La Bourse de Casa loin d'avoir atteint ses objectifs annoncés en 2009
Augmenter le nombre des sociétés cotées et celui des investisseurs ont été les principaux objectifs de la nouvelle direction de la Bourse de Casablanca depuis plus de 7 ans. Ce contrat a-t-il été rempli après autant d’années? Éléments de réponse.
S’il est encore en poste au mois d’avril prochain, Karim Hajji fêtera 8 ans à la tête de la Bourse de Casablanca. L’ancien directeur financier de l’ONA ne semble pas avoir complètement atteint les objectifs qu'il avait annoncés, le 1er avril 2009, jour de sa prise de fonction. Entre le discours ambitieux relayé par la presse et la situation actuelle, il existe un énorme fossé. C’est le cas pour ses objectifs chiffrés ou même pour ses intentions stratégiques.
"Avec une forte implication de nos administrateurs, une stratégie ambitieuse 2009-2015 a été élaborée autour de 3 axes majeurs de développement: attirer un demi-million d’investisseurs, atteindre 150 entreprises cotées et faire de la Bourse de Casablanca un hub financier régional", pouvait-on lire sur le premier rapport annuel signé Karim Hajji. C’est la feuille de route qu'il avait tracée pour la BVC. Aucun n'a été atteint.
Manque de papiers frais
D’un côté, le nombre de sociétés cotées ne dépasse pas 75 unités à l’heure actuelle. En d’autres termes, rien n’a changé entre 2009 et 2017. Il faut dire que ce chiffre a failli être encore plus faible avec les radiations répétitives auxquelles nous avons assisté ces dernières années.
"Nous avons connu environ une dizaine d’introductions en Bourse sur cette période mais presqu'autant d’offres publiques de retrait, ce qui explique que le nombre de sociétés cotées n’a pas changé", répond Karim Hajji. Ce dernier pense cependant que "notre marché continue à séduire les émetteurs".
Un avis qui n’est pas forcément partagé par les acteurs du marché. "Le pire, ce ne sont pas les radiations. Je dirais que les entreprises qui ont quitté la place n’y avaient plus leur place. Le plus décevant, c’est le nombre très limité d'introductions. Le marché manque cruellement de papiers frais, et pourtant au Maroc nous avons de nombreuses sociétés qui ont tout à gagner en étant cotées. Il faut aller les chercher", déplore un cadre d’une société de bourse sous couvert d’anonymat.
"Rétrospectivement, il est clair que la Bourse seule ne pouvait afficher de telles ambitions sans l’engagement de tout son écosystème. Je peux vous assurer que nous serons beaucoup plus prudents dans nos ambitions 2021 qui seront annoncées bientôt", avoue Karim Hajji, le DG de la BVC.
"La Bourse a évolué dans un contexte économique peu favorable suite aux retombées de la crise de 2008, mais aussi un certain attentisme qui semble avoir prévalu chez de nombreux opérateurs, dans le sillage des événements qui ont secoué notre région en 2011", explique par la suite Karim Hajji.
Il a fallu donc attendre 8 ans, avant qu’une introduction détrône celle d'Alliances en 2008 avec l’arrivée de Marsa Maroc. C’est une introduction qui a donné un réel coup de pouce à la BVC et les indices boursiers ont en profité durant l’année dernière. L’envolée du MASI a propulsé la capitalisation boursière, qui, selon plusieurs observateurs, ne reflète pas l’image réelle de la BVC.
Cela dit, et même avec cette capitalisation relativement importante de 583 milliards de dirhams, la BVC revient au niveau en 2010. "Nous avons connu un gros passage à vide ces dernières années et c’est en partie à cause du manque en papier frais", explique notre expert.
"Sur les 16 dernières années, plus de 150 milliards de dirhams ont été levées via diverses opérations. Entre 2005 et juin 2017, ce ne sont pas moins de 20,8 milliards de dirhams qui ont été levés à travers des IPOs, 17,6 milliards à travers des émissions obligataires et 53,9 milliards via des augmentations de capital", poursuit Hajji qui expose son bilan chiffré.
Un demi-million d’investisseurs?
L’autre ambition de Karim Hajji révélée en 2009, était aussi d’atteindre le demi-million d’investisseurs sur la Bourse de Casablanca. "C’est un chiffre très ambitieux et irréalisable dans la configuration actuelle. Les Marocains ne sont pas confiants par rapport à ce qui se passe sur la place financière, et c’est très souvent à cause de la méconnaissance et de l’incompréhension. Sinon, il faut être bien plus attractif pour attirer les investisseurs étrangers", nous explique un acteur du marché.
Le marché marocain est un marché essentiellement institutionnel. Selon un rapport de Bank Al Maghrib, la capitalisation boursière est détenue en 2015, à hauteur de 33% par des institutionnels.
Cela dit, les rapports de la BVC ne publient aucune information sur le nombre exact d'investisseurs. Nous avons donc posé la question. "Nous pouvons souligner que le nombre de comptes détenus par des personnes physiques marocaines a évolué de 38% en deux ans seulement, en passant d’environ 87.000 en 2014 à près de 120.000 en 2016", répond Karim Hajji.
Un chiffre en forte progression certes, mais encore loin des ambitions du patron de la Bourse. "Nous avons ressenti la baisse ces dernières années par rapport aux comptes particuliers et plusieurs d’entre eux sont inactifs. Leur nombre avait explosé entre 2005 et 2009 grâce à la bonne forme de la BVC à l’époque", raconte notre interlocuteur.
La BVC essaie tout de même de déployer annuellement des actions d’information et de formation au profit des investisseurs. "Nous avons étoffé l’offre de notre entité de formation (l’Ecole de la Bours) avec le "Blended Learning" qui combine formation présentielle et formation à distance à travers le E-Learning", poursuit Karim Hajji.
D’autres chantiers ont été entamés depuis quelques années, mais qui n’ont pas encore donné le résultat escompté. "Les 150 sociétés cotées seront atteints une fois que les PME auront confiance dans la BVC. C’est l’un des chantiers les plus importants et sur lequel il faut se concentrer. Bien évidemment, il est impératif d’inculquer et d’introduire la culture bourse à un plus grand nombre de personnes", conclut notre parfait connaisseur de la bourse.
Effectivement, les PME semble être le chantier primordial pour la BVC pour les prochaines années. Une approche qui a besoin de quelques années avant de donner des fruits.
Sur les deux principaux objectifs, Karim Hajji est loin du compte. Son ambition est louable. Car si l’on arrive à atteindre 150 entreprises cotées et à augmenter considérablement le nombre d’investisseurs, c’est toute la morphologie de la bourse de Casablanca qui changera. Les différents acteurs souffriront, certainement, moins des maux actuels de la BVC : manque de liquidités, très peu de papiers, immobilisme …