Nezha Hayat détaille la contribution de l'AMMC au financement de la relance (Entretien)

B.B. | Le 29/1/2021 à 12:12

Procédure d'instruction accélérée des fonds de capital investissement créés dans le cadre du Fonds Mohammed VI ; guichet unique, commissions réduites et fast-track pour l'accès des PME au marché... Nezha Hayat, présidente de l'Autorité marocaine du marché des capitaux, livre au Boursier ce qui sera fait dans le cadre de son plan d'action pour contribuer au financement de la relance économique.

Dans le cadre de l'effort de relance économique nationale, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) a listé ses priorités pour y contribuer en renforçant l’attractivité du marché et le financement désintermédié des entreprises. L’instance mise sur différents leviers dont l'accompagnement du capital investissement, un accès plus simple au marché pour les PME et l'encouragement de la notation des émetteurs de dette privée.

Dans cet entretien accordé au Boursier, la présidente de l’AMMC, Nezha Hayat, explique comment l’Autorité procèdera concrètement.

- LeBoursier : L'AMMC vient de fixer son plan d'action pour contribuer à la relance économique. Il repose en partie sur l'accompagnement du capital investissement. Concrètement, comment cette industrie contribuera-t-elle au financement de la relance et qu'est-ce qui sera fait par l'AMMC ?

Nezha Hayat : Les acteurs du capital investissement seront appelés à jouer un rôle important dans l’accompagnement du plan de relance. En effet, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, créé en application des Hautes Instructions de SM le Roi  Mohammed VI, peut constituer des fonds sectoriels ou thématiques qui prendront, en particulier, la forme d’Organismes de Placement Collectif en Capital (OPCC).

Tel que souligné par le Ministre de l’Economie et des Finances, la gestion des fonds sectoriels et thématiques sera ainsi confiée, en vertu d’un cahier des charges spécifique, à des sociétés de gestion d’OPCC agréées qui proposent une expertise en terme d’accompagnement des entreprises cibles notamment en matière de gouvernance et de stratégie.

Les fonds à créer par les sociétés de gestion sélectionnées seront soumis à l’agrément de l’AMMC qui mettra en place une procédure d’instruction accélérée. Les sociétés de gestion proposeront des stratégies d’investissement diversifiées qui seront déclinées dans les règlements de gestion des fonds et qui devront notamment préciser le stade d’intervention dans les sociétés cibles, les secteurs d’activité visés ainsi que les objectifs de gestion et les critères d’investissement.

Le processus de sélection des PME ou ETI à financer obéira aux principes et critères de sélection des opportunités d’investissement tels qu’énoncés dans le règlement de gestion agréé par l’AMMC, les entreprises ciblées étant celles nécessitant un renforcement des fonds propres et un accompagnement.  Ainsi, dès la réalisation de l’investissement, le rôle de la société de gestion s’étend à un travail de proximité, de suivi et d’accompagnement rigoureux auprès des entreprises investies.

- Dans le volet facilitation de l’accès au marché des capitaux, la PME occupe une place centrale. Quelles sont les mesures qui seront apportées ?

Les spécificités de cette catégorie d’entreprises, qui représente le plus gros de notre tissu économique, ont été prises en comptes lors de la refonte des cadres législatifs et réglementaires régissant le financement par le marché des capitaux.

Ainsi, un marché alternatif, dédié aux PME et assorti de règles allégées, a été créé sur la Bourse de Casablanca. Ce marché pourra accueillir aussi bien les titres de capital que les titres de créances, avec des conditions d’admission très flexibles.

En effet, il suffit qu’une entreprise réponde à un des trois critères relatifs au chiffre d’affaires (inférieur à 500 millions), à la taille du bilan (inférieur à 200 millions) et à la taille des effectifs (moins de 300 employés) pour qu’elle soit qualifiée de PME et puisse se financer sur le marché alternatif. Bien entendu, d’autres prérequis sont exigés tels que la certification des comptes, mais ils demeurent avantageux par rapport au marché principal. De plus, les PME dont les titres sont cotés sur ce marché, bénéficient d’allègements en matière d’obligations continues. Elles peuvent, par exemple, ne pas publier leurs indicateurs trimestriels ou certaines autres informations annuelles ou semestrielles.

Les acteurs du marché sont donc engagés pour proposer des solutions aux problématiques que rencontrent les PME pour l’accès au marché des capitaux, dont le coût et le besoin d’accompagnement. Ainsi, l’AMMC et plusieurs acteurs du marché, dont la Bourse de Casablanca, Maroclear et l’APSB sont engagés pour proposer une offre PME intégrée qui réponde à ces besoins en consentant des réductions significatives de leurs commissions respectives, en mutualisant leurs efforts en faveur d’une simplification des procédures d’accès au marché et en mettant en place de dispositifs de conseil et d’accompagnement adaptés.

Il est prévu par exemple de mettre, au niveau de l’AMMC, un guichet unique pour accomplir toutes les formalités relatives à une émission, y compris celles vis-à-vis de la Bourse des valeurs ou du Dépositaire central.

Par ailleurs, l’adoption prochaine d’un cadre réglementaire pour la profession de Conseiller en Investissement Financier va aussi jouer un rôle important pour la promotion du marché des capitaux en tant que solution de financement pour la PME et d’investissement pour l’épargnant.

