roi Mohammed VI sur la place R’Cif. Couvrant 1.197 sites, il vise la valorisation des activités économiques et l’amélioration du cadre de vie dans la médina de Fès à l’horizon 2024. Ce plan nouvelle génération comprend la sauvegarde et la pérennisation des métiers traditionnels, ainsi que la promotion des conditions de vie des citoyens, pour un investissement de 670 millions de dirhams. Il fait suite au programme de restauration 2013-2018 ayant ciblé 27 monuments historiques de la médina et près de 4.000 bâtiments menaçant ruine, pour un investissement global de 615 MDH. Ces programmes de réhabilitation sont pilotés par l’Agence pour le développement et la réhabilitation de la ville de Fès (ADER).

Impulsion royale

"Aujourd’hui, le plus gros travail est réalisé à l’initiative de Sa Majesté pour donner un nouvel élan et une nouvelle vie à cette médina", nous indique Yassir Jawhar, président de la circonscription communale de Fès-Médina. "Des projets ont été menés auparavant par la Banque mondiale pour la réhabilitation de plusieurs demeures et la restructuration de bâtiments menaçant ruine. Il y a eu aussi diverses interventions d’institutions internationales comme Millenium Challenge Corporation (MCC), qui a rénové plusieurs monuments."

Pour Yassir Jawhar, les résultats de ces programmes de réhabilitation sont déjà là. Il cite à titre d’exemple les projets de rénovation des tanneries de Ain Azliten, de Sidi Moussa (IXe siècle) et de Dar Dbagh Chouara (XVIe siècle). Ces rénovations entrent dans le cadre du programme de réhabilitation des 27 monuments, lancé en 2013. C’est le cas des projets de restauration des trois fondouks : fondouk Achich (XVIe siècle), fondouk Kettanine (XIXe siècle) et fondouk Sagha (XVIIIe siècle). Cinq médersas ont également été rénovées : médersa Sbaiyine (XIVe siècle), médersa Sffarine (XIIIe siècle), médersa Sahrij (XIVe siècle), médersa Mesbahia (XIVe siècle) et médersa Mohammédia (XIIIe siècle et rénovation au XXe siècle).

Yassir Jawhar note d'ores et déjà un impact positif sur la dynamique culturelle et économique de la médina de Fès. C’est le cas du Fondouk Lakbach qui, après sa réhabilitation, a été octroyé à une association de confection et de broderie artisanales, ou encore du Hammam Ben Abbad (XIVe siècle) qui a été transformé en spa avant d'ouvrir ses portes au public.

Une cité médiévale vivante

« Il y a aussi Dar Al Mouaqqit (construite au cours du règne du sultan mérinide Abou Inan pour contrôler la carte astronomique du ciel, ndlr), qui a été rénovée et qui est ouverte au public. Cette maison était jadis utilisée pour déterminer les horaires et les jours, ainsi que le calendrier hijri. Tous ces projets contribuent à la visibilité et à un positionnement fort de la destination. Car on ne peut parler de la ville sans évoquer sa médina, qui est un musée à ciel ouvert et un berceau de la civilisation », souligne le président de la circonscription communale de Fès-Médina.

En plus de ses monuments historiques, la cité médiévale a la particularité d’être vivante grâce à son artisanat dont les boutiques tapissent les ruelles, et à ses maîtres artisans qui vivent encore de ce savoir-faire.

« Notre médina se distingue par son histoire, ses monuments, ses grandes demeures qui sont aujourd’hui en train de renaître pour redonner une nouvelle vision du Maroc, mais aussi par la présence de plusieurs métiers d’artisanat », apprécie ce natif de Fès.

S’ajoute à cela la réhabilitation des demeures menaçant ruine, également au programme. « C’est un plan qui est étalé sur plusieurs années. Les aides octroyées à ces demeures commencent à partir de 50.000 DH et peuvent atteindre 500.000 DH. Ces aides ne sont pas donnés directement aux propriétaires. Ce sont des sociétés qui assurent le suivi de la réhabilitation des bâtisses qui menacent ruine », précise Yassir Jawhar.

