Récit. Mohamed Benchaâboun se confie sur la gestion de la crise Covid

C'est à bâtons rompus et avec humilité que le ministre de l'économie et des finances, invité de l'événement "Les Matins HEC" ce vendredi, a raconté son vécu et comment il a géré une crise sans précédent depuis mars 2020.

Récit. Mohamed Benchaâboun se confie sur la gestion de la crise Covid

Le 29 janvier 2021 à 18h34

Modifié 10 avril 2021 à 23h16

C'est à bâtons rompus et avec humilité que le ministre de l'économie et des finances, invité de l'événement "Les Matins HEC" ce vendredi, a raconté son vécu et comment il a géré une crise sans précédent depuis mars 2020.

La première édition de l'événement "Les Matins HEC Paris Alumni Maroc" a eu pour invité le ministre de l'Economie et des Finances, Mohamed Benchaâboun. Ce dernier a répondu aux questions de Médias24, partenaire de l'événement, notamment sur la gestion de la crise Covid au cours des 11 derniers mois et comment il a vécu cette période d'incertitude où il fallait être réactif et rapide dans la prise de décision. 

"Le Maroc n'a pas été l'un des premiers pays touchés, donc on a eu le temps de faire une lecture anticipative de ce qui allait se passer. On a vu comment chacun des pays et des gouvernements, dans ce climat d'incertitude, a pris un certain nombre de mesures", se rappelle Mohamed Benchaâboun. 

"Nous n'étions pas encore touchés mais nous avions cette appréhension de ce qui allait se passer". 

"Il y a deux points qui, à mon avis, méritent d'être soulignés. D'abord, le fait que le Maroc sortait d'une première crise vécue en 2011-2012 avec un déficit budgétaire de 7% qu'on essayait de redresser depuis toutes ces années jusqu'à atteindre 3,5% en 2019. Donc en 2020, on était au début d'une nouvelle inflexion pour viser la croissance, une croissance forte et inclusive d'où le programme Intelaka. On était sur cette lancée et puis mars est arrivé avec ces contraintes", poursuit le ministre. 

"Le 2 mars était le jour où on a détecté le premier cas de la Covid-19 au Maroc et c’était le point d’inflexion dans la gestion de la pandémie. Donc vrai coup de volant vers la gestion de la crise", ajoute-t-il. 

Une crise sanitaire aux répercussions économiques

"C'est une crise sanitaire, donc la première pensée a été de se demander comment gérer ce volet sur le plan humain, mobiliser un certain nombre de moyens pour que le système de santé marocain puisse faire face à la pire des situations qui pourraient arriver, qu'on ne pouvait anticiper et qu'on ne pouvait que scénariser au meilleur des cas", déclare le ministre.

"Une crise sanitaire a des répercussions économiques et a un impact social terrible. Là encore on ne pouvait pas quantifier. Donc on a travaillé avec des scénarios avec nos partenaires".

"On devait trouver les moyens financiers pour gérer la crise, et à ce niveau il y a eu l'initiative de Sa Majesté pour la création du Fonds Covid. C'était une initiative qui a permis de donner de l'espoir et de créer une mobilisation extraordinaire. La réponse à l'appel à la solidarité était beaucoup plus importante que ce que l’on espérait", avance Benchaâboun.

"Il fallait aussi rassurer. On a donc créé le Comité de veille économique qui allait suivre au quotidien ce qui va se passer et en même temps essayer de mettre en place progressivement les mesures nécessaires en les priorisant". 

Quelle était la priorité ? "En vieux banquier, la priorité c’était de dire qu'aussi bien les ménages que les entreprises allaient être en difficulté… donc les premières mesures prises consistaient à différer le paiement des charges sociales et à faire une pause dans le remboursement des crédits jusqu'à juillet 2020", réponds le ministre.

En réponse à la question de savoir pourquoi les mesures du CVE étaient toutes calées sur juillet, le ministre explique que " lors de la réunion du 16 mars, la première du CVE tenue quelques jours après la déclaration par l'OMS de la pandémie, la problématique s'est posée : il faillait évaluer et mettre en place les mesures d’accompagnement, mais jusqu’à quand ? Et quel coût peut-il être supporté par le pays ? On a décidé dans cette réunion que l'horizon qu'on devrait se fixer c'est fin juin."

"Pourquoi fin juin ? Aucune idée. C'est juste qu'à ce moment-là tout le monde disait que la crise allait durer deux à trois mois. Nous étions le 16 mars et on s'est dit que trois mois et demi c’était pas mal. Et puis comme c'était une grippette - rappelez-vous qu'on la qualifiait ainsi -, on s'est dit qu'elle allait disparaitre en été", confie le ministre. 

Un tableau de bord, des scénarios et beaucoup d'incertitudes

Une gestion de crise suppose des données pour se projeter et un tableau de bord. Sur ce point, le ministre détaille comment le comité travaillait. "On a essayé de mettre en place un certain nombre d’indicateurs qui nous permettraient de suivre au quotidien ce qui se passe", explique le ministre.

