Crise sanitaire : Le Maroc doit capitaliser sur la bonne réputation acquise pour négocier le virage post-Covid-19 (Fathallah Oualalou)

| Le 8/7/2020 à 14:53

Fathallah Oualalou souligne que le Maroc a bien géré la pandémie du Covid-19 et doit capitaliser et profiter de la bonne réputation acquise pour négocier son développement post-crise, dans le cadre d’une étude intitulée “Capitaliser sur les bonnes réputations”, publiée le 24 juin par le Policy Center of the New South.

Fathallah Oualalou, Senior Fellow au Policy Center of the New South, ancien ministre des finances et de l’économie, professeur d’économie et auteur de plusieurs ouvrages sur la mondialisation explique, dans le cadre de cette étude, que la bonne réputation d’un gouvernement est déterminée par son aptitude à faire face aux épreuves que traverse le pays, affronter les bouleversements qui le secouent et gérer les sorties de crise. 

A l’échelle des relations internationales, la réputation d’un pays donne une image sur sa capacité à rayonner au niveau de sa région, voire au-delà, et à s’adapter aux chamboulements de la mondialisation.

Maroc : la crise sanitaire est une occasion de capitaliser sur la bonne réputation acquise pour négocier le virage post-crise

Comme toute épreuve, la crise du Covid-19 accouche d’une grande opportunité. Dans ce sens, le Maroc a été parmi les pays en développement qui ont le mieux géré les conséquences de la pandémie. Il doit ainsi capitaliser sur la bonne réputation acquise pour négocier le virage post-Coronavirus.

La capitalisation sur la réputation acquise doit conduire le pays à améliorer sa capacité à négocier avec les bouleversements attendus de la mondialisation à travers trois orientations : 

- Le Royaume doit participer à la promotion d’un nouveau pôle régional qui regrouperait l’Afrique et l’Europe. Pour cela, il devra améliorer son attractivité pour tirer profit des mouvements de relocalisation et de re-régionalisation des activités économiques. Cette dynamique régionale doit être fondée sur une rénovation du partenariat euro-méditerranéen qui doit dépasser ses propres limites et s’ouvrir sur une logique de coproduction et de gestion commune des problématiques développement-migration-sécurité. Le Maroc doit ainsi, continuer à renforcer son ancrage en Afrique, en consolidant ses actions en faveur du développement alimentaire (grâce aux phosphates), de l’électrification, de la diversification du tissu productif et participer à la promotion de la Zone de Libre Échange continentale africaine. 

- Le Royaume doit s’ouvrir sur les espaces lointains en vue de diversifier les échanges extérieurs avec les deux Amériques : celle du nord, la première puissance économique et géopolitique du monde, et celle du sud, dans le cadre d’un triangle stratégique Europe-Afrique Amérique Latine, et avec l’Asie et toutes ses composantes.

- La maîtrise des rapports avec la proximité et avec les espaces lointains permettra au Maroc d’adhérer à la dynamique de la révolution technologique du 21e siècle, représentée par le numérique et l'intelligence artificielle, en rapport avec l’avènement d’un nouveau modèle de développement et la réalisation des réformes nécessaires dans le domaine de l’éducation et de la formation.

La crise sanitaire a mis en exergue sept chantiers à traiter au niveau mondial

Selon la même source, la rupture déclenchée par la crise sanitaire amènera tous les pays à s’attaquer à court, puis à long termes à sept grandes problématiques :

- Le financement des programmes de sauvetage et de relance : à cause de la crise sanitaire actuelle, les Etats vont s’endetter massivement pour financer leurs plans de sauvetage sanitaire et de relance économique. Pour aider les pays pauvres et en développement à gérer leurs dettes forcées du fait des contraintes de la crise sanitaire une concertation internationale, sous la conduite du G20 en association avec le FMI et la Banque mondiale par exemple, pourrait s’avérer nécessaire. 

"Une intervention solidaire est indispensable pour trouver une solution à cet endettement, aussi inattendu qu’exceptionnel, donnera à la communauté internationale une réelle crédibilité en matière de gestion du financement international." précise Fathallah Oualalou.

- Vers une nouvelle bipolarisation : la crise du Covid-19 va consacrer l’installation d’une nouvelle bipolarisation du monde autour de l’antagonisme entre les Etats-Unis et la Chine. La tension commerciale qui les oppose depuis 2017 a été intensifiée par la guerre sanitaire qu’ils se livrent. 

- La montée en puissance des nouvelles technologies : Dès le début du siècle, le numérique et l'intelligence artificielle sont devenus le pivot de la nouvelle révolution technologique menée par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), mais aussi par la robotisation de la production. La crise sanitaire et le confinement ont donné un élan aux instruments de cette révolution grâce aux grands progrès accomplis par le télétravail et l’organisation de toutes les formes de contacts à distance. Par conséquent et partout dans le monde, les réformes des systèmes d’enseignement et de formation doivent intégrer l’utilisation de ces technologies devenues des instruments majeurs des activités humaines, notamment dans le domaine de l’économie et de la transmission des données. 

- L'intérêt accordé à la proximité et à la régionalisation : La crise sanitaire a brisé les chaînes de valeur mondiales. Elle a révélé la dépendance des pays vis-à-vis des espaces lointains. Cette prise de conscience est favorable à la proximité et à la régionalisation. Une telle relocalisation, en réduisant le coût des distances, participerait à la décarbonisation. 

- Vers l’avènement d’une multipolarité et d’un multilatéralisme rénovés: Si la crise de 2008 avait nourri les populismes et favorisé le recul du multilatéralisme, celle de 2020 devrait créer plus de coopération internationale sur les dossiers de la santé et de l’environnement. Et, finalement, sauvegarder le multilatéralisme, le rénover et créer les conditions de plus d’équilibres pouvant se traduire par l’émergence d’une multipolarité. C’est, en effet, par la multipolarité que le système mondial pourrait s’acheminer vers plus de partage et d’équilibre. 

 - La gestion nécessaire des biens communs : La crise de la Covid-19 a contraint les politiques publiques à revenir sur les normes orthodoxes de la macro-économie. La nouvelle épreuve que vit le monde conduira à l’ouverture sur des opportunités pour réorienter les politiques publiques au service de ces biens communs : La santé, l’éducation, l’équité et l’environnement, qui sont un même combat. Cela implique certainement l’introduction de nouvelles catégories d’analyses dans la sphère scientifique de l’économie politique. Celle-ci ne peut plus être fondée seulement sur le court terme, ou sur la recherche exclusive de la productivité et des profits à tout prix. Elle devra désormais prendre en compte de nouvelles exigences que sont la protection de la santé humaine et la sauvegarde de l’environnement. La recherche de l’efficience n’exclut pas celle de l’équité. 

- La problématique de l’iniquité : Tous les indicateurs ont montré que l’accélération de la mondialisation a produit une exacerbation des asymétries entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci. La crise sanitaire a mis en lumière de nouveaux aspects de cette iniquité. Partout dans le monde, les victimes de l’épidémie appartiennent majoritairement aux sphères les plus fragiles et les plus marginales.

 

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