Maghreb Steel : les résultats de 2018 en baisse
EXCLUSIF. En volume, les ventes de la société ont baissé de 130 000 tonnes. Son Ebitda a fondu de moitié, mais reste toujours positif, loin des lourds déficits accusés entre 2012 et 2015. Le management du sidérurgiste ne perd toutefois pas espoir et croit dur comme fer en son plan de redressement lancé en 2015.
Après un pic de 516 000 tonnes vendues en 2017, les ventes du producteur d’acier ont baissé à 377 000 tonnes en 2018. La baisse a concerné aussi bien les ventes sur le marché local (passées de 376 000 à 292 000 tonnes) que les marchés à l’export (de 140 000 à 85 000 tonnes).
L’année aurait pu être pire, mais une "remontada" a été réalisée au dernier trimestre : «C'était une opération de mobilisation. Elle nous a permis de vendre 90 000 tonnes sur le marché local sur les trois derniers mois de l’année grâce à un effort sur la production et sur les prix », affirme le management de l’entreprise.
Conséquence directe de ce repli de ventes : l’Ebitda de la société a été divisé par deux, passant de 200 à 82 millions de dirhams.
Maghreb Steel n’a pas encore arrêté le résultat net à fin 2018, mais, extrapolation faite, ce dernier ressortira à -250 millions de dirhams au bas mot. Soit plus du double des pertes affichées durant les deux dernières années.
Lus de manière brute, ces résultats de l’exercice 2018 peuvent donner des inquiétudes quant à l’avenir de l’entreprise. Mais une mise en perspective s’impose si on veut être juste. «Maghreb Steel est une boite en restructuration. Elle a frôlé la banqueroute il y a quatre ou cinq ans. En 2015, l’Ebitda accusait un déficit de plus de 200 millions de dirhams. Les pertes nettes dépassaient les 700 millions de dirhams. Le fait qu’on affiche aujourd’hui un Ebitda positif est une performance en soi. C’est la troisième année d’Ebitda positif… », nuance le management de la société, dirigée par Aamar Drissi, une grosse pointure du monde de l’entreprise, arrivé justement avec son staff en 2014 pour sauver la firme fondée par Fadel Sekkat.
Reste une question : comment s’explique cette baisse de régime de 2018 alors que le producteur est censé être protégé dans son marché par deux boucliers gouvernementaux (mesures anti dumping sur le laminé à chaud et mesures de sauvegarde sur le laminé à froid) ? A Maghreb Steel, on avance plusieurs élements d'explication.
Incapacité de s’approvisionner en matière première
D'abord : le ralentissement de la production faute de trésorerie pour s'approvioner suffisament en matière première.
En 2018, les prix de la matière première ont doublé par rapport à leur niveau de 2016. Au moment où les lignes de crédit censées financer la montée mécanique du besoin en fonds de roulement de la société n’ont pas suivi. Ce qui a empêché la société de s’approvisionner en quantité suffisante en matière première et de maintenir ainsi son rythme de production. « En 2018, on a tourné à 40% de nos capacités industrielles, contre 50% en 2017 », souligne notre source.
Les prix de la ferraille sont passés à titre d’exemple de 180 dollars/t début 2016 à 350 dollars/t courant 2018 pour finir l’année à 280 dollars/t. Idem pour la brame, autre matière première importée par Maghreb Steel : ses prix sont passés de 200 dollars/t en 2016 à 550 dollars/t courant 2018, avant de baisser légèrement à 430 dollars les derniers mois de l’année.
En l’absence de lignes de crédit supplémentaires, Maghreb Steel s’est retrouvé les mains liées dans l'incapacité de suivre le marché. Résultat : baisse de la production et des ventes.
