Les 90 jours du gouvernement Akhannouch : une économie keynésienne en construction

Sur le plan économique, le nouvel exécutif a affiché, très tôt, la couleur de ce que sera sa politique économique sur les cinq prochaines années. Dressant une politique budgétaire expansionniste, avec des leviers comme l’investissement public, la généralisation de la protection sociale, les aides directes à certaines catégories de la population, l’équipe Akhannouch se rallie clairement au camp des Keynésiens. Mais sans répondre (encore) aux questions du financement de cette politique et de ses externalités sur la croissance.

Les 90 jours du gouvernement Akhannouch : une économie keynésienne en construction

Le 9 janvier 2022 à 18h30

Modifié 10 janvier 2022 à 17h05

Sur le plan économique, le nouvel exécutif a affiché, très tôt, la couleur de ce que sera sa politique économique sur les cinq prochaines années. Dressant une politique budgétaire expansionniste, avec des leviers comme l’investissement public, la généralisation de la protection sociale, les aides directes à certaines catégories de la population, l’équipe Akhannouch se rallie clairement au camp des Keynésiens. Mais sans répondre (encore) aux questions du financement de cette politique et de ses externalités sur la croissance.

Entré en fonction le 7 octobre 2021, le gouvernement Akhannouch a vite donné la couleur de ce que sera sa politique économique sur les cinq prochaines années : une politique axée sur le social et l’intervention de l’État en tant qu’outil de relance et de soutien à la croissance et à la création d’emplois.

L’État social, devenu une nécessité mondiale après la crise du Covid-19, est donc en marche au Maroc. Et l’équipe aux affaires semble suivre cette ligne. Pas seulement dans le discours ou sur le papier, mais avec des mesures concrètes qui se sont manifestées dès le projet de loi de Finances 2022 (PLF 2022), premier exercice politique et économique de l’action du gouvernement.

Le stimulus budgétaire pour faire bouger la machine

Premier signal : le montant record de l’investissement public programmé sur l’année 2022. Un montant de 240 milliards de dirhams, inédit dans l’histoire du royaume, qui montre clairement que l’exécutif veut faire de la dépense publique le moteur de la relance économique. En jouant à la fois sur l’offre, par le biais des travaux et chantiers qui seront confiés aux entreprises, mais aussi sur la demande, par la création d’emplois nouveaux que ces investissements sont censés créer.

Et sur ce point, la politique gouvernementale est également très claire. Comme dans le programme très keynésien des grands et petits travaux pilotés par le ministère de l’Equipement et de l’Eau de Nizar Baraka. Ce programme contribuera aux 125.000 emplois ou plus que le gouvernement promet de créer dès 2022, dans la perspective d'atteindre 1 million d'emplois cumulés en cinq ans. Le programme du million d'emplois est piloté par Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, et qui vient d'achever une tournée dans les 12 régions, à titre de diagnostic et pour identifier et tester plusieurs pistes innovantes.

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Autres mesures qui actent la naissance de cet État social, dont le chef du gouvernement a tracé les contours sur un papier qu’il a signé au début de la crise du Covid-19, l’accélération du chantier royal de la protection sociale. Depuis sa prise de fonction, le Conseil du gouvernement a fait passer, de manière urgente, une série de décrets pour l’exécution de la première phase de ce programme révolutionnaire, en intégrant le maximum de personnes dans le système de l’assurance maladie. À cela s’ajoute la promesse, contenue dans le PLF 2022, de doter les seniors d’un revenu minimum dès fin 2022. Une mesure sur laquelle le RNI, parti qui dirige le gouvernement, s’était engagé dans sa campagne électorale et qu’il veut mettre en place dès la première année de son exercice.

Des fonds propres et de la trésorerie pour aider les entreprises à se relever

Nommé dans un contexte de crise, l’exécutif semble, sur un autre plan, poursuivre la politique de relance voulue par le Roi. Et ce, en travaillant à la concrétisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, dont le montage n’est pas encore achevé mais dont les dépenses (45 milliards de dirhams) sont d’ores et déjà programmées en 2022. Un fonds qui permettra de doter, de manière massive, des entreprises, grandes, moyennes et petites, de fonds propres ou de quasi fonds propres, pour les sortir de l’étau du surendettement et leur donner les moyens de poursuivre leur activité sur des bases saines, mais surtout d’investir dans de nouveaux projets créateurs de valeurs et d’emplois.

