
Administratrice indépendante BOA Group BMCE, ex-présidente du Conseil national du commerce extérieur, ex-conseillère du Premier ministre

Une nouvelle politique de l’Emploi : quelles chances de succès ? (1/2)
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Le 30 avril 2025 à 17h07
Modifié 1 mai 2025 à 18h21Le Maroc a mal à son emploi. En ces temps incertains de sécheresses répétées, de géopolitique mouvante et de mutations technologiques; et après la période Covid qui a donné un coup de massue à l'activité économique, les indicateurs de l'emploi ne sont pas fameux. Le gouvernement vient de lancer sa feuille de route pour l'emploi. Un round up analytique, en cette veille du 1er mai, par Nezha Lahrichi.
Le Maroc a placé l’emploi au cœur de son agenda politique depuis plusieurs années, pour ne pas dire décennies, mais avec une spécificité : les politiques de l’emploi étaient centrées sur la primo-insertion des jeunes diplômés, considérée comme l’indicateur clé du marché du travail.
Il faut attendre la stratégie nationale de l’emploi 2015-2025 pour avoir une rupture avec les précédentes dans la mesure où elle a ouvert un éventail plus large de cibles sociales et a visé en conséquence une croissance riche en emplois.
Il est ardu de présenter les résultats de cette stratégie dans la mesure où la principale limite a été précisément la faiblesse d’un dispositif rigoureux de suivi. En outre, les programmes prévus comme Idmaj, Tahfiz et d’autres ont été mis en œuvre directement, à grande échelle, sans aucune expérimentation préalable, en donnant beaucoup d’importance aux réalisations des objectifs quantitatifs au détriment du qualitatif : durabilité, conditions d’insertion… De toutes façons, il suffit d’observer ce qui n’a pas changé : le sempiternel problème du chômage des jeunes diplômés et l’inadéquation entre l’offre de formation et les besoins du marché !
Ce qui a changé, en revanche, ce sont les mutations économiques, technologiques et l’émergence d’un nouveau monde.
Aujourd’hui, on a une nouvelle feuille de route pour l’emploi érigé en priorité nationale, avec une approche différenciée dans la mesure où il y a une prise en compte de la spécificité de l’agriculture et du monde rural pour lesquelles les mesures visent d’abord la préservation de l’emploi. Les zones urbaines sont concernées par l’entreprenariat : soutien aux starts-up et aux TPE, accès au financement et aux marchés publics pour les PME et surtout renforcement des compétences numériques et formation aux métiers d’avenir.
Il y a également une prise en compte des besoins différenciés des chercheurs d’emploi : jeunes, femmes, travailleurs peu qualifiés.
L’ensemble de ces mesures comporte des objectifs quantifiables pour assurer suivi et évaluation. En somme, des points forts qui ont corrigé les insuffisances de la stratégie 2015-2025.
Il est évident que tous ces engagements sont à traduire en actions concrètes et il est question de la mise en place de mécanismes de pilotage rigoureux impliquant la société civile et les partenaires sociaux afin d’ajuster les stratégies.
→ Quels sont les chiffres clés ?
Les besoins en emplois concernent la population active, soit la force de travail composée des actifs qui ont un emploi et des chômeurs disposés à travailler ; elle est estimée à 12,3 millions de personnes avec un taux de chômage de 13,3% soit environ 1,6 million de chômeurs ; d’ici 2029, la population active devrait atteindre 12,8 millions, soit 500.000 nouveaux entrants sur le marché du travail.
La feuille de route de l’emploi fixe deux objectifs : ramener le taux de chômage à 9% et créer 1,45 million d’emplois; comment ?
La question qui se pose : dans quelle mesure la croissance économique favoriserait -elle la création d’emplois ?
Avant de répondre, quelques éléments de contexte qui combinent des perspectives favorables et la persistance de handicaps à la modernisation du marché du travail.
Le Maroc est sur une trajectoire de développement, comme l’illustre le maillage des infrastructures dont les effets d’entrainement se font sentir dans la durée. Ils ont néanmoins permis la création de pôles de croissance, l’émergence de nouveaux secteurs comme ceux des énergies renouvelables, des industries de la défense et à haut potentiel, etc. Ils ont également contribué à la construction d’écosystèmes avec des échanges entre grandes entreprises et PME, comme c’est le cas pour les industries automobile et aéronautique.
