Si les vacances estivales sont attendues avec impatience par une majorité de jeunes étudiants soulagés du poids des examens, elles représentent pour d’autres une période charnière; une phase transitoire qui les propulse abruptement sur le marché du travail.

Fini le statut étudiant et le confort de poursuivre un cursus prédéfini. Désormais, il faudra se montrer combattif et guetter les opportunités d’emploi. Une mission loin d’être évidente au regard de l’opacité du marché de l’offre d’emplois au Maroc, noyauté par l’importance du relationnel, voire par la politique des «pistons». Ce constat – que nombre d’entre vous ont également dû faire – a sauté aux yeux du jeune auto-entrepreneur et développeur Zakaria El Fassi, fondateur du site Jobfinder.ma.

Un énième site de recherche d’emploi ? Pas forcément

En discutant avec un des ses amis en recherche d’emploi, le jeune entrepreneur en appréhende les difficultés et analyse ce marché marocain qu’il estime «très fragmenté». Selon Zakaria El Fassi, le principal problème ne réside pas dans la litanie défaitiste «y a pas de travail, pas de job», mais se situe à un autre échelon capital: celui de la mise en relation. «Il existe un énorme gap entre les demandeurs et les offres d’emplois», souligne-t-il.

De ce postulat naît alors un projet ambitieux: tenter à son échelle de «contribuer à résoudre le problème de l’emploi au Maroc». Vaste chantier !... Amorcé toutefois avec une grande modestie. Ainsi, dès fin 2013, le jeune homme qui se présente, amusé, comme un «pur produit marocain», lance une première version béta de son site de recherche d’emplois, Jobfinder, sur le principe de l’agrégation des offres.

Si cette première ébauche ne le convainc que peu et froisse un brin son égo – «car arriver après les quatre principaux sites spécialisés pour fournir un service similaire, n’est pas très flatteur», plaisante Zakaria – elle lui permet de recueillir quantité de retours d’utilisateurs. Il mène alors de sérieuses opérations de benchmark et se livre au développement d’un algorithme complexe améliorant les performances de son site, tirant ainsi son épingle du jeu.

Façon Google

Les internautes racontent l’épreuve «du dépôt de CV» sur des interfaces concurrentes manquant d’ergonomie, soulignent la confrontation à des «plateformes complexes» sans omettre le nerf de la guerre: les très faibles voire inexistants retours aux requêtes des demandeurs d’emploi. Ces problématiques en ligne de mire, Zakaria s’attèle à répondre point par point aux besoins.

Fort d’une expérience d’ingénieur software chez Google en Suisse, cet amoureux des nouvelles technologies exploite l’esprit et le potentiel du moteur de recherche planétaire. «Jobfinder fonctionne à la Google, à la façon d’un moteur de recherche en temps réel, sur une interface simple et ludique» signale Zakaria, avant de préciser que «l’algorithme développé analyse minutieusement les profils et permet de présenter aux utilisateurs des offres adaptées à leurs recherches dans plus de 90 % des cas».

Les internautes auront de plus la «possibilité de créer un compte individualisé» sur le portail et recevoir chaque semaine «dix offres recommandées». Bien que ce talentueux entrepreneur ne dispose pas de statistiques quant au nombre de personnes ayant obtenu un emploi grâce à son site, il ne ménage pas ses efforts pour renflouer les rangs des propositions de postes. En près de cinq mois d’existence, Jobfinder récolte ainsi pas moins de 10.000 CV pour 15.000 offres d’emplois «actives» et un total supérieur à 61.000 offres.

Le travail à une autre échelle

Guidé par une logique d’interactivité et de «constant développement», Zakaria El Fassi s’estime – pour l’heure ? – chanceux de ne brasser que quelques milliers de profils. «10.000 CV, ce n’est rien», indique-t-il, et pourtant «ils représentent un énorme avantage en phase de réactions, car avec les retours j’arrive à régler tout ce qui devrait l’être. En étant petit, on gagne en flexibilité, le site est beaucoup plus fluide», souligne un Zakaria, manifestement soucieux de proposer le meilleur produit possible et d’éviter les couacs.

Cette envie de «bien faire» est également servie par l’indépendance économique du site, qui s’appuie sur les fonds propres de sa start-up Zaigood, et refuse la diffusion de publicité. «Anti-pub», scande-t-il avec aplomb, avant d’esquisser un sourire. S’il semble lui-même surpris par sa spontanéité, il n’en reste pas moins persuadé de l’incompatibilité «de miser sur la recherche d’un modèle économique» et la volonté d’assurer le développement d’un site performant répondant aux attentes des utilisateurs.

Le professionnalisme et le business «désintéressé» ne seraient-ils donc pas morts dans nos sociétés ultra capitalistes ?! Naïveté mise de côté, le jeune développeur avoue que son parcours au sein de Google a radicalement changé sa perception du travail. «On travaille à une autre échelle, sur d’autres perspectives… C’est fini, le geek qui code tout seul dans sa chambre, chez Google chaque ligne de code peut changer le monde et améliorer le quotidien», déclare-t-il.

Difficile de revenir en arrière… Zakaria, séduit et acquis à cette vision globale et utile, en fait son fer-de-lance. S’il regrette toutefois qu’au Maroc, «il y ait peu d’aides, peu de soutien, ce qui peut décourager», il fait contre mauvaise fortune bon cœur et affiche un optimisme à toute épreuve. «Heureusement que l’informatique est totalement transportable», affirme-t-il. Un bon point pour ce jeune homme assurément prometteur.