Récit: comment s'organise la lutte anti-Covid-19 à Casablanca

Au cours de la journée du 24 avril 2020, l’auteur de ces lignes a pu assister à plusieurs réunions sur le front du Covid-19, tenues à la wilaya de Casablanca: réseau des polycliniques CNSS, cliniques privées, opérateurs du tourisme, consultations psychiatriques et psychologiques à distance…

Récit: comment s'organise la lutte anti-Covid-19 à Casablanca

Le 28 avril 2020 à 20h34

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

Au cours de la journée du 24 avril 2020, l’auteur de ces lignes a pu assister à plusieurs réunions sur le front du Covid-19, tenues à la wilaya de Casablanca: réseau des polycliniques CNSS, cliniques privées, opérateurs du tourisme, consultations psychiatriques et psychologiques à distance…

Voici une tentative de récit reconstituant quelques pages de ce qui pourrait être un carnet du Covid19 dans la ville blanche. Un récit forcément parcellaire.

Le vendredi 20 mars fût un jour différent. En début d’après-midi, les mosquées étaient restées fermées (*). A 18H, le silence s'est abattu sur la ville. Le confinement obligatoire venait d'entrer en vigueur.

L'entrée en confinement fut un grand silence et une introspection.

Ce vendredi 20 mars, nous sommes au 19e jour de la propagation du virus ; le compteur n’affiche que 79 cas. Des cas importés dans un pays où toutes les frontières sont fermées depuis le dimanche précédent.

Ce n'est pas ce chiffre ; c’est plutôt la succession de décisions inattendues et drastiques, ce "verrouillement" inexorable, qui donne une tonalité dramatique à la succession des jours. Une tonalité qui dessille les yeux sur le danger qui menace.

En ces journées où le Maroc essaie de contenir et de détecter précocement les cas importés, Casablanca est déjà en première ligne. Le premier cas enregistré au Maroc le 2 mars le fut ici, première ligne sur le front sanitaire, pour la fabrication future de masques (on ne le savait pas encore), pour le risque de propagation (zones industrielles)…

 Capacité hôtelière

La réponse marocaine au Covid-19 se résume en deux points : la capacité de prise de décision et l'anticipation.

Samedi 21 mars, le wali de la région est au téléphone. Il recherche de la capacité hôtelière volontaire, pour se préparer à une éventuelle grosse vague de Covid-19.

Le schéma qui se met en place est martial ou presque: le personnel hospitalier de première ligne, doit être hébergé aussi près que possible des centres de soins ; il doit être transporté, nourri et blanchi. De fait, et jusqu’à aujourd'hui, il y a constamment une capacité de réserve ; en matière d’hébergement, de transport, comme pour les médicaments ou les lits d’hôpital.

Emotions

Saïd Ahmidouch nous dit quelques-unes de ces émotions humaines qui l'ont atteint:

Ce samedi 21 mars, le lendemain de l'entrée en vigueur du confinement obligatoire. Le wali contacte l’un des fils Chaâbi et lui demande une capacité d’hébergement de ses hôtels au profit de la lutte anti-Covid 19. Quelques minutes plus tard, 50 chambres sont mises à la disposition de la Ville. “Je tiens à citer les noms, parce qu’il faut leur rendre hommage“, répète Ahmidouch devant nous, à plusieurs interlocuteurs différents.

Chaâbi est le premier à accepter. Tout le complexe Mogador qui appartient au groupe Ynna, avec ses deux hôtels de l’avenue des FAR est dédié à la lutte contre le Covid.

Un second hôtel vient toquer de lui-même à la porte. Il s’agit du Diamond, un 5 étoiles de l’avenue Hassan II, qui a le bon goût d’être situé à moins d’un kilomètre du CHU Ibn Rochd.

Dans les heures qui suivent, ce sont Mohamed Berrada, l’ex-ministre des Finances et Omar Kabbaj, l'hôtelier, qui se joignent aux volontaires. La résidence hôtelière Meliber, qui appartient à Mohamed Berrada, est située sur le Bd Moulay Youssef, à proximité de l’hôpital régional Moulay Youssef... construit par son propre père !

De son côté, Omar Kabbaj met à la disposition des autorités un hôtel Barcelo et ses 82 chambres.

