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Designers à Casablanca. Karim Alaoui, de fer et d'os (3/5)

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Karim Alaoui nous a ouvert les portes de son univers qui est un sobre mariage entre design et sculpture.

Designers à Casablanca. Karim Alaoui, de fer et d'os (3/5)

Le 9 février 2022 à 10h51

Modifié 9 février 2022 à 14h52

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Karim Alaoui nous a ouvert les portes de son univers qui est un sobre mariage entre design et sculpture.

Médias24 a franchi les portes de l’atelier de cinq artistes de renom qui n'hésitent pas à explorer de nouveaux territoires pour insuffler un dynamisme au design marocain. Ils ont accepté de partager leur vision de la création contemporaine en nous transportant dans leur univers artistique.

Le troisième volet de la série, qui met en lumière cinq designers inspirés, explore l'univers particulier de Karim Alaoui.

Le travail de Karim Alaoui est un sobre mariage entre design et sculpture. Il s’érige en référence dans le domaine des créations en fonte, bronze et aluminium depuis 1988. Ces dernières années, il s’est consacré à ses propres créations en réduisant la voilure de ses collaborations avec d’autres artistes et des commandes. Il a « lâché » son atelier de la zone industrielle de Casablanca qui était ouvert aux architectes, sculpteurs et designers dans un esprit de compagnonnage, pour un petit atelier du côté des Abattoirs dédié à ses créations personnelles.

La période morose du Covid a même été une source d’inspiration pendant laquelle il a travaillé sur le thème de l’Afrique. « Vous me direz que c’est un sujet qui a été galvaudé, mais j’ai travaillé sur un format de 1 m sur 80 cm, et j’ai fait, disons en l’espace de deux ans, vingt-cinq réalisations finies dans différents matériaux, uniquement sur ce thème », explique-t-il.

Si le thème de l’Afrique sent le 'déjà-vu', il s’agit pour Karim Alaoui d’un sujet très personnel. « Je réalisais, pour la première fois, que mes enfants et moi étions sur deux continents différents. Au début du Covid, il était impossible de quitter le Maroc, même avec la meilleure volonté du monde, même en allant à pied. Le travail sur le thème de la carte de l’Afrique m’a occupé ces deux dernières années », nous confie-t-il. Pour réaliser ses œuvres, Karim Alaoui a utilisé différents matériaux aussi surprenants les uns que les autres. Pour une de ses créations, il a ainsi utilisé 5.000 crayons de couleurs, dont on voit juste la pointe pour dessiner le contour de l’Afrique. S'agissant d'une autre, ce ne sont pas moins de 1.000 clous de maçons qui ont été employés. D’autres avec de la sciure de bois, des allumettes, et en fond d’aluminium évidemment, puisque son dada est la fonderie.

Avant son travail sur l’Afrique, Karim Alaoui a été longtemps inspiré par deux « personnages » clés. Le premier est le protagoniste de Shining et Vol au-dessous d’un nid de coucou, l'acteur Jack Nicholson. « C’est devenu Jack, un membre de la famille », s’amuse Karim Alaoui. « C’est un acteur qui m’a toujours impressionné, beaucoup plus qu’Antony Hopkins et d’autres. »

La deuxième inspiration de l’artiste est le sculpteur Alberto Giacometti, avec ses personnages filiformes, décharnés, notamment son œuvre la plus célèbre L’Homme qui marche. Pendant une vingtaine d’années, l’hommage à ces deux « personnages » a caractérisé son travail autour de silhouettes dépouillées et décharnées. Certaines silhouettes sculptées de Karim Alaoui font d’ailleurs penser immédiatement à l’artiste suisse, Giacometti.

L’ami prodigieux

Après cette période Nicholson-Giacometti, c’est dans un univers plus proche de notre culture qu’il est parti puiser une nouvelle inspiration, en s’intéressant au monde des Gnaoua (voir photo). Il a exploré ce thème dans différents matériaux, également. « Et je travaille toujours dessus », précise-t-il.

Le sujet des Gnaoua « est le fruit d’une rencontre avec quelqu’un qui est un érudit de la musique gnaouie. C’est cette personne précisément qui m’a inspirée, sa sagesse, son âge avancé, sa façon de parler, de présenter son sujet. Et je me suis lancé », relate-t-il. S’il fallait absolument trouver un point commun aux œuvres de Karim Alaoui, c’est bien son inspiration, souvent le résultat de rencontres inédites et de relations humaines heureuses ou malheureuses.

Karim Alaoui a toujours été là où on ne l’attend pas. Lui-même avoue : « Je n’ai jamais été tendance. Je n’ai jamais utilisé des matériaux locaux comme le cuir, la peau ou le zellige. J’ai toujours été dans mon domaine à moi. Ce qui fait que je serais incapable de me définir. Je suis un touche-à-tout. Et puis, pendant des années, j’ai accompagné d’autres artistes, dont certains sont morts depuis, comme Farid Belkahia. Tout ce qui est métal et fonderie, on me le confiait. J’ai levé le pied en 2015, mais j’ai gardé un petit atelier avec une équipe réduite qui travaille principalement sur mes œuvres, mes prototypes, mes maquettes, mes sculptures », précise-t-il.

Le sculpteur et designer expose ses œuvres depuis 1988 au Maroc et à l’étranger, Casablanca étant son fief. C’est dans la ville blanche qu’il a présenté, à ce jour, le plus grand nombre d’expositions. Aujourd’hui, c’est la galerie « Abla Ababou » qui expose ses œuvres à Rabat.

Le parcours artistique de Karim Alaoui est inédit. « Je suis passé par le lycée Lyautey. J’ai étudié la mécanique. Après, les circonstances ont fait que j’ai commencé à travailler. Je n’ai repris mes études que cinq ans plus tard, en me spécialisant dans un domaine qui me plaisait : la fonderie d’art. Et c’est là que j’ai effectué un cycle de compagnonnage de sept ans qui m’a permis d’acquérir de l’expérience. J’ai toujours fait de la peinture avant, et de la sculpture aussi, mais en autodidacte », raconte Karim Alaoui. Grâce au compagnonnage, il a acquis les bases du travail artistique. Un état d’esprit qui a perduré dans la formation et le lien établi avec les apprentis et stagiaires de son ancien atelier.

Il faut dire que l’approche de Karim Alaoui est singulière. Tout comme son champ d’inspiration et les matériaux utilisés. Sa philosophie de travail et son rapport au monde de l’art sont atypiques. Ce qui le place incontestablement à l’avant-garde de la création et du design au Maroc, et le propulse au premier rang de la modernité.


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