La rentabilité des sociétés cotées a baissé entre 2008 et 2019, voici pourquoi, selon CDG Capital

M. Ett. | Le 24/2/2021 à 13:41

La rentabilité financière des sociétés cotées a connu une tendance globalement baissière, entre 2008 et 2019, à cause du repli de la rentabilité économique, selon une analyse de CDG Capital portant sur les secteurs des télécoms, BTP, Industrie et NTIC.

La note d’analyse réalisée par l’équipe CDG Capital a pour objectif d'analyser les facteurs déterminants de la rentabilité financière (ROE) des entreprises cotées à la bourse de Casablanca, et de comparer les résultats entre les différents secteurs cotés. Elle montre que la rentabilité financière de l’ensemble des secteurs a connu une tendance globalement baissière, expliquée en somme par le repli de la rentabilité économique (ROCE).

L’analyse effectuée porte sur les principaux secteurs composant l’Indice MASI sur la période 2008-2019, exception faite des entreprises financières et des services. Les secteurs étudiés sont : télécoms (Pour le secteur Télécom, Orage a été additionnée tenant compte de la disponibilité de l’information financière), BTP, Industrie et NTIC.

Les analystes précisent que, pour des raisons de fiabilité et de cohérence concernant les données disponibles, le périmètre d’analyse n’inclut que les entreprises cotées avant 2008, ou ayant fait leur introduction en bourse durant l’année 2008. Ils précisent également que pour analyser la tendance de l’endettement net des secteurs sélectionnés durant la période 2008-2019, ils se sont basés globalement sur les dettes financières non courantes.

Avant de donner les résultats de l’analyse de chaque secteur étudié, qui démontrent des disparités et des particularités sectorielles, il importe de dresser les principales conclusions obtenues :

> La rentabilité des différents secteurs reste fortement impactée par des facteurs exogènes ;

> Le contexte macroéconomique global qui a suivi la crise financière mondiale depuis 2008 a eu un effet prononcé sur la demande et a particulièrement affecté le secteur industriel et le BTP ;

> Les prix des intrants et, plus particulièrement la facture énergétique, déterminent dans une large mesure les niveaux de rentabilité. Ainsi, la décompensation du fuel a eu un impact significatif sur la performance du secteur industriel ;

> L’évolution des niveaux d’endettement montre que l’utilisation du levier financier reste globalement stable, si ce n’est des variations ponctuelles et anecdotiques, comme pour le secteur du BTP. En somme, le levier financier n’a pesé que de façon secondaire par rapport aux facteurs exogènes cités plus haut. Le poids relatif de ce facteur devra faire l’objet d’une étude quantitative plus approfondie ;

> L’effet de la productivité spécifique à chaque secteur reste muet par rapport aux facteurs systémiques. Ceci ne signifie pas que celui-ci n’existe pas, mais que pour la période étudiée, les grandes évolutions ont plus traduit des tendances systémiques que idiosyncratiques, sauf pour le secteur des télécoms, qui en soi est une composante particulière de l’économie marocaine ayant connu l’élan de croissance que connaîtrait l’introduction d’une nouvelle technologie à usage grand public.

> Enfin, la pandémie du covid-19 a affecté d’une manière différente les secteurs étudiés tenant compte de leur l’hétérogénéité.

Télécoms : leader sectoriel en matière de profitabilité

Sur les 11 dernières années, la rentabilité financière du secteur télécoms a connu une tendance baissière. Celle-ci est passée de 50% en 2008 à 18% en 2019 (retraité de la sanction de l’ANRT, le ratio ROE aurait été de 27%).

Cette évolution a connu deux phases distinctes au cours de la période étudiée : une érosion puis une stabilisation. Une érosion continue de la rentabilité a été observée suite à un environnement fortement concurrentiel et au processus de maturation du marché jusqu’en 2014. Cette tendance baissière s’explique par plusieurs éléments notamment : la saturation du marché et l’intensification de la concurrence. La rentabilité financière de ce secteur a assisté à une stabilisation grâce à un relai de croissance à l’international après 2014.

De son côté, l’utilisation de l’effet de levier par les opérateurs de télécommunication a fortement augmenté durant la dernière décennie. Le poids de l’endettement au regard des fonds propres s’est fortement apprécié. Ainsi, le gearing est passé de 35,3%% en 2007 à 114% en 2019. Cette forte hausse s’explique principalement par les exigences élevées en matière de dépenses en investissement et par les récentes consolidations vécues dans le secteur.

En dépit d’une baisse du taux d’intérêt et d’une hausse importante de l’effet de levier suite à un cycle d’investissement important, l’impact de celui-ci reste secondaire par rapport à l’érosion des marges opérationnelles sous l’effet de la concurrence et de la saturation du marché, qui ont dicté l’évolution de la rentabilité des fonds propres. Par conséquent, la tendance nette à la baisse de cette rentabilité, est plus expliquée par une dégradation de la rentabilité économique (ROCE).

