Lotfi Sekkat : L’année la plus difficile que les banques auront à vivre sera plutôt 2021

| Le 15/9/2020 à 17:36

Lors d'une web-conférence organisée ce mardi 15 septembre, CIH Bank a présenté ses résultats du premier semestre 2020. Son PDG Lotfi Sekkat a évoqué les risques et perspectives pour les banques dans un contexte pour le moins incertain à cause de la crise Covid-19.

Après une présentation des résultats du premier semestre de CIH Bank que Le Boursier a relayé dans un précédent article, Lotfi Sekkat s’est prêté au jeu des questions réponses. Il a notamment évoqué le risque accru sur le marché bancaire ainsi que l’évolution attendue de l’activité de la banque dans un avenir bouleversé.

Le plus dur est à venir

Malgré de bons indicateurs commerciaux au S1 2020, CIH Bank a été impacté par la crise de la Covid-19. Là où la répercussion s’est naturellement le plus fait ressentir, c’est bien sur le coût du risque. CIH Bank annonce dans ses résultats avoir provisionné pour plus de 410 millions de dirhams soit un coût du risque en hausse de 144,6%. « Il est important d’anticiper nos risques, c’est ce que nous avons fait au premier semestre, et nous allons continuer à le faire durant ce second semestre » prévient le PDG de CIH Bank. Et dans ses prédictions, Lotfi Sekkat tente d’être réaliste sur la situation économique à venir. « Il me semble que l’année la plus difficile que nous aurons à vivre sera plutôt l’année 2021 », lance-t-il.

Car si certaines entreprises ont pu bénéficier des mécanismes de financement garantis par l'Etat "Relance" et "Oxygène", tout le challenge du redressement reste à prouver. « A travers ces aides de l'Etat et le soutien des banques via les reports d’échéances, on peut dire qu’un certain nombre d’entreprises sont sous perfusion. L’effet de ces aides leur permettra de relever la tête en 2021, auquel cas le choc ne sera pas trop important. Si ce n’est pas le cas et que la crise perdure, ces entreprises souffriront énormément et nous aurons une année 2021 extrêmement difficile » poursuit le PDG de CIH Bank.

Le secteur immobilier à voir avec optimisme

Un risque d’autant plus accru que CIH Bank a un historique fort dans le secteur immobilier, dont les opérateurs ont été fortement affectés par la crise de la Covid-19. Malgré sa diversification, 51% des crédits octroyés par la société sont des crédits immobiliers. Sur le risque que la société encours dans ce segment, Lotfi Sekkat argumente : « Pour préciser, l’immobilier représente en effet la moitié de notre portefeuille, mais dedans, il y a le crédit aux acquéreurs et la promotion immobilière. L’exposition sur la promotion immobilière s’élève à une dizaine de milliards de dirhams ce qui représente à peu près le tiers de notre exposition sur l’immobilier au global ».

Durant la crise, le PDG le reconnait, il y a eu un effondrement de l’octroi de crédits immobiliers. Mais selon lui, la situation doit être regardée avec un œil plus optimiste. « Les mois de juillet et août ont marqué une reprise. Il y a certainement un effet rattrapage des mois d’inactivité. Nous observons septembre avec minutie pour voir s’il y a effondrement ou bien reprise. Mais nous restons optimistes car c’est le moment de faire des affaires, car l’ensemble de l’écosystème est conscient que c’est maintenant qu’il faut dynamiser le marché » explique Lotfi Sekkat.

Une anticipation maintenue du risque

L’autre risque pour les banques et établissements de crédits est bien le potentiel de défaut de paiement de la clientèle des particuliers, financièrement en souffrance. Mais sur ce point, Lotfi Sekkat apporte des explications encourageantes quant à la conjoncture actuelle. « Avec les reports accordés durant avril, mai et juin, nous avons été très vigilant quant à l’observation de la clientèle sur les mois de juillet et août. Je peux vous dire que le comportement de la clientèle a été très bon. Malgré sa vulnérabilité, elle a pu rembourser comme il le fallait. Certes, le taux d’impayés reste supérieur à la normale, mais dans une mesure tout à fait supportable et qui ne constitue pas une grosse inquiétude » explique le dirigeant. Quant à l’évolution du coût du risque sur le S2 2020, « il sera du même cru que celui du premier semestre, si ce n’est un peu plus élevé », annonce Lotfi Sekkat, mettant en exergue le besoin d’anticipation des risques à tous les niveaux.

Alors qu’aucune certitude de reprise n’est d’actualité malgré les légers signaux observés sur le début du T3, Lotfi Sekkat averti : « il n’y aura pas de phénomène de compensation sur le S2. Nous allons continuer à provisionner et constituer notre matelas pour anticiper une année 2021 compliquée. Cependant, il y a une réelle volonté de maintenir notre dynamisme commercial et de renforcer notre PNB qui nous permet de faire face à la crise sanitaire ».

D’autant plus que le dirigeant de CIH Bank a anticipé les répercussions de la chute du taux directeur de Bank Al Maghrib (BAM) sur les marges sur les intérêts. Un effet ressenti que très légèrement sur le S1, mais dont les répercussions ne devraient pas tarder. « L’activité bancaire est connecté eà l’économie, mais certaines décisions ont un impact qui se mesure dans le temps. Cette baisse du taux directeur se fera ressentir sur les taux des dépôts ou sur les crédits. Je pense que l’impact se fera beaucoup plus ressentir au second semestre ».

Retour à la « normale » à partir de 2022

A quand un retour à la normale sur le secteur ? Si aucune prédiction claire n’est établie côté CIH, le dirigeant se fie aux pronostics établis dans la presse internationale. « Pour les secteurs les moins vulnérables, il me semble que l’on parle d’un retour à la normalité vers fin 2021 début 2022. Pour les plus touchés par la crise, on parle d’une rémission vers 2023 ou 2024 » explique-t-il. Et pour lui, les banques ne dérogeront pas à la règle. « Le retour d'un coût du risque considéré comme normal serait probablement envisageable à partir de 2022 ou entre 2022 et 2024 » estime Lotfi Sekkat.

Au-delà de l'impact sur les ratios ou les finances de la firme, le changement apporté par le Covid-19 s’est aussi fortement ressenti en interne. « La crise sanitaire que nous vivons laissera des traces permanentes sur notre façon de travailler. Nous œuvrons désormais à distance majoritairement. Beaucoup de paramètres ont été redéfinis en entreprise et il faut apprendre à gérer ces risques. Selon moi, ce n’est pas un scénario de sortie de crise, mais un scénario de prise en compte de cette crise de façon permanente dans notre façon de faire » conclut le dirigeant.

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