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Designers à Casablanca. Myriam Mourabit, l’obsession du zellige (2/5)

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Myriam Mourabit nous a ouvert les portes de son univers singulier.

Designers à Casablanca. Myriam Mourabit, l’obsession du zellige (2/5)

Le 8 février 2022 à 10h11

Modifié 8 février 2022 à 10h44

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Myriam Mourabit nous a ouvert les portes de son univers singulier.

Médias24 a franchi les portes de l’atelier de cinq artistes de renom qui n'hésitent pas à explorer de nouveaux territoires pour insuffler un dynamisme au design marocain. Ils ont accepté de partager leur vision de la création contemporaine en nous transportant dans leur univers artistique.

Le deuxième volet de la série est consacré à Myriam Mourabit.

(Crédit photo- JEAN MADEYSKI)

Dans cette démarche de création dans les arts décoratifs marocains, chaque designer a sa propre méthode et son langage personnel. Chez Myriam Mourabit, designer et décoratrice d’intérieur, l’innovation est essentielle, tout autant que l’intégration d’une touche ou d’une « empreinte » marocaine. Ces dernières années, son travail sur le zellige s'est hissé au rang ultime d’obsession.

Elle se confie sur sa passion absorbante. « En fait, je suis en train de préparer une très grande fresque murale à partir de ce zellige. C’est un seul et même motif. Et là je reprends votre terme : ce motif est obsessionnel, parce que cela fait quinze ans que j’utilise ce seul motif de zellige que je réalise avec différents supports et différentes manières. Je l’ai réalisé en céramique, en poterie, en bougie, en plâtre, en stickers (à Dubaï à l’Expo 2020). »

Myriam Mourabit avoue avoir gardé son âme d’enfant, même si elle a à son actif une trentaine d’années d’expérience en tant qu’artiste. Quand elle crée, elle a besoin d’être son premier spectateur, son premier client. « Si le projet ne me fait pas rêver, je ne vais pas le faire », affirme celle qui a reçu fin 2013 le trophée du « Meilleur design produit » aux Morocco Awards.

Outre ses réalisations artistiques personnelles, son exploration de l’univers du zellige l’amène à signer différentes collaborations avec des maisons d’artisans de renom. En 2015, la designer a signé la collection PikZel composée de mosaïques de terre cuite faites à la main. Cette collection a été exposée à l’Institut du monde arabe en 2016, et à la Casablanca Design Week en octobre 2017.

En 2018, Myriam Mourabit réalise la collection Ttryzel composée de parures de lit inspirée du 'tarz' et du zellige, et réalisée en trois couleurs en collaboration avec une institution casablancaise spécialisée dans le linge de maison.

Si Myriam Mourabit est une designer incontournable de la scène artistique casablancaise, qui jouit d’une reconnaissance internationale, elle a choisi d'installer son atelier à Rabat. Elle est également directrice artistique du studio de design dont elle est la fondatrice. Le rôle que joue Myriam Mourabit dans la dynamisation du design à Casablanca est incontestable. « Actrice et militante, mais au Maroc... Casablanca étant importante par le nombre et la qualité des entreprises à vocation artisanale ou susceptibles de mener à bien mes projets créatifs. Je participe à l'émergence d'un design identitaire marocain. »

Mettre la main à la pâte

L’attachement de Myriam Mourabit à la tradition artisanale est sans faille. Elle « n’entame quasiment aucun projet sans la volonté de laisser une empreinte marocaine qui peut être le zellige, l’arabesque, les motifs ethniques, etc. C’est-à-dire qu’en tant que designer – et c’est là que je me différencie des décorations classiques –, je souhaite toujours qu’il y ait de l’innovation. Et en même temps, je suis en complète admiration de tout ce qui est savoir-faire artisanal, c’est-à-dire tout ce qui est transmis depuis très longtemps au Maroc, comme le zellige traditionnel, la broderie, le 'zouak' aussi ».

Myriam Mourabit a le sentiment d’être investie d’une mission. Forte de l’intime conviction de suivre un chemin artistique, elle s'y consacre dès son jeune âge, lors de ses études à l’étranger. « J’ai eu la chance de rencontrer certains professeurs qui m’ont guidée vers les bonnes options », témoigne-t-elle. L’artiste a suivi une formation à la fois dans le design mobilier et dans le design textile. Une jonction heureuse et perceptible dans ses créations. « Aujourd’hui, c’est devenu une certitude : je suis au service du patrimoine marocain. Et à ce titre, j’innove tout en préservant ce que le patrimoine a de plus beau. » Ce qui est crucial dans son travail, c'est que les objets soient produits au Maroc, et si possible à 100%.

Pour Myriam Mourabit, la relation à l’objet est très importante, dans le sens où il est essentiel de préserver l’esprit, la culture et le patrimoine marocains sans jamais les dénaturer. « Ce qui arrive souvent quand on travaille avec des logiciels informatiques, relève-t-elle. Pour moi, c’est presque une agression quand je vois des garde-corps métalliques. C’est déformé et cela n’a pas de sens. » Pour cette designer, on ne peut pas apprendre et comprendre le métier si l'on n’a pas accès à un atelier, à la matière. « Moi, je ne fais pas le zellige, mais je vais m’asseoir à côté du mâalem pour le regarder travailler, et il va m’expliquer. C’est aussi une manière de le mettre en valeur. »

Le devoir de vulgarisation

La designer participe aujourd’hui à la promotion de ces petits éléments de terre cuite émaillée qui racontent tout une partie de l’histoire des arts décoratifs du pays. À l'Expo 2020 Dubaï, Myriam Mourabit a contribué, au sein du pavillon du Maroc, à la valorisation de ce patrimoine, à travers la réalisation d’une fresque en stickers de zellige.

« Nous avons mis en valeur le zellige traditionnel. Il semblait évident de parler du zellige traditionnel pour que les gens comprennent pourquoi on réalisait cette fresque. Et il y avait à côté une vitrine dans laquelle on exposait du zellige traditionnel, des couffins au sol avec les petits zelliges traditionnels taillés. Et j’expliquais en cinq minutes aux visiteurs ce que l’on était capable de réaliser à partir de ce patrimoine artisanal. »

Les déclinaisons modernes de ce savoir-faire artisanal trouvent une résonance auprès des clients aussi bien au Maroc qu’à l’étranger. Surtout, souligne l’artiste, de la part de « ceux qui comprennent ce savoir-faire, comme les décorateurs, les clients qui ont eu l’occasion de visiter des pays du Moyen-Orient. Ceux-là sont capables d’apprécier et sont preneurs de notre design. Quant aux mâalems, si on les sensibilise, ils comprennent aussi que les goûts sont différents selon les classes, les cultures, les pays. Il faut juste bien expliquer, et moi j’explique beaucoup. J'élabore des dossiers de présentation quand je m'adresse à mes clients, ainsi mon interlocuteur va comprendre. Après, le fait qu’il aime ou non, c’est autre chose. Mais il va comprendre. »

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