Communication financière des émetteurs pendant la crise : peut mieux faire
Les entreprises cotées à la Bourse de Casablanca ont fait preuve d’adaptation en cette période de crise mais il y a encore des améliorations à apporter en matière de communication financière.
La crise engendrée par le Covid-19 a coïncidée avec une période charnière pour les émetteurs (période de publication des résultats annuels et trimestriels, réunions des organes de gouvernance et des conseils d’administration, les assemblées générales).
Comme souligné par Omar Amine, associé fondateur du Cabinet de Conseil O Finance, lors du Webinaire organisé ce vendredi 26 Juin par la Bourse de Casablanca sous le thème : «La communication financière en temps de crise» ; « c’était la période de concrétisation de tout le travail fait par les directeurs financiers et les responsables de communication financière (…) C’était [l’année 2020, ndlr] attendu comme une année de fête tenant compte d’un certain nombre de réformes qui ont été faites ces dernières années, leur aboutissement était prévu pour cette année ».
Mais, avec le déclenchement de la crise en cette année, « les entreprises géraient des difficultés propres à leurs activités. Il fallait gérer la crise, l’activité d’exploitation, les problèmes de trésorerie, le flux de commercialisation, etc. Il est très difficile dans ce contexte de communiquer », commente cet intervenant.
Globalement, en cette période de crise, « les émetteurs cotés ont fait preuve de résilience et d’adaptation aux contraintes de la crise », observe-t-il.
Malgré le contexte global contraignant, tous les émetteurs ont publié à temps les communiqués trimestriels, avant le délai réglementaire du 30 mai, à l’exception de 2 émetteurs. Ces émetteurs ont également utilisé des plateformes électroniques des journaux d’annonces légales, leur site web et le site de la Bourse de Casablanca et celui de l’AMMC afin de diffuser leurs résultats.
Toutefois, « les communiqués trimestriels publiés n’ont pas apporté d’informations pertinentes et chiffrées sur l’impact du Covid-19. La majorité des émetteurs se sont limités à un communiqué trimestriel d’une page, contenant le minima exigé par l’AMMC », souligne-t-il.
Selon Omar Amine, « c’est une opportunité manquée ». Les émetteurs auraient pu développer davantage leurs publications afin de communiquer sur les actions menées par l’entreprise auprès de ses salariés, de ses clients et fournisseurs afin de montrer comment la crise est gérée. Il a donné l’exemple de la France où le communiqué trimestriel est à une moyenne de 10 pages.
Cet intervenant a également soulevé l’absence de prise de paroles significative des dirigeants pour expliquer et rassurer les actionnaires et les investisseurs sur les actions réalisées.
En analysant les publications trimestrielles des sociétés cotées à la bourse de Casablanca en cette période de crise, Omar Amine a distingué 5 catégories d’émetteurs :
Catégorie 1 : 45 émetteurs ont évoqué un impact négatif du Covid-19 sur leurs résultats (AWB, CIH, CTM, SNEP,…) ;
Catégorie 2 : 17 émetteurs n’ont mentionné aucun impact (Marsa Maroc, HPS, S2M, Cosumar…);
Catégorie 3 : 4 émetteurs ont souligné un impact positif du Covid-19 (Microdata, Dari Couspate, Promopharm et Sothema) ;
Catégorie 4 : Emetteurs en cours d’étude de l’impact du Covid-19 (Atlanta, Nexans, Afma et Maroc Leasing) ;
Catégorie 5 : 3 entreprises ont publié un Profit warning.
Perspectives et recommandations
Dans les prochaines semaines, l’agenda des Conseils d’administration sera compliqué vu que les activités reprennent après une phase de plateau. Dans ce contexte, il faut accélérer l’amélioration de la communication financière des émetteurs.
« Il faut imaginer tous les horizons de sortie de crise en terme de réflexion stratégique », pense Omar Amine.
Selon lui, il faut également revoir le paysage concurrentiel. « Cette crise va accélérer les transformations. Il va y avoir des entreprises qui vont fermer. Les positions concurrentielles de plusieurs sociétés vont complétement changer ».
Il est important de prendre en considération les tendances société post-covid. « La crise du Covid a changé le mode de consommation. L’impact du digital est devenu très important. Les entreprises vont devoir s’adapter à cette nouvelle tendance ».
La publication des résultats semestriels doit être une occasion pour les émetteurs de sortir du strict canevas de la circulaire de l'AMMC et d’informer les actionnaires et investisseurs de l’impact chiffré de la crise et les perspectives à court et moyen terme. L’utilisation des possibilités offertes par le Digital est fortement recommandée.
Omar Amine attire l’attention des émetteurs sur la nécessité de publier des profit warning à temps et, aussi, sur le risque de tomber dans des délits d’initié. « Faites attention si les résultats sont en nette décorrélation par rapport aux prévisions initiales, il faut publier des profit warning. N’attendez pas fin septembre pour dire qu’il y a des baisses des résultats (…) les profit warning sont là pour informer les investisseurs mais aussi pour protéger les dirigeants ».
« Entre le moment d’arrêt des comptes à fin juin et la période de publication à fin septembre, des résultats peuvent circuler et on peut se retrouver dans des zones de délit d’initié», souligne-t-il.
La prise de parole des dirigeants reste très prioritaire dans ce contexte pour répondre aux attentes de toutes les parties prenantes (collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires et investisseurs). « Quand on est en pleine crise, des fois on aimerait bien écouter le pilote de l’avion pour savoir si l’avion va arriver à bord ou pas», donne-t-il comme métaphore pour montrer l’importance de la prise de parole des dirigeants.
Afin de bien communiquer en cette période de crise, les émetteurs doivent aussi mettre en place des procédures de communication financière en interne afin de pouvoir publier un calendrier de communication financière prévisionnel ; communiquer correctement et à temps autour des informations importantes et bien gérer les profit warning.
Il faut également optimiser les procédures de clôture des comptes pour gérer efficacement le calendrier des réunions des Conseil d’administration et des Assemblées générales ainsi que les dates limites de publication du rapport financier annuel. Omar Amine recommande aux émetteurs de toujours clôturer l’agenda n-1 au maximum à fin avril afin de laisser une pause pour les équipes avant les publications trimestrielles à fin mai.
Omar Amine appelle les émetteurs à impliquer et renforcer le rôle des organes de gouvernance et du comité audit dans le processus de communication financière et, aussi, à renforcer le dispositif de déontologie boursière pour anticiper tous les risques d’informations privilégiées et de délits des initiés.
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