Au-delà de cette politique keynésienne, assumée et qui se fera sans trop de dégâts budgétaires, puisque le gouvernement, comme le montre sa loi de Finances, s’engage sur la réduction du déficit budgétaire à 5,9% pour atteindre à terme le seuil acceptable mondialement de 3%, notons le geste du gouvernement concernant le remboursement de TVA.

La problématique du surendettement des entreprises, de la faiblesse de leur trésorerie, le gouvernement a montré qu’il voulait également s’y attaquer en libérant des marges qui étaient jusque-là presque gelées. Comme le remboursement des arriérés de TVA, sur lequel Aziz Akhannouch s’est engagé vis-à-vis du patronat, ou encore la réduction des délais de paiement, action sur laquelle le ministre de l’Industrie et du commerce s’est engagé lors d'une récente réunion avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).

Financement et croissance : les questions sans réponses

Et c’est là où la question du financement de cette politique se pose. Une question à laquelle le gouvernement n’a pas donné une réponse claire pour l’instant. Pour financer sa politique expansionniste de 2022, le gouvernement a surtout misé sur la hausse des recettes fiscales, notamment celles issues de l’IS des entreprises. Or, financer une politique de relance dépensière en surtaxant les entreprises peut provoquer un effet contraire. Ou du moins, être un jeu à somme nulle.

Le gouvernement (et le parti qui le dirige) s’est engagé sur l’injection, tous les ans, de 50 milliards de dirhams d’argent nouveau dans le budget de l’État pour financer sa politique sociale, dont le coût est estimé à 250 milliards sur cinq ans. On attendait de lui la mobilisation de nouvelles marges budgétaires, l’innovation financière et fiscale, l’élargissement de l’assiette fiscale par la lutte contre l’informel… Mais pour ses 90 premiers jours, aucun signal dans ce sens n’a été donné.

S’il a donc été assez ferme sur la conduite d’une nouvelle politique keynésienne, le gouvernement ne répond pas encore à la question relative à la manière dont il va la financer… Ni à l’autre question, la plus importante, sur ses effets attendus sur la croissance et la création d’emplois.

S’engageant dans sa déclaration gouvernementale sur un taux de croissance moyen de 4% sur la mandature, l’exécutif semble être pour l’instant loin du compte. En 2020, il tablait dans sa loi de Finances sur une croissance de 3,5%. Une prévision qui semble un peu optimiste si l’on en croit les prévisions émises par Bank Al Maghrib (BAM), qui affiche une projection plutôt modeste de 2,9% en 2022. Et affirme que ce chiffre de 3,5% ne sera pas non plus atteint en 2023, BAM tablant sur un taux de croissance de 3,4% au maximum en 2023. En fait, les prévisions sont impossibles, en raison de l'imprévisibilité de la pluviométrie et donc d'une grande partie de l'agriculture.

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Comment le gouvernement pourra-t-il tenir sa promesse de croissance ? Nous n’avons pas de réponse actuellement. Plusieurs économistes se montrent sceptiques par rapport à la réalisation de cet objectif. Si l’on suit les prévisions de Bank Al Maghrib, le gouvernement a besoin de réaliser une croissance supérieure à 5% sur les trois dernières années de son mandat pour retomber sur ses pieds. Chose qui serait quasi impossible en l’état actuel des choses.

Le rapport sur le nouveau modèle de développement a d’ailleurs été très clair sur ce point, affirmant que si le Maroc veut dépasser le palier de sa croissance moyenne de 3,5% des dix dernières années pour passer à un nouveau palier de 6% par an, il doit procéder à un changement profond des structures productives.

Un changement qui pourra, peut-être, intervenir dans les prochains mois, mais dont on n'entrevoit pas encore les signaux en ces 90 premiers jours ; le gouvernement se contentant, pour l’instant, de poursuivre les différentes politiques sectorielles mises en place par ses prédécesseurs, sans revoir la philosophie de toute cette construction économique héritée des deux dernières décennies.

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