A Marrakech, une thèse de médecine consacrée aux choix de carrière des médecins

Le choix de carrière, le lieu d’installation, les motivations et la satisfaction des lauréats de la faculté de médecine de Marrakech ont fait l’objet d’une thèse doctorale. Voici ce ce qu'il en ressort.

A Marrakech, une thèse de médecine consacrée aux choix de carrière des médecins

Le 31 mars 2022 à 16h48

Modifié 31 mars 2022 à 17h10

Le choix de carrière, le lieu d’installation, les motivations et la satisfaction des lauréats de la faculté de médecine de Marrakech ont fait l’objet d’une thèse doctorale. Voici ce ce qu'il en ressort.

C’est une thèse de doctorat en médecine comme on en voit peu, celle soutenue le 28 mars par le Dr Salim Guebbas. Intitulée "Le devenir des lauréats de la faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech : promotions de 2006 à 2020", elle passe au crible les différents choix de carrière et lieux d’installation des médecins formés à la faculté de médecine de Marrakech sur cette période.

Depuis le début de son parcours, Salim Guebbas a toujours été très actif dans le travail associatif et les activités para-universitaires au sein de la faculté. Particulièrement intéressé par les stratégies de gestion de santé, il a clôturé son parcours en médecine générale par un sujet de thèse original.

Sur les conseils de son professeur encadrant, Professeur Zakaria Dahami, qui lui a parlé du manque de recherches sur le feedback des lauréats et le suivi de leurs parcours après l’obtention du diplôme, il a choisi de s’attaquer à ce sujet, jusqu’à présent jamais abordé par aucune faculté de médecine du Royaume. 

Contacté par Médias24, Salim Guebbas nous présente les résultats de son travail de recherche, qui a concerné l’ensemble des lauréats de la faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech, depuis la première soutenance de thèse le 30 novembre 2006 jusqu’à fin 2020. Les lauréats de 2021 n’ont pas été pris en compte par manque de recul.

Au total, 2.041 lauréats ont été recensés, représentant près de 89% de l’ensemble des lauréats, dont 1.176 ont répondu à un questionnaire en ligne élaboré par le chercheur.

Les résultats montrent que la moyenne d’âge au moment de l’obtention du diplôme de médecine est de 26,6 ans. Une prédominance féminine est observée, 63% des lauréats étant des femmes. 3,5% des diplômés sont de nationalité étrangère. 

La grande majorité des lauréats recensés (60%) sont des spécialistes, qu’ils soient déjà installés ou en cours de formation, contre 27% de médecins généralistes. 59 diplômés sont devenus professeurs.

Le nombre de lauréats partis à l’étranger pour y suivre leur formation ou s’y installer sont au nombre de 159, soit à peu près 8% de l’échantillon constitué par le chercheur. La grande majorité d’entre eux ont choisi la France et l’Allemagne, à hauteur de 34% chacune. Près de la moitié comptent revenir au Maroc à l’issue de la formation.

La région de Marrakech-Safi retient près de la moitié des lauréats

Les médecins généralistes issus de la faculté de médecine de Marrakech sont environ 58% à avoir choisi le secteur privé. Ils sont également 42% à s’être installés dans la région de Marrakech-Safi, principalement dans la ville de Marrakech. Si on ajoute les régions limitrophes, on arrive à une part de 81% de médecins généralistes y étant installés. En outre, 61% d’entre eux exercent dans leur région.

Du côté des médecins spécialistes, 52% exercent dans le secteur public. Concernant leur lieu d’installation, la région de Marrakech-Safi vient en première position (44%), suivie de Souss-Massa (17%), Béni Mellal-Khénifra et Drâa-Tafilalet (8% chacune).

Néanmoins, seule la région de Marrakech-Safi compte plus de médecins spécialistes dans le secteur privé (à hauteur de 65%) que dans le secteur public. Seulement quatre médecins spécialistes lauréats de la faculté de médecine de Marrakech ont choisi de s’installer dans l’une des trois régions que sont Dakhla-Oued Eddahab, Laâyoune-Sakia El Hamra et Drâa-Tafilalet. Aucun n’a choisi de s’installer dans le région de Guelmim-Oued Noun.

Le privé attire plus que le public, la spécialité plus que la médecine générale

Concernant le choix des spécialités, les résultats de l’étude montrent qu’avec une part de 62%, les spécialités médicales l’emportent sur les spécialités chirurgicales, qui ne concentrent que 30% des choix des étudiants.

D’autre part, les médecins femmes choisissent beaucoup plus les spécialités médicales, tandis que les médecins hommes optent davantage pour les spécialités chirurgicales. Ainsi, l’étude fait état d’écarts très importants, notamment au niveau de la pédiatrie, de la dermatologie et de l’endocrinologie (en faveur des femmes) et au niveau de la traumatologie, de l’urologie, de la chirurgie viscérale et de la neurochirurgie (en faveur des hommes).

Le questionnaire administré comprenait également une enquête de satisfaction quant à l’exercice de la médecine. Les résultats montrent que la majorité des médecins interrogés se disent satisfaits, qu’ils soient dans le public ou le privé. Le taux de satisfaction dans le secteur privé est cependant beaucoup plus important que dans le secteur public.

Il est en effet de 80% chez les généralistes du secteur privé, contre 64% chez ceux du secteur public. Les spécialistes, eux, sont 94% à se déclarer satisfaits dans le secteur privé, contre 54% dans le secteur public.

Lorsque les lauréats sont interrogés sur leur intention éventuelle de changer de secteur, 97% de ceux exerçant dans le privé affirment qu’ils ne l’envisagent pas. En revanche, dans le secteur public, 57% des généralistes et 67% des spécialistes envisagent de changer de secteur en faveur du privé.

Cette préférence du privé sur le public n’a pas toujours été la règle, mais c’est une tendance qui s’est installée dans le temps. Un point d’inflexion a été enregistré en 2012 pour les généralistes et en 2014 pour les spécialistes.

D’autre part, les chiffres témoignent d’une préférence du parcours de spécialité à la voie de médecin généraliste. Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) cité par Salim Guebbas, la médecine générale est définie comme une médecine non spécialisée. C’est également le cursus de formation en médecine au Maroc, mais aussi dans le monde entier, qui fait que la médecine générale est devenue une formation de base, une sorte de "baccalauréat" pour le médecin.

Cela engendre, selon le chercheur, un manque de satisfaction chez les lauréats, d’autant que la société confère davantage d’estime au médecin spécialiste, conduisant à une dévalorisation du statut de médecin généraliste.

"Parmi les médecins généralistes que j’ai interrogés, 64% prévoyaient de poursuivre par une spécialité, alors qu’ils sont censés être les piliers du système de santé au Maroc. C’est une tendance que l’on observe à l’échelle mondiale", précise Salim Guebbas.

D’après lui, l’une des solutions - adoptée par le gouvernement - est celle de faire de la médecine générale une médecine spécialisée, une médecine de famille. Ceci permettra de diminuer les charges, aussi bien pour les mutuelles que pour l’Etat. "Il faut que la médecine de famille soit considérée comme une spécialité à part entière et qu’elle fasse l’objet, par conséquent, de plus de création de postes. Dans des pays comme la France ou le Canada, 40% des postes sont destinés à la médecine générale", précise-t-il.

Salim Guebbas recommande également d’accélérer la mise œuvre de la réforme qui a été décidée, mais aussi de trouver une solution pour les médecins généralistes déjà en exercice, en leur proposant des formations continues afin qu’ils deviennent eux aussi des médecins de famille.

 

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