À cela s’ajoute la perspective du Maroc comme pôle régional pour les investissements étrangers et l’impact de l’économie du football qui va au-delà de l’organisation de la Coupe du monde en 2030.
Les nouvelles dynamiques géopolitiques à l’œuvre représentent des opportunités pour les économies émergentes en fonction des atouts de chaque pays. Le Maroc répond à plusieurs critères de renom et reconnus et notre pays est en mesure de capitaliser sur ses atouts et sur ses fondamentaux qui sont solides.
La seconde perspective concerne le Mondial 2030 qui est certainement un booster d’une nouvelle dynamique de l’emploi dans la mesure où le football constitue un axe de la politique économique actuelle, mais l’enjeu du football est plus que ça ! son évolution est le reflet de la société. Il s’agit d’un sport mondial où puissance sportive rime avec puissance économique, il y a donc une économie du football à développer dans un marché totalement libéralisé, mondialisé et marqué par l’arrivée de nouveaux types d’investisseurs : fonds privés et fonds souverains. Mais le plus important est que le football est un puissant vecteur de soft power qui va renforcer l’image influente du Maroc.
-le second élément de contexte concerne les éléments qui handicapent la modernisation de la gouvernance du marché du travail. Deux acteurs sont concernés : le secteur informel et les PME.
1. Le secteur informel est une réponse aux dysfonctionnements : marché du travail rigide, charges sociales élevées, fiscalité lourde jusqu’à récemment où l’IS est passé à 20% pour la plupart des entreprises, démarches administratives complexes, accès difficile au financement, demande pour des biens et des services à bas prix. Les chiffres qui font consensus : une partie non négligeable de la population active travaille dans le secteur informel qui représente 30% du PIB.
2. les PME dont la défaillance freine une croissance durable et des emplois stables.
53% des PME cessent leurs activités avant d’atteindre leur 5e année selon une étude de la Banque mondiale et de l’observatoire marocain de la TPME ; les estimations récentes varient entre 34.000 et 40.000. Les raisons sont connues : délais de paiement, faible accès au financement et aux marchés publics, fonds propres insuffisants, faiblesses des business plans, mauvaise gestion de trésorerie, manque de compétences, gouvernance familiale non professionnelle, mauvaise anticipation des risques, concurrence déloyale du secteur informel…. À cela s’ajoute aujourd’hui la capacité d’une entreprise à se mobiliser dans un marché imprévisible.
Les dangers qui guettent l’entreprise sont donc multiformes et rendent difficile la mise en œuvre de la feuille de route de l’emploi, d’où l’impératif d’évaluer la capacité de l’économie marocaine, telle qu’elle est aujourd’hui, à atteindre les objectifs de cette feuille de route.
La réponse dépend, sur le plan interne, du choix des investissements et de l’élasticité emploi- croissance qui est actuellement de 0,23 c’est-à-dire qu’une augmentation de 1 % du PIB entraine un accroissement de 0,23 % de l’emploi.
Les économistes disposent de modèles et de techniques économétriques qui permettent d’estimer l’élasticité emploi- croissance et d’établir des scénarios prospectifs pour le marché du travail.
Comme l’objectif de la nouvelle stratégie est de ramener le taux de chômage à 9%, il faudrait réaliser une croissance annuelle du PIB réel de 7,9% compte tenu de l’élasticité actuelle de l’emploi selon le Policy Center of the New South. Il faut aussi préciser que les risques baissiers de la croissance concernent davantage la faible croissance en Europe que la contraction de la production agricole.
-oOo-
Pour augmenter l’emploi, il faudrait donc une accélération significative de la croissance avec une augmentation de l’élasticité emploi-croissance; c'est-à-dire faire le choix, en plus des investissements très capitalistiques en cours et projetés, réalisés en grande partie par le secteur public, d'opter pour des investissements à forte intensité d’emplois. Ils concernent les industries locales, les services (commerce et distribution, tourisme et restauration), l’agro-industrie …. autant de secteurs qui supposent l’amélioration de l’environnement des affaires et la réduction des rigidités du marché du travail. Ce sera le thème de la seconde partie de cet article.
A SUIVRE
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