D’éminentes figures du monde des affaires dressent les lacunes de la Bourse

| Le 4/6/2021 à 14:42

Différentes figures du monde des affaires ont livré leur regard sur la Bourse casablancaise et les lacunes du marché des capitaux. Pour certains, la liquidité est un problème majeur de la place, pour d’autres c'est le faible nombre des sociétés cotées. Verbatim.

Médias24 a organisé, jeudi 3 juin, une rencontre sur la composante économique du nouveau modèle de développement. Autour de la table, des personnalités du monde des affaires étaient réunis pour débattre avec trois membres de la commission spéciale sur le modèle de développement : d'une part, Ahmed Reda Chami, Ghita Lahlou et Youssef Saâdani ; de l’autre Adil Douiri, Mohamed Hdid, M’fadel El Halaissi, Abdou Diop, Hassan Benabderrazik et Mehdi Alaoui. Ils sont économistes, hommes d’affaires, managers, consultants, fiscalistes, etc…

Dans un premier temps, Ahmed Reda Chami, membre de la CSMD a rappelé : « il faut un marché des capitaux fort. 70% des entreprises sont financées par les banques. Ce n’est pas comme cela qu’on peut se développer. Sur le marché des capitaux, il y a un travail important qui a été fait dans le rapport. Quelques idées : Une régulation forte pour ramener la confiance, plus d’établissements publics cotés, peut-être un marché des matières premières et simplifier les règles pour une catégorie d’entreprises qui voudraient rentrer en bourse »

Durant leurs échanges, une bonne partie des intervenants issus du monde des affaires a évoqué les lacunes de la place boursière casablancaise. Pour certains, la réglementation de la place est lacunaire ce qui empêche d'attirer l'épargne, pour d’autres, le manque de liquidité ou encore le manque de sociétés cotées sont des freins majeurs. Verbatim.

Une place qui manque de sociétés cotées

Durant le débat, différents intervenants ont souligné le nombre trop peu élevé de valeurs sur la cote casablancaise. C’est notamment le cas de Adil Douiri, patron du groupe Mutandis, coté en bourse. Pour lui, depuis 3 décennies, la place n’a pas grandement changé. La priorité est de dynamiser les introductions en bourse. « Cela fait 30 ans qu’il y a 75 sociétés cotées à la bourse. Ce ne sont pas les mêmes, mais le chiffre est toujours le même. Il faut bien comprendre une chose. Une société cotée en bourse est une société qui bascule définitivement dans le clan de la pérennité institutionnelle, elle ne mourra pas avec son fondateur, ni avec l’héritage, elle se comportera de façon civique, elle paiera un minimum d’impôts, ses comptes seront un minimum juste » explique le dirigeant.

Il poursuit : « Pour faire basculer les entreprises dans la pérennité il faut les obliger à s’inscrire dans un cadre institutionnel. Or, il faut reconnaitre que l’administration en charge de cela est spectatrice. Il faut imaginer des mécanismes beaucoup plus radicaux et moins mous dans l’incitation à rentrer en bourse. Là il faut dire, je vais prendre 300 entreprises et je vais les mettre en bourse, presque de façon mécanique. Il faut leur simplifier les choses, faire un cadre léger et changer de paradigme » conseille-t-il.

Pour lui, un moyen d'y parvenir serait de faciliter l'introduction des sociétés familiales par des moyens juridiques: « Il existe une forme juridique qui sépare le pourcentage du capital de la gestion quotidienne, il s’agit de la Société en Commandite par Actions (SCA). Ayant introduit des sociétés sous ce statut à la Bourse de Casablanca, rien n’interdit de faire basculer le maximum de sociétés anonymes familiales en commandite et de les mettre en bourse. De ce fait, chaque projet identifié pourra être financé par la Bourse, si la famille veut suivre, elle suit, sinon, elle verra son capital dilué tout en restant gérante de la société. Donc, nous pouvons lever le capital et ne pas perdre le contrôle

Le marché des capitaux manque de structure et de réglementation 

Pour M’fadel El Halaissi, présent au débat en sa qualité d’économiste, la place casablancaise peine à attirer la demande du fait de son manque de structure et de réglementation. « Il y a eu une inertie dans le développement du marché des capitaux. Les entreprises se financent aujourd’hui à 90% ou même plus sur le marché bancaire, qui souffre de fortes contraintes réglementaires. En parallèle, le marché financier a de l’argent. Il y a de l’épargne dans les caisses de retraites, les assurances, mais il n’est pas recyclé sur le marché financier car il n'y a pas de demande ni de structure qui permettent cela. Concernant l’épargne, il y aurait également besoin de restructurer le marché des capitaux. Nous ne sommes pas seuls dans le monde, le marché est mondial, et si l’on donne une structure claire et règlementée, l’argent de l’épargne mondiale viendra. Aujourd’hui, s’il ne vient pas, c’est parce que la règlementation n’est pas aussi précise » explique M’fadel El Halaissi.

Le manque de liquidité devrait être corrigé

Pour l’économiste Hassan Benabderrazik, le manque de dynamisme observé sur le marché des capitaux provient notamment du manque de liquidité. Ce dernier explique : « Il y a quelque chose de très simple à faire pour redynamiser le marché des capitaux, c’est de lui restituer de la liquidité. Aujourd’hui, lorsque vous êtes actionnaire, votre capacité à réaliser votre portefeuille est relativement limitée ».

Pour lui, différente mesures pourraient être prises pour améliorer la situation. « Il serait à mon sens pertinent de supprimer le marché de blocs, d’unifier l’ensemble des transactions sur le marché central et vous retrouverez, à la fois de la liquidité et un mécanisme de formation et de diffusion des prix qui est plus pertinent. Si aujourd'hui, nous avons deux marchés séparés, segmentés qui n'assurent plus la liquidité, la capacité à attirer de nouveaux opérateurs sera fortement limitée. Car il faut qu'il y ait de la liquidité pour que les gens viennent en bourse » explique-t-il.

Néanmoins, pour Adil Douiri, la priorité demeure, dans un premier temps, la dynamisation des introductions avant la liquidité. « Ce qui est important pour pérenniser le tissu des entreprises est de les obliger à être cotées. Le problème ne vient pas de l’épargne. Elle est disponible chez les caisses de retraite, les compagnies d’assurances, les OPCVM… Il y a suffisamment d’épargne institutionnelle pour financer les projets et les augmentations de capital, mais il y a trop peu de sociétés cotées en bourse et trop peu de projets d’investissement. Dans un premier temps il faudrait placer un grand nombre de sociétés en bourse, qui ont des besoins, des projets, et dans un second temps, améliorer l’acheminement de l’épargne » explique-t-il.

Compétences, ambitions et transparence sont les principales raisons du faible nombre d'IPO

L’économiste Youssef Saâdani préfère tempérer. Pour lui, le manque de papier sur la cote a des racines profondes et s’explique par plusieurs raisons.

Il explique : « Si les entreprises ne s’introduisent pas en bourse, c’est qu’il y a des raisons très profondes. Elles concernent les aspects de transparence, les sujets d’ambitions, de stratégie ou de capacité. Dans le cadre d’un nouveau modèle de développement, il s’agit de traiter les racines. Nous appelons à un renouveau du tissu entrepreneurial pour que les entrepreneurs qui construisent les entreprises et qui les font grandir soient suffisamment organisés et structurés pour pouvoir arriver à une éventuelle introduction en bourse ».

 

 

 

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