
Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Si la Mauritanie m’était contée
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Le 27 décembre 2024 à 15h48
Modifié 27 décembre 2024 à 15h48Entre le Maroc et la Mauritanie, les atouts surpassent les différends. Pour maximiser leurs bénéfices géostatiques, les deux pays n’ont d’autre choix que d’intensifier leur dialogue et de se faire mutuellement confiance.
En visite privée au Maroc, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh el-Ghazouani a eu droit la semaine dernière à une audience royale, bien que S.M. le Roi soit en période de convalescence. Ceci témoigne de la place qu’occupe la Mauritanie dans le cœur des Marocains, et des relations séculaires qui unissent les deux peuples depuis la nuit des temps. Ces liens qui rattachent les Marocains au peuple mauritanien sont nombreux et relèvent de l’humain, du religieux et du culturel. Ils sont également de plus en plus économiques et stratégiques dans un monde à la recherche de nouveaux repères et équilibres.
Maroc-Mauritanie, une relation séculaire de confiance
Les deux chefs d’État ont réaffirmé, à cette occasion, la solidité des relations de confiance et de coopération qui lient les deux pays, et les liens de fraternité qui unissent les deux peuples. Ils se sont aussi félicités de l’évolution positive que connaît le partenariat maroco-mauritanien, et ont affirmé leur détermination à développer des projets stratégiques communs. Dans ce cadre, ils ont décidé de coordonner leurs contributions respectives dans le cadre des initiatives de l’Afrique atlantique, et du désenclavement des pays du Sahel.
Toutes ces politiques que le Maroc enrichit avec ses partenaires africains a pour but d’instaurer des zones de prospérité et de croissance partagées qui vont au-delà de chaque nation. Leur objectif est de donner aux peuples africains de larges espaces de travail, de progrès et de dignité pour sortir du sous-développement et protéger leurs propres intérêts. De telles constructions permettraient également d’avoir un horizon et de faire face collectivement aux conséquences de l’évolution de notre monde, où les grandes puissances redessinent leurs zones d’influence pour leur propre profit.
Le positionnement géographique de la Mauritanie : fardeau ou aubaine ?
La Mauritanie tire ses forces, mais aussi ses faiblesses, de son positionnement géographique. Elle partage des frontières de 2.200 km avec le Mali, ce qui lui donne une ouverture directe sur les pays du Sahel mais la rend vulnérable face au terrorisme répandu dans la région. Avec l’Algérie, elle partage 500 km qui donnent directement sur les camps de Tindouf où, là aussi, pullulent toutes sortes de trafics. Les 1.600 km qu’elle partage avec le Maroc, les 500 km avec le Sénégal et la façade atlantique de 750 km sont les seules frontières qui lui donnent un accès à des routes terrestres et maritimes où les échanges paraissent apaisés et prometteurs. En outre, historiquement, les flux humains et économiques de la Mauritanie furent, de tout temps, structurés dans un axe naturel Nord-Sud.
La Mauritanie, comme d’autres pays de la région, est confrontée à des défis sécuritaires dangereux. Les menaces du terrorisme et de l’extrémisme issus des mouvements jihadistes comme Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et bien d’autres, n’ont pas disparu. Ces groupes furent décimés dans la région après la décennie noire en Algérie, et ont trouvé dans la chute du régime militaire Libyen le moyen de pulluler davantage. Rendus forts par les armes en leur possession, ils terrorisent les populations et ciblent les intérêts étrangers dans toute la région.
La prolifération de ces groupes jihadistes inquiètent au plus haut degré les autorités mauritaniennes, non seulement pour les actes en eux-mêmes, mais aussi pour le danger qu’ils représentent quand ils recrutent des jeunes en leur sein. L’étendue du territoire et la porosité des frontières avec l’Algérie et le Mali facilitent la circulation des groupes armés et de leurs combattants, sans pouvoir les contrôler efficacement. Le gouvernement mauritanien a adopté des mesures de sécurité significatives pour contrer ce fléau.
Il n’en demeure pas moins que seule une coopération régionale pourrait venir à bout de ce phénomène.
Pour ce faire, la Mauritanie participe activement à divers cadres de coopération bilatérale ou régionale, notamment au sein du G5 Sahel. La coopération avec d’autres pays non africains, comme la France et les Etats-Unis, à travers des formations de soutien et des aides logistiques pour les forces de sécurité, revêt une importance capitale. Et bien que le pays ait déjoué des attaques terroristes majeures, il n’en demeure pas moins vulnérable aux menaces terroristes en raison de la situation complexe et volatile au Sahel.
La Mauritanie et son voisinage
Au sein de l’Union du Grand Maghreb, la Mauritanie se trouve, malgré elle, poussée dans le jeu d’influence qu’orchestre l’Algérie contre le Maroc. Alger affiche clairement son désir de créer ex nihilo un sixième État au Sahara pour couper les liens séculaires qui ont toujours prévalu entre le Maroc et la Mauritanie. Ce projet s’est avéré, avec le temps, vain et irréalisable, mais les responsables algériens persistent dans cette voie pour pérenniser ce conflit. À l’opposé, la question saharienne a permis au Royaume de prendre une longueur d’avance sur l’Algérie dans ses relations avec la Mauritanie et, au-delà, avec toute l’Afrique.
