Boycott et morosité économique: inquiétude dans les milieux d'affaires

Abir Labied | Le 23/5/2018 à 14:08

Le mouvement de boycott de certains produits de grande consommation, entamé il y a plus d'un mois, a pris une telle ampleur qu'il impacte considérablement le climat des affaires. Ralentissement, attentisme, profil bas, inquiétude sont des mots qui reviennent dans les conversations. Des observateurs de haut niveau évoquent un tassement prévisible des investissements privés.

En marge de l’assemblée générale élective du nouveau président de la CGEM, tenue le 22 mai, nous avons interrogé à ce sujet des chefs d'entreprises connus, dans différents secteurs. Tous ont requis l'anonymat. Les temps sont à la discrétion.

Voici leurs réponses:

> Agroalimentaire/ production:

Le patron d’une entreprise opérant dans le secteur agroalimentaire a clairement exprimé son inquiétude par rapport au mouvement de boycott initié le 20 avril dernier.

«Nous ne pouvons pas être insensibles à la campagne de boycott, c’est sûr qu’elle nous a perturbés surtout que nous n’avons pas l’habitude de voir ce type de mouvement», déclare-t-il.

Il poursui : «il est vrai que le moral n’est pas au beau fixe. La question qui se pose est de savoir comment mettre fin à ce type de mouvement et comment y faire face si, un jour, nos produits sont dans le viseur des citoyens».

Il ajoute que le manque de visibilité qui règne actuellement implique un manque de confiance des entrepreneurs, ce qui se traduit directement par un ralentissement des investissements.

Dans ce sens, notre interlocuteur interpelle le gouvernement qui, selon lui, doit activer le conseil de la concurrence et déclencher une enquête sur les entreprises boycottées.

Interrogé sur la question des investissements futurs, notre source répond que son entreprise poursuivra les investissements déjà engagés mais n’ira pas plus loin que cela.

Cela dit, nous avons posé la question à un autre opérateur appartenant au même secteur. La réponse était différente.

«Nous sommes sereins pour l’instant, nous sommes optimistes par rapport à la rationalité du grand public», nous indique-t-il. 

Il ajoute: «je pense qu’il ne faut pas craindre un mouvement de boycott si une entreprise opère dans les normes; il n’y aura aucune raison pour que les gens l’attaquent».

Dans ce sens, notre interlocuteur précise que les entreprises marocaines doivent agir en responsabilité, faire plus attention et communiquer toutes les informations nécessaires au grand public.

 

> Tabacs manufacturés:

De son côté, le patron d’une multinationale opérant dans l'industrie du tabac nous affirme que l’environnement est actuellement stable, à tendance négative.

Au sujet du mouvement de boycott, il s’exprime ainsi: «Le boycott illustre bien un changement de paradigme: l’individu a maintenant le pouvoir de faire tomber les grandes institutions».

«Nous avons l’impression que ce qui était impossible autrefois est devenu possible aujourd’hui ; ce n’est pas rassurant pour un entrepreneur», ajoute-t-il.

Prudent, notre interlocuteur poursuit: «je pense qu’il faut dorénavant prendre en considération ce type de mouvement ainsi que le rôle du consommateur dans le monde des affaires». 

«L’impact sur le climat des affaires est direct surtout à cause du manque de visibilité et de la volatilité des décisions aujourd’hui», précise notre source.

«Le mouvement de boycott, en soi, ne me freine pas mais la réaction "lamentable" des pouvoirs publics laisse à désirer!», conclut-il.

 

> Immobilier:

Dans le secteur immobilier, le patron que nous avons sollicité perçoit le phénomène du boycott comme une véritable alerte.

«La campagne de boycott a eu un gros impact sur certains investisseurs, moi inclus, mais cela ne m’empêchera pas de continuer d’investir; le secteur a déjà connu le pire et nous sommes sur le point d'entamer une période de reprise», explique-t-il.

Néanmoins, il faut, selon lui, activer et promouvoir la transparence du conseil de la concurrence et renforcer le rôle des organismes de défense des consommateurs.

Il conclut: «Nous sommes confiants mais il faut mettre en place des mécanismes de régulation plus efficaces».

 

> Textile:

A l’instar de la majorité des entrepreneurs, un investisseur dans le secteur du textile partage l’idée selon laquelle le mouvement de boycott impacte significativement le climat des affaires et pointe le vide laissé par le conseil de la concurrence.

«Si le sujet n’est pas traité, nous craignons que cela devienne une habitude chez les consommateurs, ce qui risque d'entraîner un recul des investissements, en particulier l'arrivée de nouvelles marques dont le pays a besoin», indique-t-il.

Par ailleurs, notre interlocuteur estime que le secteur du textile au Maroc connaît déjà un désengagement important des investisseurs.

 

> BTP:

Contrairement à la majorité des investisseurs interrogés, le patron d’une entreprise opérant dans le secteur du BTP reste optimiste malgré le phénomène de boycott.

«Moi j’ai un moral de combat! C’est quand ça ne se déroule pas bien qu’il faut se battre», déclare-t-il.

Selon lui, le boycott ne vise pas l’économie mais les pratiques qui pourraient être illicites ou qui pourraient toucher le consommateur directement. Ainsi, il estime que «cela n’empêche pas ceux qui veulent poursuivre leur activité de travailler tout en optant pour la transparence et la concurrence loyale».

Toutefois, notre interlocuteur fait savoir que le problème qui menace le secteur est principalement la baisse de la consommation de ciment durant les 5 dernières années.

Interrogé sur la question des investissements futurs, l’entrepreneur précise que seuls des investissements de transformation et de restructuration sont prévus.

 

> Services d’audit et de conseil:

Enfin, le patron et dirigeant d’un cabinet de conseil et d’audit rejoint la majorité des patrons en estimant qu’une certaine inquiétude règne sur le climat des affaires au Maroc. Selon lui, cette inquiétude est amplifiée par le manque de visibilité pour les entrepreneurs.

«Un tel phénomène est nouveau et doit désormais être intégré dans la stratégie d’investissement et de gestion des affaires au niveau de chaque entreprise», insiste-t-il.

Pour remédier à la situation actuelle, notre interlocuteur estime qu’il faut rétablir la confiance des investisseurs en améliorant le fonctionnement des institutions de régulation et la transparence des entreprises.

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