Renaître de ses ruines

C’est un fait : la médina de Fès est en chantier. La ville impériale ne se résume pas à une histoire et une mémoire incarnées par ses monuments, c’est aussi un lieu de vie et d'activité économique. Deux facteurs importants qui ont été pris en compte dans les projets menés pour sa réhabilitation. Le président de cet arrondissement estime qu’il faut donner à la médina l'opportunité de se renouveler et de renaître. « Nous sommes là en tant qu’équipe et en tant que président de l’arrondissement Fès-Medina, pour y arriver (renaissance de la médina, ndlr). Depuis mon élection au sein de ce poste, j’œuvre quotidiennement pour me rapprocher des petits problèmes de cet arrondissement. Nous avons pu préparer un projet de plan d’action pour les six années à venir. Et ce n’est qu’un début. Ce programme se compose d’actions concrètes pour les années à venir. »

Ces actions concernent notamment la fluidification des transactions foncières au sein de la médina. « Nous devons agir pour que notre médina puisse aussi être inscrite au sein de la conservation foncière. Toutes les demeures doivent avoir leur titre foncier. L’État doit exiger cela et trouver des solutions pour que ces propriétaires de lots de terrains et de bâtisses puissent détenir leurs titres fonciers. Il y a aussi la valorisation des constructions en ruine qui connaissent une dégradation très avancée », rappelle-t-il.

Repeupler la cité

Les demeures qui se sont dégradées avec le passage du temps sont aujourd’hui légion. Elles appartiennent à des familles fassies, à des héritiers ou à des propriétaires inconnus. Yassir Jawhar estime qu’il est nécessaire de recenser ces terrains et bâtisses pour leur trouver une utilisation par la suite. "La médina de Fès a été plus ou moins dépeuplée pendant des années. Elle a connu un appauvrissement de sa population résidentielle."

L’objectif affiché aujourd’hui est de la repeupler en s’attaquant à cette problématique des ruines. "Notre vision est de nettoyer et de vider les bâtiments en ruine de leurs débris, et de les reconstruire pour accroître la capacité du parc immobilier ; c’est-à-dire créer des logements économiques, tout en garantissant l’aspect historique de la médina et les plans des anciennes demeures." Cela passera aussi par la capacité à attirer une population à revenus plus ou moins importants pour casser la spirale d’exclusion qui caractérise la médina. D'après le président de la circonscription communale de Fès-Médina, rares sont les habitants qui réalisent la valeur de leur lieu de vie. « Ils ne sont pas dans des ghettos ! Ils vivent dans un patrimoine historique national et international (inscrit en 1981 au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco, ndlr). Ils doivent donc en prendre soin », s'indigne Yassir Jawhar.

Habiter l’Histoire

La sensibilisation est donc un travail à mener au quotidien. Et les habitants se doivent de participer à l’amélioration de l’attractivité de la médina. Il en va de son image de marque. En attendant, d’autres projets sont en vue. Il s’agit notamment de la valorisation des espaces périphériques susceptibles de recevoir des équipements publics et des projets hôteliers d’animation touristique. « On manque d’espaces verts au cœur de la médina. Nous essayons également de remédier à cela. J’ajouterai que les constructions en ruine pourraient être transformées en centres de formation ou de langues, en banques, en crèches ou en micro-centres de santé. Et ce, dans le but de rebâtir notre médina et de renforcer des structures qui menacent ruine », insiste Yassir Jawhar. L’objectif est également de créer un nouveau tissu architectural au sein de la médina qui lui redonnera vie et permettra de maintenir ses habitants.

Concrètement, confie notre interlocuteur, « nous sommes en train de mettre en place des dossiers pour essayer de défendre des projets auprès de la Banque européenne de développement (BERD), de la Banque mondiale et de la communauté européenne, pour essayer de drainer des investissements et des investisseurs susceptibles de s’intéresser au patrimoine historique marocain ».

Total relooking

Yassir Jawhar estime par ailleurs qu’il est important de s’attaquer à la problématique des marchands ambulants. « On est en train de penser, en collaboration avec l’INDH et d’autres institutions internationales, à des alternatives pour solutionner la question des marchands ambulants, en essayant de les intégrer dans de petits centres commerciaux qui peuvent dynamiser l’activité économique et commerciale de la médina de Fès », résume-t-il. Yasser Jawhar espère réaliser ce projet avec la commune, afin de changer l’image de cet arrondissement.

