Réforme sociale : La crise va accélérer le chantier du ciblage (HCP et BM)

La crise actuelle et la réponse apportée par le gouvernement vont certainement donner un coup d'accélérateur à la réforme sociale notamment dans sa composante ciblage. Ahmed Lahlimi et la Banque mondiale en parlent à Médias24.

Réforme sociale : La crise va accélérer le chantier du ciblage (HCP et BM)

Le 5 avril 2020 à 16h18

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

La crise actuelle et la réponse apportée par le gouvernement vont certainement donner un coup d'accélérateur à la réforme sociale notamment dans sa composante ciblage. Ahmed Lahlimi et la Banque mondiale en parlent à Médias24.

Tout le monde s'accorde à dire que si le chantier de la réforme sociale avec les registres national et social avait été achevé, la mise en place de l'aide monétaire directe en faveur des personnes affectées par la crise du Coronavirus aurait été une tâche facile. 

La problématique du ciblage a toujours été le frein à toute réforme sociale. Passer de la caisse de compensation des produits de première nécessité à une aide directe aux familles nécessiteuses semblait être un problème insoluble jusqu'à ce qu'entre 2018 et 2019, ce chantier prenne une tournure plus concrète. Le gouvernement a arrêté un procédé de ciblage, le choix technologique ainsi que la gouvernance qui sera adoptée. 

La réforme sociale s'articule, pour rappel, autour de deux outils principaux : un registre national de la population (RNP) avec un numéro d'identification unique (NIU) et un registre social unifié (RSU).

Le premier est une base de données numérique de toute la population marocaine qui permettra par la suite de digitaliser une grande partie des services administratifs. Le second est un registre des populations qui bénéficieront des aides sociales de l'Etat. Ce dernier est le socle de la politique sociale telle qu'elle est envisagée à l'avenir. Dans la réforme, c'est le citoyen qui s'enregistre sur le RSU en indiquant un ensemble de données socio-économiques qui seront recoupées et confrontées aux critères d'éligibilité fixés pour chaque programme.

Le chantier, piloté par le ministère de l'Intérieur, avançait selon le calendrier convenu. Mais il a été rattrapé par cette crise sanitaire qui a pris le monde au dépourvu. Mais à quelque chose malheur est bon... Et si la crise actuelle servait finalement d'accélérateur à la réforme sociale, notamment dans sa composante de ciblage ? 

Lahlimi : la crise permettra une meilleure connaissance des ménages 

"La situation actuelle est exceptionnelle, ceux qui avait un travail l'ont perdu, d'autres qui bon an mal an arrivaient à joindre les deux bouts en exerçant des activités plus ou moins formelles, sont confinés et ne peuvent donc plus accéder à leurs sources de revenus. Ce qui a conduit l'Etat à mettre en place des solutions exceptionnelles en essayant d'identifier les personnes qui ont besoin d'aide par tous les moyens possibles. C'est-à-dire par le réseau des agents d'autorités locales, par les associations, par les statistiques quand elles sont suffisamment désagrégées... Une jonction d'indicateurs qui ont permis de mobiliser des aides directes aux familles", commente Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au plan, joint par Médias24

"L'avantage c'est que cela permettra une meilleure connaissance directe des ménages, alors que nous avions jusqu'ici uniquement des statistiques. Certes ces statistiques sont suffisamment précises pour avoir une idée sur cette population, on pouvait même préciser le niveau de pauvreté dans un territoire donné, des fois jusqu'aux groupements de douars, mais elles ne permettaient pas d'identifier individuellement les bénéficiaires potentiels", poursuit notre interlocuteur. 

"Dans notre travail, nous avons été amenés à adopter une formule de scoring pour désigner les personnes éligibles. Il fallait par la suite trouver une solution pour les identifier. A un moment, il était question que les citoyens s'auto-déclarent. Maintenant, je crois que nous allons sortir de cette crise avec une base de données de cette population", ajoute Ahmed Lahlimi. 

En d'autres termes, l'Etat et le ministère de l'Intérieur prennent une grande avance sur le chantier de l'identification des personnes dans le besoin, certes dans la douleur et avec un important risque qu'une partie de l'aide soit détournée. 

A la fin de cette crise, ils disposeront d'une base de données avec toutes les informations nécessaires pour toucher cette population cible. C'est une grande opération de collecte des données grandeur nature qui est en train d'être menée par le gouvernement. 