Pour leur part, les fonds propres ont été impactés par une accentuation de la distribution de dividendes. Dans le détail, entre 2007 et 2010, le taux de distribution des dividendes était aux alentours de 96% en moyenne. A partir de 2011, la distribution de dividendes s’amplifie, pour s’élever à plus de 103% en moyenne sur la période 2011-2019. L’accentuation du versement de dividende s’est traduite par une baisse marquée des fonds propres, ils sont passés de 26,8 milliards de DH en 2010 à 19,1 milliards de DH en 2019.

L’endettement du secteur Telecom a fortement augmenté, passant de 7,4 milliards de DH en 2007 à 21, milliards de DH en 2019. La progression de l’endettement concerne seulement Maroc Telecom en raison des récentes consolidations accompagnant l’internationalisation du groupe. Contrairement à IAM, l’endettement d’Orange a baissé de près de 50%, passant de 8,7 milliards de DH en 2007 à 4,3 milliards de DH en 2019.

Il a été également conclu que les entreprises de télécommunications recourent davantage à l’endettement pour investir dans un contexte où les capacités d’autofinancement sont sous pression suite à des flux de dividendes versés plus importants que les résultats réalisés.

Les analystes soulignent par ailleurs que le secteur des télécommunications marocain offre l’une des meilleures rentabilités à l’échelle internationale.

En ce qui concerne la crise du Covid, le secteur des Télécoms n’a pratiquement pas subi d’impact, grâce à sa position financière confortable. Ce secteur se montre au contraire bien positionné afin de prendre appui sur l’élan de digitalisation qu’a initié la crise pour entamer un cycle de croissance organique, profitant de l’essor de la Data Mobile et de la place centrale que celle-ci occuperait dans la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière.

Forte baisse de la rentabilité financière du secteur du BTP

La rentabilité du secteur du BTP a connu une tendance baissière au cours de ces 11 dernières années. Celle-ci est passée de 27% en 2008 à 10% en 2019.

La rentabilité du secteur a connu une forte dégradation de 2008 à 2015 suite à la crise de la demande qui a suivi les crises financières de 2008 et 2012, et qui s’est conjuguée avec une surcapacité et une structure financière affaiblie par un fort levier.

Sur la période 2011-2019, les revenus collectés ont baissé en affichant un taux de croissance annuel moyen de -4,8% contre 11,8% sur la période 2007-2011. Cela s’explique par la faible demande de logements et la baisse de la demande dans le segment des infrastructures qui ont eu une incidence négative sur la production du secteur BTP.

Les analystes soulignent l’endettement historique des promoteurs immobiliers. Ils soulèvet aussi que l’analyse des états des flux des promoteurs dénote un point important : le montant devant être remboursé aux banques a toujours été supérieur au cash-flow opérationnel réalisé par les promoteurs. Ce sont plutôt les augmentations de capital et les nouvelles émissions d’emprunt qui ont permises la réduction de l’endettement net pour l’une ou de reconduire des tombées en principal pour l’autre.

L’investissement dans le secteur BTP, quant à lui, est en constante baisse, à l’image de la conjoncture que traverse le secteur.

Déjà affecté par le ralentissement général dans le secteur Immobilier, le BTP a été durement touché en 2020 par l’effet de la pandémie. L’activité de construction a été interrompue à travers le pays durant la période de confinement, impactant fortement les ventes de ciments, lesquelles affichent une baisse de 9,7% à fin décembre 2020. L’impact de la pandémie de la Covid-19 sur le secteur est actuellement difficile à prévoir car l’impact à long terme de l’épidémie sur l’économie mondiale et nationale demeure incertain. Cependant, les efforts pour relancer l’économie à travers le fonds Mohammed VI pour l’investissement devraient donner un souffle nouveau au secteur.

Industrie : une rentabilité très dépendante de la conjoncture et de facteurs exogènes

Sur les 11 dernières années, le secteur industriel a connu une tendance baissière de la rentabilité financière. Celle-ci est passée de 12,3% en 2008 à 9,2% en 2019 (retraité de l’effet boycott, le ROE serait de 12%).

Le secteur industriel inclut principalement 5 secteurs, notamment : Mines, Pharmacie, Energie, Agro-alimentaire, et Chimie.

La baisse de la rentabilité financière de ce secteur est expliquée par 4 éléments, à savoir : la morosité du contexte économique (2012-2015), la décompensation du Fuel (2013-2014), la baisse du prix du baril (S2 2014-2016) et le mouvement de boycott (2018).

Du côté des fonds propres, ils ont connu une hausse annuelle moyenne de 4,5% sur la période 2007-2019, passant de 13,2 milliards de DH à 22,4 milliards de DH. Ils ont connu une légère baisse sur les 2 dernières années qui s’explique essentiellement par une distribution plus importante des dividendes par rapport aux bénéficies réalisés.

