PLF2016: une année de croissance molle

Année blanche ou année de démarrage? 2016 aura une croissance molle et tout dépendra de la pluviométrie. Les stratégies sectorielles ont encore besoin de temps pour produire leurs effets.

PLF2016: une année de croissance molle

Le 27 octobre 2015 à 17h35

Modifié 11 avril 2021 à 1h03

Année blanche ou année de démarrage? 2016 aura une croissance molle et tout dépendra de la pluviométrie. Les stratégies sectorielles ont encore besoin de temps pour produire leurs effets.

L’année 2016 sera décisive pour le gouvernement Benkirane. Ce sera une année électorale, mais aussi une année qui devra affirmer (ou infirmer) les choix budgétaires visant à stimuler l’économie et installer une croissance stable.

Elles sont désormais connues: les projections de croissance de l’économie sont de 3% pour 2016. Une croissance molle, certes, mais suffisante, selon le ministre de l’Economie et des Finances, pour stimuler l’économie.

La recette magique de Mohamed Boussaid est de soutenir la demande et l’offre via l’investissement public et, entre autres, l’accélération des stratégies sectorielles.

"La consolidation des bases d’une croissance économique équilibrée poursuit le soutien de la demande et l’encouragement de la politique de l’offre à travers la stimulation de l’industrialisation, la promotion de l’investissement privé, le soutien à l’entreprise et l’accélération des plans sectoriels", souligne la présentation du projet de loi de Finances 2016.

Loin de l’enthousiasme des rapports qui accompagnent le projet du budget et le discours de circonstance du ministre, la réalité économique n’est pas aussi optimiste qu’on le laisse entendre.

L’effort budgétaire colle aux promesses du ministre

La bonne nouvelle est que le projet de loi de Finances reflète en effet la volonté de réaliser ce double objectif qu’est le renforcement de la demande et la stimulation de l’offre.

En ce qui concerne la demande, le PLF 2016 a consacré 61 milliards de DH pour l’investissement en plus des 108 milliards que les établissements publics promettent d’engager et des 13 milliards de DH des collectivités territoriales.

Cette enveloppe, dans sa globalité, reste conforme à celle des années précédentes, à quelques fluctuations près. Elle sert, à titre indicatif, à construire des écoles, des hôpitaux, des bâtiments administratifs, mais aussi des routes, des ports et, notamment, des équipements.

Sur ce chapitre, le PLF2016 n’innove pas. L’investissement public a été, de tout temps, le plus grand régulateur de l’économie nationale avec une prédilection pour les BTP.

La stimulation de l’offre, elle, est une tout autre question. En effet, Le PLF2016 contribue à travers des budgets sectoriels à la stimulation de l’offre. Mais ils sont difficilement identifiables.

Ainsi, les budgets d’investissement alloués à des ministères qui pilotent des stratégies sectorielles évoluent en dents de scie. Pour 2016, Le PLF prévoit 6,8 milliards de DH pour l’équipement et les transports; 8,2 milliards de DH pour l’agriculture et la pêche maritime; 3,6 milliards de DH pour l’énergie, l’eau et l’environnement; 2,2 milliards de DH pour l’industrie, le commerce et l’économie numérique; et 526,8 millions de DH pour le tourisme.

Dans le jargon gouvernemental, ces budgets sont destinés au soutien et à la promotion des secteurs visés.

Cela se traduit par le lancement d’études, d’audit, d’opération de promotion, et éventuellement par l’acquisition d’équipement et la contribution minoritaire ou majoritaire à des infrastructures stratégiques.

En plus de ces rubriques destinées à l’investissement, le PLF2016 énumère les fameux comptes d’affectation spéciale comme:

-Le Fonds d’accompagnement des réformes du transport routier urbain et interurbain doté de 114 millions de DH.

-Le Fonds de développement industriel et des investissements doté de 1,7 milliard de DH.

-Le Fonds des collectvités locales représentant la part de la TVA allouée à la décentralisation doté de 23,7 milliards. Ce fonds est logé dans la rubrique investissement, mais selon la note de présentation du PLF2016, les colectivités territoriales investisseront 13,5 milliards de DH en 2016.

-Le Fonds national de soutien à la recherche scientifique et au développement technologique prévoit le montant ridicule de 22,5 millions de DH.

-Le Fonds de développement agricole est doté de 500 millions de DH et celui de la pêche de 80 millions de DH.

-Enfin, le Fonds national de protection de l’environnement et du développement durable est doté de 200 millions de DH.

Difficile de faire plus de 3% sans pluie

A la lecture du PLF2016 et des rapports produits à l’occasion, l’économie nationale apparaît sous un nouveau jour, mais pas nécessairement son vrai jour. En témoigne le rapport annuel de Bank Al Maghrib. L’introduction du rapport de l’institution d’émission, signée Abdellatif Jouahri, wali Bank al Maghrib, est on ne peut plus claire: "... L’économie nationale est restée en 2014 sur un palier de faible croissance avec une absence de signes tangibles d’un dynamisme global générateur de richesse et d’emploi." Ces mots étaient prononcés devant le Roi en juin 2015.

