Accouchement par césarienne: guéguerre entre les médecins et la Cnops

L’accouchement par césarienne est au centre d’une guéguerre entre la Cnops et les médecins. La Caisse déplore un recours excessif à cet acte qui grève ses finances et décide d’instaurer de nouvelles règles de remboursement. Les médecins estiment que c’est de l’ingérence dans leurs compétences et demandent l’intervention de l’Anam. Détails.

Accouchement par césarienne: guéguerre entre les médecins et la Cnops

Le 17 avril 2019 à 17h18

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

L’accouchement par césarienne est au centre d’une guéguerre entre la Cnops et les médecins. La Caisse déplore un recours excessif à cet acte qui grève ses finances et décide d’instaurer de nouvelles règles de remboursement. Les médecins estiment que c’est de l’ingérence dans leurs compétences et demandent l’intervention de l’Anam. Détails.

Le torchon brûle entre la Cnops et les gynécologues obstétriciens privés. La caisse a décidé de payer, à partir du 1er mai, toute césarienne non médicalement justifiée sur la base du seul forfait de l’accouchement par voie basse.

Ainsi, le paiement de toute césarienne à son tarif de référence sera conditionné à la production d’un rapport médical justifiant médicalement le recours à cette pratique.   

Recours massif à la césarienne 

La Caisse, qui gère l'AMO des fonctionnaires, justifie sa décision parce qu’elle estime être un "taux anormalement élevé de recours à la césarienne", chiffres à l’appui. En 2017, elle a compté 30.583 cas d’accouchement, dont 18.522 réalisés par césarienne, soit 61%. Or, l’OMS recommande un taux maximum de 15%. La moyenne des 36 pays adhérents à l'Organisation de coopération et de développement économiques est de 27,9%.

La Cnops ajoute que "le taux de césarienne était de 35% en 2006, puis il a bondi à 43% en 2009, juste après le relèvement du tarif national de référence de l'AMO (base de remboursement, ndlr), passant de 6.000 DH à 8.000 DH. En 2017, le taux de césarienne est passé à 61%", explique-t-elle.

Une source autorisée à la Caisse, jointe par Médias24, explique que le secteur privé, qui s’accapare 90% du nombre des accouchements, enregistre un taux de recours à la césarienne supérieur au taux global, se situant à 66% contre seulement 25% dans le secteur public.

"Certaines structures privées d’hospitalisation à Casablanca, Rabat, Fès, Agadir, Kénitra et El Jadida, ont même franchi la barre de 80% en 2017", ajoute la Cnops.

Selon cette dernière, "la condition de la révision du tarif national de référence en 2009 était l’application effective de ce tarif. Une condition qui n’a pas été respectée par les médecins".

En effet, dans le privé, le tarif moyen pour un accouchement par césarienne dépasse de loin les 12.000 DH dans les grandes villes comme Casablanca ou Rabat. 

Autre statistique que la Caisse met en avant: l’âge des femmes. "72% des femmes césarisées en 2017 étaient âgées entre 20 et 35 ans". Si le recours à la césarienne peut être encouragé par les médecins pour des raisons lucratives et de confort (l'accouchement peut être programmé), il est admis qu'il se fait également à la demande des patientes qui préfèrent l’acte chirurgical à l’accouchement par voie basse.

Pour ces cas, la Cnops estime que si la césarienne a été effectuée à la demande de la patiente, elle n’a pas à payer conformément à la loi sur l’assurance maladie. "Si la césarienne n’est pas justifiée et que l’intéressée veut y recourir malgré tout, elle devra assumer les frais", nous explique-t-on.