"Par exemple, l'indicateur de la consommation d’électricité permettait de connaitre le niveau d'activité chez les entreprises notamment les industries. Le Maroc marque chaque année 3 à 4% de croissance de la consommation énergétique, là on était à -15% dans la consommation industrielle alors que celle des ménages augmentait", précise le ministre. 

"On suivait même, à travers Google, les statistiques de fréquentation d’un certain nombre de lieux… qui nous permettaient de voir presque en temps réel ce qui se passe en matière d’activités économiques de manière générale", ajoute-t-il.

"Comme le confinement était dur, nous avons essayé d'établir des scénarios. Sur quelles bases me diriez-vous ? Il n’y avait pas de règles. Personne n'avait assez de recul pour définir une méthodologie. Nous avons décidé de prendre deux paramètres. Le premier, celui de la durée de la crise. Si cette crise allait durer 3, 6, 9 mois ou plus. Le second paramètre est la manière avec laquelle nos partenaires allaient rebondir". 

"On a croisé ces deux paramètres, on a mis en place des scénarios sur cette base. On a abandonné les plus dramatiques qu'on ne voulait pas voir se réaliser et les plus optimistes aussi. Et on a gardé les quatre scénarios qui nous paraissaient les plus raisonnables. Par la suite, on a essayé de voir l’impact sur la valeur ajoutée, sur l’emploi et sur les finances publiques". 

Le poids de la décision 

Tous ces outils de travail avaient pour seul objectif d'orienter les décisions du gouvernement. "Il y avait des décisions à prendre, elles ont été prises de façon collégiale".

"Mais ces décisions avaient une portée importante sur beaucoup de monde. Évidemment quand vous dites ‘je vais mettre en place une mesure d’aide aux citoyens dans le secteur informel, parce que le confinement était une décision administrative qui a été derrière la fermeture des commerces non essentiels’, vous ne savez pas de combien de personne il s’agit, vous ne savez pas a priori si votre décision va porter sur 2, 3, 4, 10 millions de ménages", confie le ministre. 

"Vous avez une incertitude sur le nombre de ménages, les budgets et la capacité à pouvoir faire aboutir la mesure". 

Ce qui est intéressant à souligner, selon le ministre, c'est le rôle de la technologie qui a permis de faire aboutir cette mesure tout en respectant les contraintes sanitaires liées à la Covid-19.

"Pour l’essentiel des aides distribuées, 95% des 6 millions de ménages, il n'y a pas eu un seul contact physique. C'est une expérience importante qui montre la capacité de notre pays à dérouler des process nouveaux dans des délais courts qui sont en même temps fiables et conservent la dignité des ménages", commente le ministre. 

Derrière cette prouesse, "il y avait toute une armée de cadres marocains qui ont travaillé du côté du gouvernement sur ce volet, notamment en ce qui concerne la mise en place de l’infrastructure, la plateforme, les fichiers qui ont permis de croiser les données pour s’assurer de la vraisemblance des informations collectées", avance Mohamed Benchaâboun. 

"Il y a aussi un travail qui a été fait par le système financier. Il y avait un hub financier qui a permis de faire l’interface avec tous ceux qui allaient intervenir pour distribuer les aides. Nous avions une remontée quotidienne d'informations sur les transactions réalisées".

L'espoir est permis en 2021

Des mesures de soutien et d'accompagnement de cette crise, il y en a eu plein en parallèle et après la grande opération de distribution des aides monétaires aux ménages de l'informel. Les réunions du ministère, du CVE se sont succédé, pendant et après le confinement, avec les banques, les représentants des différents secteurs économiques. De nouvelles solutions ont été lancées, des contrats-programmes signés, des mesures améliorées, un plan de relance ambitieux a été annoncé, une loi de finances rectificative a été adoptée sachant que la dernière LFR remonte à 30 ans, de même qu'une loi de finances 2021 consolidant les mesures de relance. La dernière réunion en date du CVE remonte à il y a quelques jours. Tout est fait pour favoriser la relance, et l'espoir est permis, selon Mohamed Benchaâboun.

"On entrevoit la lumière au bout du tunnel, d’abord car il y a le vaccin. Le Maroc a reçu 2,5 millions de doses à ce jour, d’autres arrivages sont programmés. Cette campagne de vaccination permettra, si les choses se déroulent comme prévu, de dépasser la situation qui a prévalu jusqu’à présent", avance le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'administration. 

"En même temps, il y a d’autres incertitudes qui pèsent sur le monde comme ces souches nouvelles dont l'évolution dans les prochains mois reste méconnue", ajoute-t-il.

"Personnellement je reste convaincu qu’à partir du deuxième semestre de 2021, le Maroc et notre économie pourront rebondir de manière très forte. Les prévisions pour le Maroc sont entre 4% et 5% de croissance pour 2021. Cette croissance ne permettra pas de revenir au niveau de 2019, mais on va rattraper une partie du retard", analyse-t-il. 

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