La corruption vue par le FMI

Mouna Ettazy | Le 19/4/2019 à 15:55

La corruption était au cœur de la revue financière du Fonds monétaire international pour 2019. Dans le cadre des réunions du printemps du fonds, nous avons pu interviewer Paolo Mauro, directeur adjoint du département des finances publiques du FMI sur le cas marocain et sur les stratégies à suivre pour lutter contre ce phénomène.

Lors de la conférence de presse de la revue financière et fiscale du Fonds monétaire international (FMI), qui s’est tenue le mercredi 10 avril à Washington, le sujet de la corruption a été largement débattu.

Vitor Gaspar, directeur du département des finances publiques, a souligné que ’’de précieuses ressources financières s’échappent à cause de la corruption. La lutte contre ce phénomène exige une volonté politique durable et une réforme durable des institutions et des pratiques’’.

Vitor Gaspar trouve que ‘’pour la plupart des pays, mettre de l'ordre dans leurs finances publiques signifie se préparer au prochain ralentissement économique ou à la prochaine crise financière. La politique budgétaire nécessite également une mise à niveau. Le gouvernement aurait tout intérêt à adopter des politiques fiscales plus intelligentes et plus souples pour faciliter les changements face aux mutations technologiques rapides, à la mondialisation et à la démographie’’.

Au Maroc, les choses commencent à changer. Spécialement après la création du comité national de lutte contre la corruption. Mais il reste beaucoup de travail à faire. 

Paolo Mauro, directeur adjoint du Département des finances publiques du FMI, rencontré à Washington dans le cadre des réunions du printemps 2019 du FMI, nous parle des stratégies à mettre en place au Maroc afin de lutter contre la corruption ? 

- LeBoursier ; Sur la base de l'indice de la corruption établit par Transparency international, le Maroc a amélioré son classement mondial au niveau de l’Indice de perception de la corruption (IPC) établi par Transparency International, en passant de la 81e place à la 73e sur 180 pays étudiés. Mais la réalité montre que le pays a encore beaucoup de chemin à parcourir pour lutter contre la corruption. Que peut faire le gouvernement marocain pour faire face à ce problème et améliorer l'économie?

Je voudrai premièrement souligner qu’il est très difficile de mesurer la corruption avec précision, tout simplement parce que ce phénomène est généralement caché. 

C’est vrai qu’il y a plusieurs évaluations du niveau de la corruption dans les pays établies par des organisations, mais je voudrai me concentrer sur l’utilisation de ces données.

Ces évaluations sont basées sur les perceptions des hommes d’affaires ou des investisseurs. Elles sont généralement basées sur des sondages. On peut en tirer quelques indicateurs qui peuvent être pertinents. 

Toutefois, quand on accorde trop d’attention au changement de classement de la corruption d’un pays d’une année à une autre cela biaise un peu la perception générale de ce phénomène

Ces statistiques ont de l’importance. D’ailleurs, nous les utilisons pour nos travaux. Mais quand nous établissons nos statistiques, nous prenons ces indicateurs de corruption et nous les rassemblons par exemple avec la taxe sur le revenu. Nous remarquons ainsi que les pays les plus corrompus collectent moins de taxe sur le revenu par rapport au pays les moins corrompus. La différence est flagrante. Elle peut atteindre 4% du PIB des pays.

C’est une richesse qui peut être investie dans le secteur de l’éducation ou de la santé 

Il y a un autre indicateur qui attire notre attention : l’efficience des investissements publics est moindre dans les pays corrompus. Nous nous focalisons donc sur les dépenses de l’Etat en matière d’infrastructures et de services publics et de santé de pour les comparer par la suite avec le nombre des services et des départements et des hôpitaux effectivement construits. Nous remarquons alors que l’écart est grand dans les pays corrompus.

Nous analysons également l’impact sur le niveau de l’éducation des élèves et surtout les résultats des tests de mathématique. Dans les pays les pays les plus corrompus, les notes de ces tests sont les plus bas.
Tous ces éléments augmentent le coût de la corruption. 

- Que peut-on faire face à ce phénomène ? 

Il y a trois leviers sur lesquels il faut se baser pour faire face à la corruption. 

La Transparence. Plus on a des informations concernant les comptes publics, le processus d’établissement des contrats dans les marchés publics, les dépenses de l’Etat, etc… moins on a l’opportunité pour corrompre. 

La digitalisation. Cette technologie doit intervenir dans l’établissement des informations administratives pour le paiement, à titre des exemples, des taxes. Quand on réduit le contact humain dans ce processus, on se retrouve avec moins de chance pour négocier une réduction des taxes.

Checks and balance. Il faut prévoir des freins et des contrepoids. Pour cela il faut avoir un contrôle interne au sein du gouvernement et un contrôle externe qui doit être établit par des auditeurs. 

- Quels sont les secteurs prioritaires qui doivent être contrôlés par le gouvernement pour lutter contre la corruption ?

La corruption se cache partout. Par ailleurs, nous trouvons qu’il y a des secteurs sur lesquels il faut se focaliser. Nous en soulignons trois :

Les marchés publics : Quand le gouvernement doit réaliser un grand projet qui nécessite à titre d’exemple une technologie spécifique et coûteuse, le processus de réalisation du projet doit être minutieusement contrôlé.

Les entreprises publiques : historiquement, ces entreprises qui sont détenues par le gouvernement mais qui n’en font pas forcement partie, à savoir les entreprises pétrolières, les institutions financières, les sociétés des services aux collectivités,… connaissaient des procédures très bien structurées par le gouvernement. Il y avait moins d’opportunités pour corrompre les fonctionnaires. 

Ces procédures sont de moins en moins respectées, surtout quand les entreprises adhèrent totalement à la périphérie de l’Etat. Nous demandons donc aux Etats de serrer les vices et de faire attention aux personnes qui se positionnent à la tête de ces entreprises et vérifier s’ils occupent ces postes grâce à la méritocratie.

Les ressources naturelles : les secteurs basés sur les ressources naturelles (mines, pétrole,…) sont très sensibles à la corruption. La valeur des minéraux extraits dépassent les coûts de l’extraction. Cela veut dire que les profits sont très abondants. Et puisque cette industrie est basée sur la rente, cela augmente le risque de la corruption dans ce secteur à cause des personnes qui souhaitent en bénéficier.
 

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