 Lire aussi : Accouchement: le taux de césarienne atteint un niveau "épidémique"

Menace sur les finances de la CNOPS

Ce n’est pas la première fois que la CNOPS réagit à cette problématique. C’est un dossier récurrent qui pèse de plus en plus sur ses finances. « Les dépenses des césariennes sont passées de 13 MDH en 2006 à 130 MDH en 2017 », avance la Caisse qui estime « que l’alignement des prestataires de soins sur un taux ne dépassant pas 25%, à l’instar du taux constaté au niveau du secteur public, aurait permis à la Caisse de faire des économies de plus de 70 MDH en moyenne par an », soit plus de 700 MDH au total.

Qu’en pensent les médecins ? « La CNOPS est en déficit technique, elle cherche des rubriques où elle peut faire des économies, on peut la comprendre. Ça c’est le fond du problème. Cela étant dit, accuser les cliniques et les médecins gynécologues de recourir à des césariennes de convenance, ce n’est pas acceptable », rétorque Redouane Semlali, président de l’Association Nationale des Cliniques Privées (ANCP).

« Si on a un taux de césarienne plus élevé par rapport à ce qui se passe ailleurs, notamment au niveau hospitalier, c’est qu’il y a une sélection qui se fait. Viennent à la clinique des cas qui posent problème, ce qui fait que nous avons beaucoup de cas complexes », ajoute notre interlocuteur qui remet en question les statistiques présentées par la CNOPS. Ses propos confirment le contenu d’un communiqué incendiaire signé par quatre associations des professionnels de la médecine (ANCP, CSNMSP, CSNMG et SNMSL).

« Se baser sur des statistiques validées uniquement par ses services et dont les résultats restent à interpréter en fonction de plusieurs autres paramètres (populations cibles, politiques de santé de chaque pays, conditions d’accès aux soins des citoyens … ), pour en déduire des conclusions aussi hâtives et des jugements de valeur envers toute une profession, démontre la légèreté avec laquelle la santé et la vie de nos concitoyennes sont traitées », est-il annoncé dans le communiqué.

« La CNOPS n’a qu'à nous donner des exemples concrets où elle a noté des anomalies. Elle doit apporter des preuves pour les accusations proférées », avance Dr Semlali qui juge la sortie de la CNOPS diffamatoire à l’égard des gynécologues.

La CNOPS accusée d’ingérence

D’ailleurs, les quatre associations estiment que « le Directeur Général de la CNOPS s’inscrit dans un rôle purement médical, scientifique et relevant des attributions exclusives des spécialistes, dûment habilités à cela. Qu’il puisse parler de « césarienne de convenance » est une pure ingérence dans la compétence des médecins et une insulte à leur intégrité scientifique ».

Les professionnels de la santé s’en remettent au directeur général de l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM) et lui demandent de « prendre position et à demander à Monsieur le DG de la CNOPS d’annuler, purement et simplement, la note en question qui comporte l’appellation "césarienne de convenance" ».

La CNSS: « Nous ne pouvons pas pénaliser nos assurés »

La CNOPS n’est pas la seule concernée par le remboursement des actes d’accouchement. La CNSS l’est aussi, dans la mesure où elle gère l’AMO pour le secteur privé. Que pense cette dernière de cette problématique ?

« La CNSS n'a pas de position particulière par rapport à l'acte médical en lui-même car il relève de la responsabilité du médecin. Nous ne pouvons pas en tant qu'assureur pénaliser nos assurés. C'est au régulateur de se prononcer sur ce dossier », nous déclare-t-on à la CNSS. 

Cette polémique éclate alors que les caisses, les professionnels de santé et l’ANAM sont engagés dans un processus de révision des bases de remboursement de l’AMO. Le conflit entre les médecins et la CNOPS risque-t-il de porter atteinte à ce processus qui a été enclenché après des années de blocage ?

Selon Dr Semlali, les médecins font preuve de retenue jusque-là car ils auraient pu « arrêter de travailler avec la CNOPS sur la césarienne ». Au lieu de cela, ils attendent de voir la réaction du régulateur. La balle est donc dans le camp de l’ANAM et du ministère de la Santé.

Précisons que nous n'avons pas pu joindre l'ANAM malgré nos nombreuses tentatives.

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