Financement des TPME : la Bourse, la grande absente
Gouvernement, banques, patronat, Fonds Hassan II, CRI, CCG… Le nouveau programme de financement des TPME mobilise un large écosystème. Tout sauf le marché des capitaux, qui dispose pourtant d’un compartiment spécial pour ce type d’entreprises.
Initié par le Roi, le programme Intelak d'appui et de financement des entreprises mobilise toutes les énergies. Pour la première fois, gouvernement, banques, patronat, établissements publics, CRI... sont mobilisés pour réussir ce challenge.
Sur le volet financement, le programme (qui comprend aussi de l'accompagnement) a été construit exclusivement autour du crédit bancaire, avec la mise en place de conditions de taux avantageuses, de procédures simplifiées, de généreuses lignes de refinancement et de mécanismes de garantie attractifs. Ceci est susceptible de couvrir une large population d’entrepreneurs, estimée à 1 million de personnes, pour un financement global allant jusqu’à 56 milliards de dirhams sur trois ans.
La Bourse de Casablanca a été ainsi la grande absente de cette réflexion. Si le financement désintermédié ne peut pas tout couvrir, il peut néanmoins constituer une alternative au financement bancaire. Et couvrir une partie des besoins, notamment celles des entreprises exportatrices vers l'Afrique (les auto-entrepreneurs, jeunes diplômés, informel ne pouvant accéder au marché boursier). Surtout que la place de Casablanca est depuis quelques mois outillée pour cela.
Un marché dédié et des conditions d’accès allégées
Dans son nouveau règlement général, entré en vigueur en décembre 2019, la Bourse de Casablanca a prévu la création d’un marché alternatif s’adressant exclusivement aux petites et moyennes entreprises. Un marché où les conditions d’accès et les exigences en termes de taille, de montant levé et de communication financière ont été allégées.
Il s’adresse à toute entreprise dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500 MDH et dont les effectifs sont inférieurs à 300 personnes. Le total bilan ne doit pas dépasser les 200 millions de dirhams. Le spectre est très large et concerne la grande majorité des entreprises marocaines. Celles-ci n’ont plus l’obligation de justifier de trois exercices certifiés, mais seulement d’un bilan. Mais en face, elles doivent lever au moins 5 MDH en actions. Ou 20 MDH quand il s’agit de titres de créance (obligations ou titres de trésorerie).
Les conditions d'accès au marché alternatif de la Bourse de Casablanca peuvent être consultées ici.
Ce marché s’adresse bien sûr à des entreprises, petites ou moyennes, mais qui doivent être structurées, dotées d’une stratégie de développement, d’un business plan réaliste et d’un management capable de mener cette stratégie à bout.
Pour avoir un crédit bancaire, il faut convaincre son banquier, présenter les garanties nécessaires, tisser une relation de confiance… En Bourse, c’est le grand public et les investisseurs qualifiés qu’il faut convaincre. Il faut pour cela un projet solide. De la transparence financière. Et une stratégie de développement claire, ambitieuse et réaliste, qui soit portée par un management fiable. Ce sont en vérité les principales conditions pour accéder à cette source abondante de financement.
En plus de tous les avantages classiques d’une IPO (notoriété, label de bonne gouvernance, accès facile au financement, institutionnalisation du projet…), lever aujourd’hui de l’argent sur le marché boursier donne droit également à des exonérations fiscales assez intéressantes : on ne paie que 50% de l’IS dû pendant les 3 exercices suivant l’introduction en Bourse, si on s'introduit par augmentation de capital de 20% minimum, contre 25% de l'IS en cas de cession d'actions.
Une occasion ratée pour faire la pédagogie du marché
Cette offre alternative ne couvrira pas bien sûr toute la population ciblée par le programme lancé par les autorités.
Car l’accès au crédit reste le plus simple. Il est en tout cas le plus répandu, le plus populaire. La Bourse est peu connue, voire méconnue, du grand public. Et elle fait peur aussi : on croit que c’est un marché réservé à l’élite. Une barrière psychologique plus qu’autre chose.
Le programme gouvernemental s’adresse aussi à une large population, qui ne peut être touchée que par les banques : auto-entrepreneurs, jeunes diplômés, acteurs de l’informel, micro-entreprises … mais il y a aussi les entreprises exploratrices vers l’Afrique. C’est surtout ces dernières qui auraient pu être ciblées par l’offre alternative de la Bourse. Surtout que le programme lancé par les banques et le gouvernement ne fixe pas de plafond pour leur financement : fixé à 1,2 MDH pour toutes les catégories, il est illimité pour les entreprises exportatrices. Elles sont donc éligibles au marché alternatif de la Bourse de Casablanca.
Ainsi, le lancement de ce méga programme aurait pu être l’occasion de faire la com’ du marché des capitaux et de son compartiment alternatif dédié à la PME. Surtout qu’il y a de belles success stories à mettre en avant. Des histoires de PME qui ont franchi le pas, levé de l’argent, tenues leurs promesses de développement et atteint de nouveaux paliers de développement aussi bien au Maroc qu’à l’international.
C’est le cas de HPS, de Dari Couspate et d’autres. Il y a bien sûr les déceptions. Des entreprises qui ont promis au marché monts et merveilles et qui ont périclité par la suite. Mais c’est cela un marché boursier. Il faut parler des succès mais aussi des échecs. Ne surtout pas essayer de les cacher, de les relativiser. Mais s’appuyer dessus pour faire la pédagogie du marché : accepter de prendre des risques, c’est la nature même d’un investissement en capital. C’est la loi du marché, on ne peut la changer.
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