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Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.
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Les Émirats à l’assaut de l’Afrique
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Le 4 janvier 2025 à 10h00
Modifié 3 janvier 2025 à 16h03Avec des fonds souverains parmi les plus puissants et une approche à long terme, les Émirats-arabes-unis ont injecté des centaines de milliards de dollars dans des secteurs clés du continent africain, renforçant leur position comme partenaires stratégiques tout en suscitant critiques et espoirs.
Qui aurait pu penser que les Émirats-arabes-unis allaient être un jour l'un des grands investisseurs de la planète, et faire bon usage de la manne pétrolière qu’ils ont sous les pieds ? Pays limité géographiquement, d’une superficie de 83.600 km2 et d’une population de dix millions d’habitants, dont une large majorité sont des expatriés. Mais le pays est riche, même très riche, avec un produit intérieur brut qui dépasse les 500 milliards de dollars et des fonds d’investissement parmi les plus grands. Les Émirats ont su se doter d’une bonne gouvernance pour diversifier et rentabiliser leurs investissements à l’étranger, en Occident d’abord, mais aussi en Afrique.
Le continent africain, restée longtemps en marge de cet assaut, est devenue avec le temps l’une des cibles des investissements de cet État du Golfe. Les Émirats sont devenus rapidement le troisième investisseur sur le continent, après la Chine et les Etats-Unis, ou le quatrième si on prend en compte l’ensemble de l’Union-européenne. Ils sont bien loin devant tous leurs autres voisins, y compris l’Arabie-Saoudite ou l’Iran. Entre 2012 et 2022, ils ont investi dans le continent africain plus de cent milliards de dollars, dans des secteurs aussi diversifiés que l’agriculture, l’énergie renouvelable, les mines, les infrastructures portuaires et bien d’autres domaines.
Pour mener cette politique, les Émiratis se sont dotés de plusieurs fonds d’investissements, une sorte de force de frappe conséquente, dotés de puissants moyens financiers inégalés comme les fonds ADIA ou Mubadala. ADIA, Abu Dhabi Investment Authority, est sans conteste le plus important fond souverain du pays et l'un des plus puissants au monde. Créé par Zayed ben Soltan Al-Nahyane en 1977, il est chargé d’investir dans les pays développés et ceux en émergence, dans des entreprises stratégiques solides et sûres, et surtout qui rapportent de la plus-value.
L’ADIA gère à lui tout seul mille milliards de dollars d’actifs, le double du PIB national, se situant ainsi comme le quatrième fonds au monde. Ses investissements à l’étranger se basent sur la recherche d’une rentabilité financière à long terme. Son portefeuille se répartie globalement sur l’Amérique du Nord 35%, l’Europe à 25%, marchés émergents dont l’Afrique 15%, et l’Asie 10%. L’autre fonds Mubadala gère quant à lui 230 milliards d’actifs. Les deux ont pour mission d’investir dans des projets prometteurs, structurants et stratégiques.
Les autorités émiraties ont pensé et mis en exécution une stratégie à long terme qui s’inscrit dans une logique de recherche de nouveaux relais de croissance à travers le monde, y compris en Afrique. Ils ont pris conscience que la manne pétrolière s’épuisera avec le temps et que, pour leur survie et celle des générations futures, leur avenir dépendra des investissements effectués à l’étranger. Pour ce faire, ils ont d’abord commencé à doter leur pays d’infrastructures performantes, gérées par des cadres et gestionnaires de qualité avant d’aller investir ailleurs, pour en faire le point d’attache de cette politique.
Les fonds d’investissement émiratis ont injecté dans les économies africaines entre 2019 et 2023, 110 milliards de dollars dans des projets divers. Une part importante de ces investissements, estimée à 72 milliards de dollars, fût injectée dans le secteur des énergies renouvelables. Ces investissements dans ce domaine bien précis dépassent, et de loin, tous les apports des autres nations développées, et font des Émirats l’un des partenaires clés dans le développement de ce secteur en Afrique. Les dirigeants africains qui visitent continuellement ce pays en quête d’investissement ne manquent jamais de saluer ces apports.
Pourquoi l'Afrique ?