Cela dit, cette base de données sera amenée à être affinée et traitée : "La crise actuelle fait que des personnes qui n'auraient jamais été éligibles à l'aide de l'Etat le sont aujourd'hui car elles sont dans la nécessité. Aujourd'hui nous n'avons pas le temps pour se demander est-ce que telle personne respecte tel critère", analyse le Haut-commissaire au plan.

"C'est pour cela qu'aujourd'hui, quels que soient les critères utilisés et les canaux de distribution, ils seront bons parce que globalement ceux qui étaient il y a une année éligible à une aide en temps normal, aujourd'hui ils le sont davantage car ils en ont vraiment besoin. La notion de scoring pour déterminer qui est éligible et qui ne l'est pas, disparaît", poursuit Lahlimi. Cette notion de scoring rejouera son rôle après un retour à la normale, quand le dispositif d'aide exceptionnelle prendra naturellement fin.

Banque mondiale : Le Maroc disposait de bonnes bases pour apporter une réponse rapide à la crise

Sur ce registre, Emil Tesliuc, Economiste principal à la Banque mondiale joint par Médias24, rappelle que "le Registre social unique (RSU) s’appuiera sur une formule de ciblage mise à jour pour assurer une meilleure couverture des personnes vulnérables et un meilleur ciblage de l’appui public. Des programmes comme RAMED, Tayssir et DAAM utiliseront d’ailleurs cette nouvelle formule de ciblage. À l'avenir, tous les programmes de filets sociaux s’appuieront sur le RSU pour évaluer le niveau de consommation par habitant pour les ménages prétendant aux aides sociales". 

"Nous espérons que la mise en œuvre du projet par le gouvernement accélérera considérablement la capacité du Maroc à disposer de l'infrastructure numérique nécessaire pour soutenir la réponse actuelle à la crise et ouvrir la voie à un accompagnement complémentaire post-crise pour les personnes fragilisées", ajoute-t-il tout en concédant "qu'un registre de la population fiable et précis permettant une authentification numérique de la population, aurait fortement aidé pendant cette crise".

Pour lui, "cette crise peut donner l'impulsion nécessaire pour accélérer la mise en œuvre du registre social afin de soutenir une réponse plus rapide et plus efficace". 

Par ailleurs, il serait faux de penser que la réforme entamée n'a pas aidé dans ce qui est actuellement entrepris par les ministères des Finances et de l'Intérieur.

A en croire Emil Tesliuc, "avant l’avènement de la pandémie du Covid19, le Maroc disposait de bonnes bases du point de vue du dispositif d’assistance sociale, qui lui ont d’ailleurs servi pour accélérer la riposte à la crise".

"Le processus d'élaboration de la stratégie de la protection sociale (PS) et du plan d’action en découlant a fourni des informations à jour sur les programmes de PS relevant des ministères et agences concernés. Trois programmes de filets sociaux (le RAMED, Tayssir et DAAM) s’appuyaient sur la base de données RAMED pour les critères d’éligibilité, faisant de celle-ci de facto la version 0 du registre social. La base de données RAMED compte environ 11 millions de bénéficiaires, soit 3,9 millions de ménages. Entre ces trois programmes, le Maroc couvrait un peu plus du tiers de la population éligible au soutien de l’Etat", ajoute Emil Tesliuc. 

Justement, pour débloquer rapidement les aides aux familles impactées pas la crise, l'Etat a décidé de s'appuyer sur la base de données des Ramédistes dans une première phase. 

Selon la Banque mondiale, qui pour rappel assiste le gouvernement dans le projet de mise en place du Registre social Unifié, "le RAMED couvre environ la moitié des travailleurs du secteur informel affectés par la politique de confinement. Pour les travailleurs informels non inclus dans le RAMED, le gouvernement envisage un recours à des applications numériques pour tenter de cibler les bénéficiaires et ceci est en cours de finalisation cette semaine". 

Notre interlocuteur au niveau de la Banque mondiale assure que "dans la région MENA, le Maroc fait figure de pionnier en fournissant un soutien aux travailleurs affectés par la pandémie, aussi bien dans le secteur formel qu’informel. C'est un exemple dont d'autres pays cherchent à tirer des enseignements". 

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