Aussi, des projets de parking sont menés en vue de fluidifier les entrées au sein du centre historique. « Plus de sept parkings (Bin Lamdoune, Bab Guissa, Bab Jdid, Bab Hamra, Ain Azliten, Oued Zhoun, Bab Boujloud, Sidi Bounafae, ndlr) sont en cours de réalisation, offrant une capacité de 3.000 places. Ceci va donner lieu à une activité commerciale et permettra de faciliter l’accessibilité. Les parkings sont tout autour de la muraille de la médina », précise le président de cet arrondissement. Ce chantier s'inscrit dans un programme d’aménagement de parkings, de réhabilitation des espaces publics et d’installation d’un dispositif d’information (2017-2022). Il mobilise un investissement de 400 MDH. Il englobe également le pavage sur 23 kilomètres, l’adressage des rues, ruelles, places et placettes, la réhabilitation des ouvrants et l’installation de bornes d’information au service des habitants, des visiteurs et des touristes. « Le nouveau pavage est en train d’être réalisé. Il donnera un nouveau look aux passages touristiques les plus fréquentés à travers l’illumination des grandes artères », soutient Yassir Jawhar.

Repositionnement touristique

Car tous les efforts visent à améliorer l’attractivité touristique de la médina. En dépit d’un héritage culturel et historique considérable, Fès a longtemps été une ville de passage. « On aimerait bien la positionner en tant que destination de séjour. Aujourd’hui, tous les projets qui ont été réalisés, à travers la réhabilitation de plusieurs demeures pour en faire des maisons d’hôtes ou des maisons prêtes à louer, nous confortent dans l’espoir d’augmenter la durée du séjour au sein de la médina », indique Yasser Jawhar, endossant cette fois-ci la casquette de président délégué du Conseil régional du tourisme (CRT) de Fès.

Ces nouvelles maisons d’hôtes représentent plus de 2.000 lits, soit 20% du taux de remplissage de la ville. « On peut repositionner cette destination à travers ces logements qui intéressent le touriste international et même national. On a vu, lors de la crise du Covid, que nombre de Marocains ont commencé à repenser leur mode de vie et ont tenté de vivre les expériences de voyage de leurs grands-parents », explique notre interlocuteur.

Quant au tourisme international, Yassir Jawhar rassure sur l’attrait de cette destination reliée à plusieurs capitales européennes. Enthousiaste, il pense que « nous avons, certes, traversé 24 mois d’arrêt cardiaque, mais là on va tout recommencer, il faut laisser le passé derrière soi. Et oublier. Car on doit aller de l’avant. On doit tout faire pour promouvoir notre destination ».

Tous les chemins mènent à Fès

Le président délégué du CRT de Fès estime que les dernières tournées de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) dans des pays européens (Angleterre, France, Espagne, Allemagne…) ne pourront être que fructueuses pour les promoteurs touristiques. « Il faut dire qu’on est toujours là. Fès est là. Il y a des compagnies qui ont programmé plus de 40% de leur sièges par rapport à 2019. Ce qui donne de l’espoir. Le tourisme au Maroc va pouvoir bouger. Nous, en tant que professionnels, sommes toujours dans l’attente. Et on s’est tous préparés à la réouverture des frontières. On reçoit déjà des visiteurs individuels ou en groupe. Nous restons optimistes pour le secteur touristique », assure-t-il. Aux portes de l’Europe, Fès offre incontestablement un dépaysement culturel et artistique, couplé à une immersion historique dans une épopée millénaire.

Six principaux circuits thématiques permettent aujourd'hui de visiter la ville : murailles et fortifications, connaissance et savoir-faire, monuments et souks, palais et jardins andalous, artisanat et Fès Jdid (voir Carte des six circuits de la médina de Fès). Ces itinéraires permettent de partir à la découverte d’une sélection de lieux patrimoniaux tels que les monuments et les quartiers historiques, les jardins et les espaces d’artisanat, etc. La visite de l'ensemble de ces circuits dure en moyenne entre deux et quatre heures. Et mis à part l’itinéraire des murailles et fortifications qui nécessite d’être motorisé, les cinq autres circuits peuvent être parcourus à pied. « Il y a aussi le livre de Hammad Berrada, Fès de bab en bab ; promenades dans la médina, qui propose différents itinéraires qu’on peut explorer au cœur de notre médina », recommande Yassir Jawhar.

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