La coalition de Barack Obama contre Da’ech : vers l’enlisement

Les analyses de l’actuelle offensive militaire de la coalition anti-Da’ech convergent de plus en plus : l’échec est au bout du chemin pour des raisons à la fois économiques et politiques. L’idée de déployer des troupes au sol fait son chemin.  

La coalition de Barack Obama contre Da’ech : vers l’enlisement

Le 29 septembre 2014 à 11h04

Modifié le 29 septembre 2014 à 11h04

Les analyses de l’actuelle offensive militaire de la coalition anti-Da’ech convergent de plus en plus : l’échec est au bout du chemin pour des raisons à la fois économiques et politiques. L’idée de déployer des troupes au sol fait son chemin.  

Les raisons invoquées sont nombreuses :

-autonomie financière des jihadistes basés à Raqqa,

-expertise militaire et recrutements opérés par  l’OEI ;

-divisions des alliés des Etats-Unis ;

-difficulté des Etats-Unis à envisager l’envoi de troupes au sol ;

-et enfin, le coût des actuelles opérations militaires menées par les Américains et estimé à plus de 79 M de dollars/jour.

Pour l’ancien diplomate français et universitaire à Sciences-Po Paris Jean-Pierre Filiu qui s’exprimait le 23 septembre lors d’une conférence à Washington, « l’Organisation de l’Etat islamique (OEI) dispose de moyens efficaces de communication, de commande et de contrôle ». « L’insurrection juge-t-il, se poursuivra tant que les sunnites ne seront pas aux commandes de ministères d’importance à Bagdad ». Le nouveau premier ministre irakien chiite détient également les portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense.

M. Filiu ajoute que l’OEI « est financièrement autonome et peut se passer de tout soutien extérieur » grâce au commerce du pétrole et aux taxes qu’elle lève. «L’organisation d’Aboubakr al-Bagdadi recrute avec succès des combattants locaux et à l’extérieur » ajoute-t-il.  Da’ech contrôle un territoire vaste comme la Grande-Bretagne, plus de 260.000 km², peuplé de huit millions d’habitants, deux fois plus que le Liban et plus qu’Israël.

Ancien ambassadeur américain à Bagdad et à Ankara, James Jeffrey estime pour sa part qu’  « éliminer entièrement l’OEI est quasi-impossible car celle-ci est une organisation transnationale (…) qui exploite le fragile système d’Etats-nations du Moyen-Orient en menant un combat sectaire ».

De plus, ajoute M. Jeffrey, « l’OEI a les moyens de menacer les alliés des Etats-Unis dans la région » tels  la Turquie, la Jordanie ou l’Arabie saoudite, le Liban ou le Koweit voisin de l’Irak. Actuellement, juge Jeffrey, l’OEI « renforce son statut en tant qu’Etat-nation alternatif » dans la région.

« Véritablement détruire l’OEI nécessite une offensive militaire avec d’importantes troupes au sol » assène Jeffrey. « Cela ne peut arriver sans que les Etats-Unis n’envoient des troupes au sol ».

Responsable des études militaires et de sécurité au sein du Washington Institute, Michael Eisenstadt juge de son côté que « les résultats de l’actuelle offensive ne seront pas au niveau des attentes ».

Pour étayer ce point, M. Eisenstadt cite « une idéologie takfiri dont les racines remontent aux origines de l’Islam et qui seront difficiles à éliminer, ses supporters rejetant les autorités de l’establishment religieux dans les pays musulmans ».

Enfin, last but not least, même en cas d’affaiblissement de Da’ech, « l’environnement politique volatile du Moyen-Orient permettra à l’OEI de trouver des refuges pour se réorganiser si elle est défaite militairement ».

Du Yémen à Libye, à certaines régions de la Syrie ou de l’Irak, ou même du Soudan et de la Somalie, on peut entrevoir quelques espaces susceptibles d’accueillir la réorganisation de Da’ech, en comptant sur les inévitables et profondes divisions des « alliés » moyen-orientaux des Etats-Unis .

Doutes à Washington

L’establishment politique et militaire de Washington, à commencer par le président Obama, commence lui aussi à douter. Dans un entretien à CBS dimanche 28 septembre, l’hôte de la Maison-Blanche reconnait des erreurs d’appréciation des services de renseignement américains sur l’évolution de la guerre civile en Syrie et sur l’état de l’armée irakienne.

M. Obama a poursuivi en affirmant : « Nous devons les repousser et restreindre leur espace, attaquer leurs centres de commande et de contrôle, et leurs arsenaux, leurs sources d’énergie et de financement et travailler pour éliminer les flux de combattants étrangers ».

Plus tôt ce dimanche, le leader républicain John Boehner, auparavant opposé à l’envoi de troupes au sol, reconnaissait que cela était devenu une option.

Dès le 17 septembre,  le chef d’Etat-major américain le général Martin E. Dempsey avait reconnu que l’envoi de troupes au sol était inévitable.

On a appris cette semaine que Washington avait envoyé 500 hommes à Bagdad menacée par les hommes de Da’ech qui se sont rajoutés à 200 autres militaires présents depuis l’été.

A ces éléments d’analyse militaire et politique, il faut ajouter un élément financier. Selon de premiers calculs effectués par The Daily Beast, la salve de missiles Tomahawk (1,5 M de dollars l’unité) et les premières attaques quotidiennes menés par les F-22 et les F-16 américains et les drones ont coûté 79 M de dollars/jour.

A une moyenne de 50 M de dollars jour, soit 1 MM de dollars toutes les trois semaines pour les seuls Etats-Unis, politiques et experts américains, britanniques et français parlant tous d’une guerre de plusieurs années, la question économique s’invitera vite au centre de la table.

Sachant que depuis 1991, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et arabes ont mené cinq guerres en Irak (1991 et 2003), en Afghanistan, en Libye et maintenant en Irak et en Syrie, avec les résultats que l’on connait, l’offensive contre Da’ech est tout sauf gagnée d’avance.

Dimanche 28 septembre au soir sur CBS, Barack Obama l’a implicitement reconnu : « Au bout du compte, une solution politique sera nécessaire pour apaiser les tensions entre les musulmans sunnites et chiites, en Syrie et en Irak ». Le début du réalisme ?


 

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