De la part des opérateurs du tourisme, les bonnes nouvelles sont nombreuses : au 24 avril, il y avait 30 hôtels et 3.000 lits qui étaient mis à la disposition des autorités, ainsi qu’une centaine de voitures de location et des minibus de transport touristique.

Dès dimanche 22 mars, la wilaya a pris possession des premiers hôtels. “Nous avons pris les bâtiments et les draps, c’est tout, nous nous sommes occupés de tout le reste, la restauration, la buanderie pour laquelle un protocole spécial a été rédigé". Tout ce qui concerne les hôtels a d’ailleurs fait l’objet d’une procédure, transmise à d’autres villes : la circulation à l’intérieur, l’arrivée et le départ des ambulances, la gestion des déchets avec des bacs spécifiques colorés, la désinfection, les heures de débarras, le changement du linge, les restrictions d’accès… Un secteur sinistré, qui n’avait (qui n’a toujours) aucune visibilité et qui s’est rapproché des autorités pour dire : "nous aimerions contribuer à l’effort collectif".

Pareil dans le cas des polycliniques CNSS ou presque. Ahmidouch répète presque les mêmes mots: "je veux l'avoir dans 3 jours, ne me parlez pas de 15 jours, donnez-moi juste le restant à faire en matière d'aménagement et on s'en occupe".

Idem pour certaines cliniques : Vinci, Anoual et Yasmine sont candidates dès le début. Les deux premières sont dédiées au Covid et la troisième soulage la pression sur les hôpitaux publics en prenant gracieusement des patients non-Covid qui relevaient du périmètre de l’hôpital de Hay Hassani désormais réservé au Covid-19.

Les professionnels de l’hébergement ou de la santé ne sont pas les seuls. La solidarité est quotidienne et ... envahissante presque. Les dons en nature arrivent toutes les heures. Les premiers donateurs sont Centrale Danone et Cosumar. Le lait, le sucre, l’huile, la farine, les produits d’hygiène, l’eau.. Tout est réparti entre les préfectures de la région, des dizaines de milliers de paniers sont distribués par les autorités locales et le tissu associatif.

Le Pr Jaâfar Heikel, DG de la clinique Vinci, dira au cours d’une réunion officielle : “depuis que nous avons été volontaires, je me sens santé publique. Nous n’avons pas pris un seul malade qui ne serait pas adressé par la Santé“. 

Nourriture fournie par Rahhal, hôtels 5 étoiles (pas tous) mais ce n’est pas le club Med. Derrière la vie quotidienne, des drames et des douleurs, des moments d’intense émotion, ponctuent les heures. On en devine quelques-uns, on en croise d’autres.

Saïd Ahmidouch nous en rapporte. Son émotion est très forte lorsqu’il évoque les premiers hôtels donnés de bon cœur par leurs propriétaires. Elle l’est beaucoup plus, et devient visible, lorsqu’il s'agit d'une victime très connue du Covid-19, l'industriel Fadel Sekkat. Sa grand-mère (d'Ahmidouch) répétait que les meilleurs partent toujours les premiers. "Elle avait raison". Ahmidouch se rappelle de Fadel Sekkat et de sa “profonde bonté“ ; de l’apport discret, presque secret, qui avait été le sien, pour sauver les pensionnaires du centre social de Tit Mellil.

Plus cocasse, le cas de ce malade en bonne voie de guérison et qui a décidé de poursuivre son isolement chez lui, dans sa chambre, sans l'autorisation des médecins. Ce qu'il n'a pas prévu, c'est que les autorités viendraient le convaincre de revenir.

Plus triste, une maman dont le jeune enfant est atteint de Covid-19, qui refuse de le quitter et qui finalement se fait hospitaliser avec lui, avec la tenue de cosmonaute du personnel de première ligne. L’histoire se termine bien, il était vendredi 24 avril, en bonne voie de guérison.

Au final, une épreuve surmontée en commun cimente une collectivité, encore plus une nation. Une sorte d'économie du don a vu le jour. Les initiatives, l'inventivité ont été nombreuses. Aujourd'hui, nous sommes tous certainement un peu plus marocains qu'avant le Covid-19. Demain, libérez les énergies, ce pays fourmille d'individualités qui ne demandent qu'à s'engager. Quant à la main invisible du marché, elle a besoin d'un bon coup de gel hydroalcoolique.

(*) La fermetures des mosquées a été décrétée le 16 mars.

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