La reprise post-crise sanitaire décryptée par Chami, Benhima et Mucetti

Ahmed Reda Chami, Driss Benhima et Serge Mucetti ont analysé les perspectives de la reprise post-crise sanitaire, lors d'un événement organisé par la CFCIM. Décryptage.

La reprise post-crise sanitaire décryptée par Chami, Benhima et Mucetti

Le 23 juillet 2020 à 16h50

Modifié 10 avril 2021 à 22h48

Ahmed Reda Chami, Driss Benhima et Serge Mucetti ont analysé les perspectives de la reprise post-crise sanitaire, lors d'un événement organisé par la CFCIM. Décryptage.

Le monde post-crise du Covid-19 préoccupe les experts qui essayent tant bien que mal d'analyser, et de décrypter pour donner des clés de lecture, dans un contexte marqué par une incertitude totale. Et c'est justement pour analyser les perspectives de la reprise post-crise sanitaire que la CFCIM a invité un panel de marque ce jeudi 23 juillet dans le cadre de la journée de lancement de sa nouvelle plateforme "My CFCIM".

D'emblée, l'ancien ministre Driss Benhima explique la difficulté qu'est celle de tous les experts sondés sur cette problématique. "C'est très difficile de prendre la parole par les temps qui courent, je suis sûr que si on réécoute nos interventions dans une année, on va se rendre compte des erreurs que nous avons commises dans notre appréciation de la situation, mais ceci ne veut absolument pas dire que nous devons nous interdire de réfléchir".

Tous les intervenants s'accordent sur le fait que cette crise est inédite, "la plus grande crise que le monde vit depuis celle de 1929, il faut juste voir les chiffres des personnes au chômage, des entreprises à l'arrêt, de la baisse du  PIB,... En mai 2020 au Maroc, plus de 950.000 personnes étaient au chômage technique, plus de 135.000 entreprises en arrêt de travail...", avance Ahmed Reda Chami, président du CESE. 

"Je reste assez inquiet. Le nombre d'individus qui vont être impactés au Maroc sera énorme. Malheureusement, beaucoup de personnes vont retomber dans la pauvreté. Des entreprises vont faire faillite, d'autres ne vont pas se déclarer en faillite mais vont être ce qu'on appelle des entreprises fantômes et vont continuer à exercer soit en tombant dans l'informel soit en subsistant", poursuit Chami.

Les impacts économiques et sociaux sont indéniables. D'où la question de savoir comment relancer la machine économique. Cette question est d'autant plus difficile qu'il faut y répondre sans avoir toutes les cartes en main. 

Les pistes de relance entre le rôle de l'Etat et la responsabilité des entreprises

"Pour relancer cette machine et sortir de cette crise qui est une crise de l'offre et de la demande, il y a d'abord la mobilisation des Etats qui doit être à la hauteur de la problématique que nous vivons. Au Maroc, l'Etat fait ce qu'il peut. Beaucoup de mécanismes ont été annoncés par exemple Damane relance, Damane oxygène. Il y a d'autres choses dans le pipe. Maintenant une de mes inquiétudes, c'est que la majorité de ces mécanismes se basent sur l'endettement des entreprises, un endettement qui était déjà assez important, car nos entreprises n'ont pas des fonds propres abondants", répond le président du CESE. 

"Mais l'Etat ne peut tout faire, l'entreprise elle-même doit être innovante, réduire ses coûts, aller chercher de nouveaux marchés...", ajoute-t-il.

Un avis que partage Serge Mucetti, Consul général de France à Casablanca, un des intervenants lors de l'événement du CFCIM. "A la lumière d'un retour d'expérience de ce que nous venons de vivre, l'entreprise reste le principal acteur de la relance", estime le consul général de France.

Pour ce dernier, "la relance ne consiste pas à jeter une nouvelle pelle de charbon dans la chaudière pour l'empêcher de s'éteindre et reprendre le cours des choses là où elles s'étaient interrompues. Il faut aller plus loin, la mise en perfusion des entreprises par les aides de l'Etat qu'elles soient financières, fiscales ou réglementaires n'est qu'une bouffée d'oxygène temporaire et non une drogue. Elles procurent de la trésorerie et évitent les conséquences sociales immédiates sur l'emploi, mais comme le dit un chroniqueur du Figaro "dépenser n'est pas relancer". 