Alors si on peut comprendre les raisons qui poussent les Émirats à investir dans les économies développées, quelles seraient dès lors les motivations qui les poussent pour investir et s’investir en Afrique ? Comme les autres grandes puissances qui se ruent vers l’Afrique pour le potentiel qu’elle représente, les Émirats n’en font pas exception. Ils ont, eux aussi, développé des expertises en termes de constructions d’infrastructures et d’équipements, comme les ports et les aéroports et les énergies renouvelables. Leurs investissements se dirigent également vers les ressources minières et les matériaux stratégiques non encore exploités.
Les fonds émiratis s’intéressent aussi aux terres agricoles fertiles qui sont souvent en friche et abondantes en Afrique. Le secteur agricole africain, connu par ses faibles rendements, offre des possibilités de croissance rapide pour satisfaire les besoins locaux tout en exportant les surplus. En déployant une part importante de leurs investissements dans ce secteur, ils en tirent des avantages naturels qui compensent leur propre limite géographique. Mais l’achat des terres à bas prix, et parfois octroyées par les gouvernements africains pour encourager les investissements, crée des tensions. La Chine comme les Émirats sont souvent critiqués car ce secteur relève pour beaucoup de la souveraineté économique et alimentaire d’une nation.
Mais en dépit de ces critiques qui proviennent souvent de sources occidentales pour dévaloriser ces investissements, les Émiratis pour leur part ont appris à ne pas porter le même regard sur l’Afrique que les autres grands investisseurs. Là où les occidentaux analysent d’abord les contraintes politiques et économiques comme des éléments rédhibitoires, les émiratis ont une compréhension différente des réalités africaines. Ils acceptent volontiers les obstacles et les contraintes en inscrivant leurs investissements dans une logique différente basée sur le long terme et le rendement à longue échéance.
En réalité, cette dynamique d’investissement en Afrique est une politique de diversification complémentaire à l’économie nationale émiratie. Comme l’économie nationale est essentiellement centrée sur les hydrocarbures, les fonds d’investissement du pays cherchent, quant à eux, à se convertir dans des secteurs complémentaires, rentables et porteurs en Afrique, comme l’énergie renouvelable ou les télécommunications. C’est cette volonté d’opter pour les nouveaux secteurs d’avenir dans les nouveaux marchés africains qui donne ce cachet aux investissements émiratis. L’Afrique leur offre un potentiel considérable en termes de croissance pour bâtir des partenariats stratégiques et absorber leurs surplus financiers.
Mais il n’y a pas que les moyens financiers qui apportent cette dynamique. Les Émirats se sont également dotés de grandes entreprises qui s’impliquent aisément dans chaque projet qui obtient l’aval de l’État. Elles se mettent à l’œuvre dès qu’une décision est prise pour investir en Afrique ou qu’une opportunité voit le jour. À titre d’exemple, l’entreprise DP World basée à Dubaï gère déjà six ports africains, et lorgne d’autres projets pour étendre son portefeuille dans ce secteur si vital pour l’Afrique. De son côté, Abu Dhabi Ports, a, lui aussi, élargi son champ d’action en s’implantant dans des pays comme la Guinée, l’Égypte et l’Angola, pour contrôler ces portes d’entrées et de sorties de marchandises.
Même si ces investissements sont des relais de puissance, les autorités émiraties ne se laissent jamais tenter de les utiliser comme outils de pression politique. Pour leur pérennité, toutes les transactions émiraties en Afrique se font, en principe, dans le respect des normes internationales, et de celles des pays où se situent ces entreprises. Malgré cela, ces investissements ne sont pas sans controverses de la part des concurrents occidentaux et parfois des sociétés civiles des pays africains eux-mêmes. Certains projets d’infrastructures, bien que bénéfiques soulèvent des inquiétudes quant à leurs impacts sociaux et environnementaux.
Ce qu’on craint de ces accords c’est d’imposer des monopoles sur certains secteurs et de se constituer au détriment des économies africaines. On reproche également à ces investissements d’engendrer des tensions locales et des préoccupations relatives à l’exploitation excessive des ressources naturelles. Mais les émiratis ont appris à naviguer avec prudence en veillant à ce que leurs investissements bénéficient aussi aux populations africaines. Les marocains qui sont très liés aux émiratis, et qui ont développé un savoir-faire sur leur propre continent, à travers leur finance et leurs entreprises notamment, ont là bien des opportunités à saisir.
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