Si elles n’ont pas suivi les besoins de la firme courant 2018, les banques ont toutefois fini par approuver, le 31 décembre, un crédit de trésorerie de 225 millions de dirhams. Un cadeau de fin d'année bienvenu, mais qui arrive trop tard pour sauver l’exercice…
Trump, la Turquie et l’arrivée des Russes et des Ukrainiens
Autre raison invoquée par le management de la société pour expliquer la baisse des ventes en 2018 : la baisse de la consommation d’acier plat au Maroc, estimée entre 20 et 25% sur tous les types de produits, et la montée en force des importations de produits transformés.
Là, Maghreb Steel a souffert du chamboulement du marché mondial de l’acier causée par les mesures protectionnistes décidées en mars 2018 par le président américain Donald Trump (taxe de 25% sur les importations d’acier) et la crise monétaire et économique qui a frappé la Turquie.
« Face à la fermeture du marché américain et la baisse de la demande en Turquie qui était un grand acheteur de produits russes et ukrainiens, ces derniers ont commencé à s’intéresser à des marchés comme le nôtre pour écouler leur production », explique notre source, qui note que l’Egypte a également fait son retour sur le marché marocain en 2018. « L’Egypte avait besoin de reconstituer son stock de devises après la chute de la livre. Leurs industriels ont ciblé donc les marchés à l’export, dont le Maroc », explique notre source.
L’Ukraine a ainsi réalisé sa première opération d’export d’acier laminé à chaud vers le Maroc en 2018 pour 15 000 tonnes. Une première ! Mêmes quantités exportées par les Russes et les Egyptiens (15 000 tonnes chacun), deux producteurs qui signent leur grand retour sur le marché marocain. Ils ont profité d’une brèche commerciale puisque le bouclier antidumping déployé par Rabat sur les produits laminés à chaud ne concerne que les producteurs Turcs et Européens.
Et même si le bouclier incluait ces pays, il serait insuffisant, car le plus gros des importations se fait sur des produits transformés qui ne sont pas couverts par les mesures antidumping. Une ancinenne doléance des métallurgistes qui est désormais portée ausi par le producteur d’acier. « Nous nous sommes joints aux industriels de la métallurgie pour demander au gouvernement d’élargir la protection aux produits transformés. Notre demande de protection est en cours d’étude », nous confie le management de Maghreb Steel. Un dossier à suivre…
Un repreneur étranger pour 2019 ?
En attendant, le management de Maghreb Steel espère pour 2019 revenir au moins aux niveaux de production de 2017 pour redresser la barre. Et compte sur cela sur une relance de la consommation nationale d’acier plat. « Le potentiel du marché est encore énorme. La consommation d’acier par tête d’habitant est très faible au Maroc. Des pays comme l’Algérie ou la Tunisie font le double », explique notre source.
Malgré cette baisse de l’activité accusée en 2018, le management de la société croit toujours en son plan de sauvetage, « qui a déjà donné de bons résultats », nous signale-t-on. Preuve par le retour de l’Ebitda en zone positive sur les trois derniers exercices. Et par la capacité de la société à placer ses produits à l’export sur les marchés du bassin méditerranéen : Algérie, Espagne, Portugal, Egypte, Liban... « Nous gagnons peu d’argent sur les opérations à l’export, mais cela montre qu’on peut être compétitif», insiste le management de la firme.
Autre argument avancé pour prouver la viabilité de l’entreprise : l’intérêt affiché l’année dernière par plusieurs repreneurs étrangers. « Une dizaine d’entreprises ont affiché fin 2018 leur intérêt pour Maghreb Steel. C'est un signal de confiance », nous confirme le management de la société.
Une offre est présentée en particulier comme sérieuse : elle provient d’un industriel de l’acier qui, selon nos sources, a déjà pris attache avec les banques créancières de la firme (Attijariwafa bank, BCP, BMCE Bank, SG Maroc, BMCI et Crédit du Maroc) pour négocier un plan de rachat. Mais "règles de confidentialité oblige", son identité ne nous sera pas révélée.
Un autre dossier à suivre de près...
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