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Designers à Casablanca. Khadija Kabbaj, l’art et la manière (1/5)

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Khadija Kabbaj nous a ouvert les portes de son univers qui puise son inspiration dans la mémoire collective.

Designers à Casablanca. Khadija Kabbaj, l’art et la manière (1/5)

Le 7 février 2022 à 14h53

Modifié 8 février 2022 à 10h51

Artisanat, objets et arts décoratifs, design d’intérieur… Depuis deux décennies, des designers marocains réinventent les objets du quotidien, s’inspirant des codes d'une tradition artisanale séculaire. À l'instar d’autres villes du Royaume, Casablanca est le théâtre de cette effervescence créative. Khadija Kabbaj nous a ouvert les portes de son univers qui puise son inspiration dans la mémoire collective.

Quel est le point commun entre une bouteille d’eau, une table basse, une gare ferroviaire et une théière ? Probablement peu de choses, si ce n’est le design, évidemment, dont la première ambition est d’inventer comme de se réinventer. Ces vingt dernières années, ce domaine a été investi par des créateurs, des artistes, des sculpteurs et des architectes d’intérieur qui ont redoublé de créativité, avec à la clé de nouvelles propositions pour les objets du quotidien, la décoration ou encore l’artisanat.

Grâce à leur travail et à leurs recherches, ces artistes designers ont pu extraire le patrimoine culturel et artisanal de la spirale de la répétition et du 'déjà-vu', élargissant le champ des possibles. Une manière aussi d’investir le vaste terrain de la modernité, de déclencher de nouveaux réflexes de représentation et de perception quand on évoque le Royaume dans sa composante artistique et, enfin, de conjuguer son héritage au présent.

Casablanca, comme d’autres villes marocaines, forme depuis quelques années le terreau fertile de la création artistique, où différents styles sont représentés. Une 'plateforme' de création alimentée par des designers et artistes aux univers variés. Ainsi, la porosité entre art et design n’a jamais été aussi évidente. Entre objets du quotidien, utilitaires ou pas, facilement identifiables et sujets purement artistiques, les frontières sont ténues. Et c'est tant mieux.

Chaque designer s'est forgé une identité forte et se distingue par sa 'marque' de fabrique.

Médias24 a franchi les portes de l’atelier de cinq artistes de renom qui n'hésitent pas à explorer de nouveaux territoires pour insuffler un dynamisme au design marocain. Ils ont accepté de partager leur vision de la création contemporaine en nous transportant dans leur univers artistique.

Dans ce premier épisode, nous mettons en lumière l'œuvre singulière de Khadija Kabbaj.

« Aujourd’hui, nous assistons de plus en plus à un épanouissement de la création au Maroc », se réjouit Khadija Kabbaj, désigner et plasticienne. À son actif, une carrière longue de plus de deux décennies dans le domaine de l’art. Pour elle, nombre de designers ont une approche qui vise à assurer la pérennité des savoir-faire. « Nous sommes souvent dans une démarche singulière du design qui consiste à se rapprocher de l’artisanat, utiliser le savoir-faire des artisans, sauvegarder les techniques traditionnelles et proposer des créations innovantes en tenant compte de la dimension sociale et culturelle », estime-t-elle.

Khadija Kabbaj a suivi des études d’art et de mode à Londres et à Casablanca. En 1996, elle lance son bureau de création, spécialisée dans le design (sis au quartier Gauthier à Casablanca). Touche-à-tout, elle nourrit son travail en explorant plusieurs domaines tels que le design de mobilier et d’objets, la valorisation de l’artisanat, l’architecture d’intérieur, etc. Selon Khadija Kabbaj, cette démarche contribue au renforcement de l’offre de produits d’artisanat, à leur intégration au marché et à la culture de manière plus globale, tout en répondant aux besoins actuels en termes de fonctionnalité et d’esthétique symbolique.

Quand l’utilité interroge les symboles

L’artiste designer puise son inspiration essentiellement dans la mémoire collective. Ses créations sont souvent en lien avec des objets « symboles ». Les observations de Khadija Kabbaj l’amènent à s’intéresser aux objets utilitaires qui l’entourent ou qui ont disparu. Ceux qui ont un lien avec la tradition ou le passé. Et c’est à partir de là qu’elle imagine et crée de nouveaux objets contemporains (voir photos : échiquier, théière, couverts à salade, plateau).

« Cela peut être une figure, un motif, ou un objet en soi, tels le 'tbeq', le pain de sucre, 'l’mida', que je réinterprète en leur assignant une nouvelle forme et une nouvelle fonction. Tout comme le dessous de plat en vannerie, qui est généralement caché dans la cuisine. En le remodelant, en lui redonnant une nouvelle forme et en exagérant sa taille, il devient une table et prend ainsi une place de choix dans un salon ou dans un espace de travail », explique-t-elle.

Ce n’est pas la seule démarche de Khadija Kabbaj. Elle démarre parfois un projet à partir d’une interrogation : comment améliorer l’usage d’un élément ? ou encore, comment trouver une solution à un problème ? C’est cette étape de questionnement qui l’a menée à la création du tapis de recueillement « Asssalam Alaykoum ». En plus de sa dimension spirituelle, il est à la fois ergonomique, esthétique et fonctionnel. Une fois plié, il prend ainsi la forme d’une pochette. L’objet, en tant que tel, est la jonction parfaite entre le design et l’artisanat d’art.

Bijoutiers, tisserands, dinandiers, ferronniers, céramistes ou encore ébénistes… Khadija Kabbaj signe ses créations en multipliant les collaborations avec les maîtres-artisans.

Quant au marché du design au Maroc, la plasticienne affirme que « bien qu’il soit encore timide, il émerge malgré tout progressivement. Nous constatons un intérêt grandissant de la part des consommateurs qui repensent leurs nouvelles habitudes de consommation ».

Les créations de Khadija Kabbaj voyagent, par ailleurs, au-delà de nos frontières. Elle a pris part, ces dernières années, à plusieurs expositions internationales telles que « Le Maroc contemporain » à l’Institut du monde arabe à Paris, le Vitra Design Museum en Allemagne, le Musée du monde de Rotterdam, la Biennale internationale du design de Saint-Étienne, la galerie de Bab Rouah au musée d’Art moderne d’Algérie ou encore la Biennale de Dakar.

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