Sur cette même question, Driss Benhima a un avis tranché. "C'est vrai que l'Etat a une responsabilité dans la relance économique mais sa première responsabilité c'est la solidarité sociale. L'appareil d'Etat marocain a marqué une fois de plus son efficacité dans le contrôle du confinement mais aussi dans la distribution d'aides directes aux ménages menacés". Ce rôle de solidarité sociale est d'autant plus important que les changements futurs impacteront le marché de l'emploi. 

"Nous allons vers une digitalisation et une robotisation de la production de plus en plus accélérée avec moins de personnes. C'est un mouvement qui s'étale dans le temps. La masse salariale représentait il y a quelques années entre 20 et 25%, elle est maintenant en dessous de 15%. On voit bien que la valeur du travail humain dans l'économie réelle s'amenuise d'où le problème qui a été évoqué de trouver des moyens d'assurer des revenus à ceux qui ne sont plus engagés dans l'activité économique pure", alerte l'économiste et ex-ministre. 

"Ce problème se posait déjà avant la crise, et probablement l'accélération digitale va l'accentuer. C'est-à-dire comment assurer des revenus légitimes à des populations, quand le plein emploi n'est plus un objectif réaliste. Ce sont des choses auxquelles le Covid nous oblige à penser ne serait-ce que parce que nous allons connaitre une chute du recrutement, une hausse importante du chômage et une crise sociale qui pose le défi de la solidarité", analyse Driss Benhima. 

Le Maroc, une base arrière de la relocalisation industrielle de l'Europe

La problématique de l'emploi n'est pas le seul défi qui a été mis à nu par la crise Covid. Il y en a d'autres, comme les énumère Serge Mucetti, Consul général de France à Casablanca. "La crise aura montré, combien certains secteurs d'activité prometteurs ont été dangereusement fragilisés comme c'est le cas du transport aérien, l'industrie aéronautique et le tourisme,...", explique le Consul général de France

"Elle a aussi mis en évidence les conséquences sociales, voire politiques, d'une dangereuse augmentation du chômage mais également la préoccupation de nouvelles pressions migratoires."

"La crise du Covid-19 nous a ouvert les yeux sur les effets pervers de la mondialisation dans sa forme actuelle (...) Le plus grave est que malgré quelques signaux faibles perceptibles ces dernières années, personne parmi les détracteurs les plus virulents de la mondialisation n'avaient imaginé un tel scénario". 

"La crise sanitaire aura fait prendre conscience combien nombre de chaînes de valeur ont créé de véritables dépendances, voire des aliénations ou des dérives comme par exemple en matière de fabrication de matériels médicaux ou paramédicaux ou de médicaments. Il y a là, un vrai problème de souveraineté économique mais également de souveraineté au sens le plus de large du terme. La crise aura également révélé la force de l'instinct de conservation et la vivacité de la tentation protectionniste", poursuit Serge Mucetti. 

Et pour finir, il préconise que "toute politique de relance ne peut être envisagée indépendamment d'une réflexion stratégique globale à long terme sur les nouvelles chaînes de valeur, la prise en compte de la transition climatique et de décarbonation, le développement durable...".

La perturbation des chaines de valeur est justement un des thèmes qui revient avec insistance notamment au Maroc, où il représente à la fois un risque et une opportunité. Pour tous les intervenants, il n'y a aucun doute qu'une reconfiguration des chaines de valeur mondiales aura bien lieu après la crise du Covid. "Donc une bonne partie de la production qui se faisait dans des pays lointains comme la Chine, va être rapatriée soit dans les pays eux-mêmes soit dans la région", analyse le président du CESE. "Moi je pense que ça sera dans la région et le Maroc peut être une terre d'accueil, une plateforme d'investissement pour ces industries qui devront se relocaliser au plus proche de l'Europe", poursuit-il.

Driss Benhima plaide aussi de son côté pour "une relocalisation en Europe d'activités qui étaient par exemple en Chine, tout en considérant le Maroc comme une base arrière de cette relocalisation". "Il y a la proximité géographique mais on peut parler d'autres facteurs. Un investissement européen au Maroc est un investissement contrôlé par les intérêts européens, il n'est pas sur le territoire européen mais il est entièrement entre les mains de ses actionnaires, compte tenu du libéralisme de l'économie marocaine. Ce qui n'est pas forcément le cas quand on va trop loin dans des contrées et des environnements économiques plus contraignants", argumente-t-il. 

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