- Comment comptez-vous attirer les PME vers le financement désintermédié et quelles démarches devront-elles entreprendre pour y parvenir ?

Toute entreprise désirant se financer sur le marché doit suivre un processus de préparation opérationnelle de son émission préalablement à son autorisation. Les PME, en particulier, peuvent percevoir ce processus comme étant lourd et coûteux, ce qui les décourage de solliciter le marché pour leurs financements.

Il est donc prévu de mettre en place des mécanismes d’accompagnement pendant toutes les étapes du processus de financement des PME par le marché. Elles pourront d’abord s’appuyer sur les dispositifs de conseil et d’accompagnement prévus dans le cadre de l’offre PME pour préparer leurs émissions le plus en amont possible et au moindre coût.

Pendant la phase de traitement de leurs demandes d’émission, l’AMMC s’est engagée par exemple à mettre en place un processus de traitement accéléré, ou fast-track, en faveur des entreprises certifiées par le programme ELITE.

- Parmi les domaines prioritaires pour améliorer l'attractivité du marché des capitaux figure le développement du marché de la dette privée. Comment comptez-vous faire ? 

D’une part, l’élargissement du recours à la notation permet aux investisseurs de disposer d’une grille de lecture homogène pour l’évaluation et le suivi du profil de risque des émetteurs de la place.

D’autre part, la transparence du marché permet de définir le prix « juste » d’un niveau de risque donné tel que reflété par la notation de l’émetteur concerné. Ainsi, l’action visant l’amélioration de l’efficience du marché de la dette privée doit cibler ces deux composantes indissociables. Partant de là, l’AMMC envisage de continuer à agir simultanément sur les deux leviers précités, en complément des actions déjà mises en place.

En ce qui concerne la notation, je rappelle que l’un des freins à son développement reste son coût jugé élevé, particulièrement pour les PME. L’AMMC offre déjà un taux de commission réduit pour les émissions obligataires dont l’émetteur produit une notation et s’engage à la renouveler. Toutefois, et compte tenu de la taille des émissions obligataires réalisées sur le marché, cet abattement sur la commission de visa de l’AMMC ne suffit pas, à lui seul, pour absorber le différentiel de coût engendré par la notation. Il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes complémentaires pour encourager le recours à la notation, sans pour autant la rendre obligatoire.

Les mesures à mettre en œuvre sont de plusieurs niveaux. Tout d’abord, pour s’attaquer à la question du coût, il s’agira de trouver des partenariats innovants pour mettre à la disposition des émetteurs des services de notation à un coût adapté, tout en préservant la qualité et la crédibilité des notations. Plusieurs pistes sont à l’étude dans ce sens. En outre, il s’agira aussi de stimuler la demande de la notation par les investisseurs. A cet effet, des règles prudentielles favorisant l’investissement en titres notés peuvent être envisagées, à l’image de la modification introduite en juin 2019 qui concerne les règles de composition des actifs des OPCVM et qui  leur accorde une plus grande flexibilité d’exposition sur les titres notés par rapport aux autres titres de dette.

Les investisseurs ont aussi besoin de transparence sur les conditions de marché pour prendre leurs décisions d’investissement de manière rationnelle. Ainsi, l’AMMC prend naturellement part aux différents projets de place qui visent cet aspect. Notamment l’amélioration de la courbe des taux de référence des bons du Trésor et la mise en place de mécanismes pour l’agrégation et la diffusion d’informations pertinentes concernant les transactions sur le marché secondaire des titres de dette. Ces deux projets sont fondamentaux pour favoriser une formation des prix efficiente sur le marché de la dette privée.

- En 2021, il est prévu que l’AMMC poursuive ses amendements du cadre légal et réglementaire des OPCVM. Qu'est-ce qui changera au niveau de cette industrie ? 

Le projet de texte de loi des OPCVM, en cours d’élaboration sous la supervision du Ministère de l’Economie et des Finances, est quasiment finalisé.

Il est prévu qu’il soit adopté cette année, ce qui permettra de donner un nouvel élan au marché des OPCVM avec le lancement de nouveaux produits tels les Exchange-traded funds (ETF), fonds indiciels cotés en bourse. Ce sont des produits simples, liquides et transparents dont la gestion consiste à répliquer un indice boursier et qui pourront attirer de nouveaux investisseurs vers le marché.

La nouvelle loi introduira également les OPCVM en devises et les OPCVM de finance participative et donnera la possibilité aux fonds d’investir dans des produits dérivés. Qui dit produits dérivés dit nouveaux risques, c’est pour cela que les règles prudentielles et de constitution applicables aux OPCVM seront différenciées selon la nature des investisseurs ciblés.

Seront ainsi créés des fonds à règles de constitution et de fonctionnement allégées qui seront réservés aux investisseurs qualifiés et pourront avoir de plus grandes allocations sur certaines classes d’actifs plus ou moins risquées.

Les sociétés de gestion qui seront dorénavant soumises à un agrément devront mettre en place un dispositif de gestion des risques intégrant des tests de résistance pour la simulation du comportement des fonds gérés en situation de crise. Elles pourront, par ailleurs, recourir à de nouveaux instruments de gestion du risque de liquidité tels les fonds de cantonnement où pourront être isolés des actifs présentant des sujets de liquidité ou de valorisation.

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