Entre 2009 et 2017, le taux de distribution était aux alentours de 82% en moyenne alors qu’il ressort à 110% en moyenne entre 2018 et 2019. Cette progression a concerné principalement le secteur minier qui a connu une forte baisse des bénéfices ces deux dernières années.

Toutefois, ce secteur connait une hausse de l’endettement de 5,8% sur la période 2008-2019, pour se situer à 7 milliards de DH, une hausse supérieur à celle des fonds propres. Mais, ce niveau d’endettement représente un gearing moyen de 32% en 2019, un niveau assez contenu qui laisse globalement la marge pour un éventuel recours à la dette. Par ailleurs, il apparaît que cette hausse de l’endettement est essentiellement due aux secteurs Agroalimentaires et Mines.

Hormis le secteur minier où les investissements sont importants et représentent en moyenne 27,9% du CA sur la période, le taux d’investissement du secteur Industrie demeure bas et se situe aux alentours de 6,4% entre 2007 et 2019. Ces investissements sont souvent financés par l’autofinancement.

Le Maroc dispose d’une meilleure structure financière dans le secteur industriel en comparaison avec les benchmarks internationaux.

Par ailleurs, la crise de la Covid-19 a eu un effet adverse sur les sous-secteurs Boissons et Energie, qui s’explique à l’évidence par l’arrêt des activités de restauration, et d’hospitalité plus généralement, et l’arrêt de certaines activités industrielles. Autrement, l’Agroalimentaire a fait preuve de bonne tenue et démontre ainsi de façon saillante la non-cyclicité de ses revenus, du moins à des effets aussi court terme.

NTIC : un secteur qui a profité de l’essor du paiement électronique

La rentabilité financière du secteur NTIC a évolué autour de sa moyenne historique, passant de 17,2% en 2009 à 16,9% en 2019.

La forte dégradation de la rentabilité durant la 1ère période 2009-2011 s’explique d’une part par des facteurs idiosyncratiques, à savoir l’augmentation de capital du groupe Disway après la fusion entre Les deux sociétés Matel PC Market et Distrisoft et l’impact des investissements du groupe HPS sur ses comptes et la comptabilisation d’une provision sur une créance client de l’ordre de 18 millions de DH en 2011.

D’autre part, par des facteurs systémiques, notamment, l’accentuation de la concurrence du marché informel, et d’une manière globale, la baisse de l’activité a été impactée durant cette période par une conjoncture économique difficile à l’international et par les effets des événements du printemps Arabe.

Mais, depuis 2011, le secteur NTIC connait globalement une croissance continue de l’activité et une amélioration de la rentabilité financière (à l’exception des années 2017-2018 qui ont connu une baisse de la rentabilité suite principalement au contrôle fiscale du groupe Disway).

Ce secteur s’est, en effet, démarqué sur la période 2011-2019 par rapport aux autres secteurs en affichant une croissance moyenne annuelle de ses revenus de l’ordre de 4,7%.

La performance du secteur a été portée principalement par la montée en puissance du groupe HPS.

Pour sa part, l’utilisation de l’effet de levier par le secteur NTIC est en forte baisse depuis 2009. Le poids de l’endettement au regard des fonds propres a fortement chuté durant la dernière décennie. Le gearing est passé de 48% en 2009 à 3% en 2019.

Les fonds propres du secteur NTIC, eux, ont enregistré une progression annuelle moyenne de 7,3% sur la période 2009-2019 passant de 743 millions de DH à 1,5 milliard de DH. Cette augmentation provient d’une part des réserves constituées (Résultat net diminués des dividendes distribués) tout au long de la période et d’autre part de l’impact des augmentations de capital des groupes Disway et HPS réalisées en 2010.

S’agissant du taux de distribution des dividendes, il ressort aux alentours de 98,5% en moyenne durant les 10 dernières années. Toutefois, retraité de l’année exceptionnelle de 2011 où les groupes HPS et IB Maroc ont enregistré des déficits, le taux de distribution du secteur ressort à seulement 65,6%.

Le renforcement des fonds propres de HPS et Disway e 2010 a contribué à hauteur de 39% à la hausse des fonds propres du secteur sur la dernière décennie.

L’endettement net du secteur n’a cessé de baisser au cours de la période analysée. Il est passé de 355 millions de DH en 2009 à 46,7 millions de DH en 2019. Par conséquent, le gearing ressort à seulement 3,1% à fin 2019.

D’après les analystes, ce niveau très bas de gearing traduit le manque d’investissement structurel du secteur de par la nature non intensive en capital de son activité de service. Le taux d’investissement rapporté au chiffre d’affaires ressort à seulement 2,4% en moyenne durant la dernière décennie. Ils soulignent par ailleurs que les investissements du groupe HPS en recherche & développement sont comptabilisés en tant que charges.

Sur les 5 dernières années, les marges opérationnelles au secteur NTIC marocain affichent des taux moyens de 9,9% légèrement en dessous de la moyenne de l’industrie mondiale de 11,5%.

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