Un constat sans concession que le ministre des Finances confirmera indirectement. Lors de la conférence de presse consacrée, vendredi 23 octobre, à la présentation du PLF2016, Mohamed Boussaid reconnaît l’inévitable: la croissance est fortement sensible à la valeur ajoutée agricole qui, malgré les grandes avancées du plan Maroc Vert, dépend toujours et encore de la récolte céréalière. Une déclaration qui coupe court au développement contenu dans le rapport économique et financier. Certes, la croissance globale est bien moins volatile que dans les années 1960-2000, elle est moins dépendante de la pluviométrie, mais elle ne s'en est pas totalement émancipée.

Dans ce rapport, il est indiqué que le taux de croissance annuel moyen du Produit Intérieur Brut Agricole (PIBA) "a connu, depuis le démarrage du Plan Maroc Vert, une inflexion positive marquée, atteignant près de 7% par an. Ainsi, le PIBA s’est établi à 99 milliards de dirhams en 2014 contre 65 milliards de dirhams avant 2008". Pour qu eces chiffres aient leur véritable sens, il faut les ramener à la croissance économique.

Selon le ministre des Finances, une année marquée par une bonne récolte céréalière impacte la croissance puisque la croissance de la valeur ajoutée agricole peut atteindre les 17%. Inversement, une année de vaches maigres verra cette valeur dégringoler de 2,5%. La croissance du PIB dans son ensemble suivra à la hausse ou à la baisse en fonction de la production des céréales.

En d’autres termes, le Plan Maroc Vert a enregistré des résultats positifs. Ces derniers n’arrivent toutefois pas à libérer complètement la croissance du PIB de l’impact de la production céréalière et donc des aléas climatiques.

L’industrie ne fait pas mieux. Des trois grandes stratégies pilotées par le ministère de l’Industrie et du Commerce, seule l’accélération industrielle a le vent en poupe.

Rawaj, pour le commerce et Maroc Numeric, pour les TIC, sont toujours dans le flou. Quant à l’industrie, force est de constater que deux éléments sont avancés comme argument pour démontrer le succès de la stratégie: le cas de l’automobile dont les chiffres à l’export dépassent ceux de l’OCP et le déploiement des écosystèmes dans les autres branches de l’industrie.

Pour les écosystèmes, il est trop tôt pour crier victoire. Le déploiement pour certaines branches n’a commencé qu’en 2015 (aéronautique, textile…); pour d’autres, ils sont toujours en phase d’études, notamment dans le grand secteur de l’agroalimentaire, cité parmi les métiers mondiaux du Maroc. Il est tout à fait évident qu'il ne faut pas s’attendre à des résultats en 2016 et donc à des effets sur la croissance du PIB. Quelques effets d’annonce meubleront l’année, mais pour des résultats qui dépassent les frontières du mandat actuel.

Pour le cas de l’automobile, le constat de Bank Al Maghrib en dit long: le Maroc draine des investissements, mais leur impact sur le PIB n’est pas perceptible. Conclusion: la faiblesse du taux d’intégration réduit à néant l’impact sur la croissance de l’économie dans son ensemble.

Le secteur des équipements et des transports n’est pas en reste. Il se taille la part du lion dans le budget 2016. Il continuera dans ce sens dans les prochaines années. Mais sa contribution au PIB ne sera pas probante pour l’année à venir.

Et pour cause, le plus gros des investissements à réaliser sont liés à des priorités et dépassent le cadre annuel. Le ministère de tutelle gère trois branches essentielles: le maritime, le portuaire et le routier.

Chacune est censée disposer d’une stratégie. C’est le cas pour le portuaire qui mobilisera près de 20 milliards de DH pour les travaux de deux ports prioritaires: Kénitra Atlantic et Nador West Med.

Encore une fois, ces infrastructures ne produiront pas de valeur ajoutée en 2016, à part celle incluse dans le secteur des BTP. Pour les transports, la stratégie logistique a trainé en longueur et, comme prévu, dans le cas de sa reprise en 2016, elle ne produira pas encore d’effet en terme de croissance.

En revanche, dans le maritime, la tutelle est toujours au stade de réflexion. Le PLF2016 annonce une bombe: le ministre veut créer une industrie maritime et un pavillon marocain. Comprenez par là: remettre à flot les armateurs nationaux (anciens ou nouveaux) ou carrément créer une Comanav bis. Et c’est cette solution qui semble se profiler.

Le retard des stratégies sectorielles sème le doute quant à leur efficience. D’ailleurs, le gouverneur de Bank Al Maghrib partage ce doute en soulignant qu’il serait opportun d’auditer toutes les stratégies lancées depuis 2005 pour les remettre sur les rails.

Entre temps, la croissance du PIB comptera toujours et encore sur les investissements publics, le bon comportement de la consommation, la bonne santé des télécoms et des phosphates et… une bonne année pluvieuse.

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