Plusieurs facteurs se sont conjugués pour ce développement qui fut accentué depuis la réintégration en 2017 à l’UA. Le Maroc offre volontairement aux pays africains, y compris à la Mauritanie, une plateforme de qualité pour former leurs cadres et étudiants. Cette politique d’une coopération multiforme qui englobe le religieux, la finance, à travers la présence des institutions financières, et le dynamisme d’un secteur privé performant a donné ses fruits. La longue période d’hibernation de l’Algérie, conséquence de la décennie noire, et un secteur privé atone n’ont pas permis de rattraper ce retard.
Le modèle du pays révolutionnaire, porte-parole du tiers-monde et anti-impérialiste, prôné par l’Algérie depuis son indépendance n’est plus vendeur en Afrique. Alger prend conscience de ce déphasage un peu tard, et déploie dans la précipitation une politique tous azimuts pour rattraper son retard. Ouverture de banques régionales, renforcement des transports aériens, routiers et maritimes vers la Mauritanie, et d’autres capitales africaines. Pour réussir cette politique d’influence, Alger mise en priorité sur un pays clé qu’est la Mauritanie, avec comme objectif premier d’asphyxier le Maroc et de réduire son influence.
Ce qui s’apparente à un jeu d’influence à somme nulle entre ses deux voisins du Nord est devenu pour la Mauritanie un atout qui fait d’elle la pièce maîtresse dans la recomposition géopolitique en cours. Ainsi, le pays voit son rôle s’accroître dans plusieurs initiatives en gestation, comme celles de l’Atlantique, du gazoduc Nigeria-Maroc-Europe ou du désenclavement des pays du Sahel, pour ne citer que celles-là. La découverte et l’exploitation d’importants gisements de gaz en Mauritanie vont renforcer davantage cet attrait.
La manne gazière
L’exploitation d’importants gisements de gaz offshore, principalement dans la zone Grande Tortue Ahmeyim, GTA, entre la Mauritanie et le Sénégal, aura des implications sur la croissance en Mauritanie et toute la région. Elle pourrait constituer une opportunité pour l’accélération du projet de gazoduc Nigeria-Maroc.
Selon le FMI, l’exploitation de ces nouveaux gisements annonce des perspectives prometteuses pour l’économie mauritanienne. La croissance économique devrait s’établir à 4,3% pour cette année, contre 3,4% pour 2023, et pourrait être à deux chiffres à partir de 2025 avec le démarrage du gisement GTA.
Grâce à cette manne gazière et à ses retombées financières, la Mauritanie comme le Sénégal comptent s’engager dans des investissements massifs dans les infrastructures. Les entreprises européennes sont aux aguets pour participer à cette ruée vers l’or et récolter leur part dans les projets de construction des installations gazières, des routes et des ports entre autres. Les entreprises marocaines, dont certaines sont déjà présentes sur le terrain, ont l’avantage de la proximité et de mieux connaître ces marchés. Elles ont là une occasion pour démontrer leur savoir-faire et s’investir davantage.
La production gazière en Mauritanie, bien qu’elle entre en compétition avec celle de l’Algérie, va aiguiser l’appétit du gouvernement algérien pour ce secteur, en raison de l’expérience acquise par Sonatrach dans ce domaine. En mars dernier, lors du 7e Sommet des chefs d’État des pays exportateurs de gaz, GECF, à Alger, la Mauritanie a été admise au sein de ce forum comme pays observateur, et sa délégation avait été entourée de beaucoup d’égards.
Le récent déplacement de Abdelmadjid Tebboune à Nouakchott, début décembre, plus de trente-sept ans après la dernière visite d’un président algérien, est significative à plus d’un titre. Alger cherche à y renforcer sa présence avec la ferme volonté d’encercler le Maroc et de le couper de sa profondeur africaine. Lors de cette visite, la presse algérienne a souligné la véritable raison de ce déplacement. Ainsi le journal El Djazair el Djadida écrit : "Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement de l’axe maghrébin récemment établi, qui vise à isoler le Makhzen en réponse à son rôle dans l’étouffement de l’UMA et l’introduction d’Israël dans la région".
C’est parce qu’ils comprennent ce qui motive réellement l’Algérie que les responsables mauritaniens tiennent à rester neutres entre Rabat et Alger. Pour maintenir la pression, les autorités algériennes ont pris l’habitude de ne jamais laisser de répit aux responsables mauritaniens. Quand ils ne les invitent pas à un événement en Algérie, avec ou sans raison, ils leur adressent des messagers. Et pour les mettre encore dans l’embarras, ce rôle est délégué par moments aux membres du Polisario dans l’espoir de provoquer le mécontentement de Rabat.
Le Maroc et la Mauritanie ont entre eux plus d’atouts que de différends qui les séparent. La façade atlantique qu’ils partagent, la continuité territoriale vers l’Afrique de l’Ouest pour le Maroc, et vers l’Europe pour la Mauritanie, sont les ingrédients d’un véritable partenariat. Toutes les initiatives prises par le Maroc, dont les liaisons aériennes et maritimes, comme la récente desserte maritime Agadir-Dakar, participent à cet élan d’instaurer une zone de croissance et de prospérité pour tous. Une zone qui attire des investissements, qui stimule le développement, qui crée des emplois. Pour maximiser ces bénéfices géostatiques, nos deux pays n’ont d’autre choix que d’intensifier leur dialogue et se faire mutuellement confiance.
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