Samir Bennis

Conseiller politique à Washington D.C., rédacteur en chef de Morocco World News.

La France, la grande perdante de la candidature conjointe Maroc-Espagne-Portugal

Le 30 mars 2023 à 14h46

Modifié 30 mars 2023 à 14h46

Un an après la normalisation des relations entre le Maroc et l'Espagne, il semble que les relations bilatérales connaissent l'une de leurs meilleures étapes depuis l'indépendance du Maroc en 1956. Avec la décision historique de l'Espagne de reconnaître la primauté du plan marocain d'autonomie comme seul moyen de mettre un terme au conflit du Sahara, l'un des plus grands obstacles qui se dressait sur le chemin des relations entre Rabat et Madrid a été levé.

S’il est vrai que la question de Sebta et Melilia reste en suspens, les gouvernements des deux pays semblent avoir acquis suffisamment de capital en résilience et en maturité politique pour garder celle-ci sous contrôle. Depuis la rencontre de Barajas entre le Roi Hassan II et le général Franco en juillet 1963, le Maroc et l'Espagne sont parvenus à trouver un modus operandi qui leur a notamment permis de réduire l'impact de ce différend sur l'ensemble de leurs relations bilatérales. Le Maroc n’a soulevé la question qu’à des moments où l'Espagne était réticente à soutenir sa position sur le Sahara. Et chaque fois que l'Espagne a montré des signes de soutien à la position marocaine, Rabat n'a pas hésité à mettre ses revendications territoriales sur Sebta et Melilia en veilleuse.

La cordialité qui a caractérisé la réunion de haut niveau qui s'est tenue à Rabat en février dernier et l'importante délégation qui y a accompagné Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol, ont mis au grand jour la volonté des deux pays de donner un nouvel élan à leurs relations bilatérales. La candidature du Maroc pour une organisation conjointe du Mondial 2030 avec l'Espagne et le Portugal, est une cerise sur le gâteau qui démontre le niveau de confiance qui règne dans les relations entre Rabat et Madrid. Plus frappant est le fait que l'annonce de l'adhésion du Maroc à la candidature de l'Espagne et du Portugal n'ait pas émané du gouvernement espagnol, qui est le parrain majeur de cette candidature, mais du Maroc.

Cela démontre clairement que l'Espagne ne traite pas le Maroc comme s'il était un partenaire mineur, mais comme un allié qui occupe une place de grande importance dans la sa politique étrangère, ainsi que dans la sauvegarde de ses intérêts stratégiques, tant économiques que sécuritaires. Par ailleurs, le fait que le Maroc ait fait cette annonce signifie également qu'il ne jouera pas un rôle secondaire dans l'organisation de ladite Coupe du monde.

Qui aurait osé penser, il y a quatre ou cinq ans, encore moins lorsque la plus grande crise diplomatique entre les deux pays a éclaté il y a deux ans, qu'ils finiraient par présenter une candidature conjointe pour organiser le Mondial avec le Portugal ? Ce seul fait révèle le niveau de confiance mutuelle qui existe désormais entre les deux capitales.

Par-delà la confiance mutuelle nécessaire pour co-organiser cette grande messe du football mondial, cette décision suggère surtout leur confiance que chaque partie est déterminée à ne ménager aucun effort pour immuniser leurs relations contre d'éventuelles frictions ponctuelles pouvant surgir de temps à autre dans leurs relations bilatérales. Surtout, le Maroc n'aurait pas adhéré à la candidature conjointe hispano-portugaise si les hautes sphères du pouvoir marocain n'étaient pas sûres que les changements politiques cycliques qui se produisent tous les quatre ans dans le paysage politique espagnol n'affecteront pas la position de Madrid sur le Sahara.

De l’autre côté, l'Espagne n'aurait pas été enthousiaste à l'idée de présenter sa candidature avec le Maroc si elle n'avait pas confiance en la volonté sincère de ce dernier d'ouvrir une nouvelle page dans les relations bilatérales, de donner un nouvel élan à la coopération coordination entre les deux pays pour faire face aux défis et menaces communs auxquels ils sont confrontés, ainsi que pour tirer parti de la complémentarité de leurs économies en vue de créer un espace commun de prospérité et de stabilité en Méditerranée.

On pourrait donc dire qu’on assiste aussi à la naissance d'un véritable axe stratégique Rabat-Madrid dont la plus grande victime collatérale est la France. En ce sens, la décision du Maroc de présenter sa candidature à la Coupe du monde 2030 avec l'Espagne et le Portugal est un nouveau message politique adressé à la France. Ce message subtile de Rabat à Paris est que le temps des faveurs est révolu et qu'il a choisi son camp dans son voisinage méditerranéen. De ce point de vue, nul doute que le Maroc privilégiera les entreprises espagnoles dans les grands projets d'infrastructures qu'il lancera en vue de la Coupe du monde.

Parallèlement, l'image de la France et sa crédibilité en tant que premier partenaire du Maroc s’essouffle de plus en plus. Le refus de la France d’emboiter le pas de l'Espagne et des Etats Unis quant à la souveraineté du Maroc sur le Sahara aura sans aucun doute un effet désastreux sur les intérêts français au Royaume. Le sentiment anti-français se répand dans tout le pays et chaque jour de plus en plus de voix se font entendre pour demander au gouvernement marocain de reléguer le français au second plan dans système éducatif et de le remplacer par l'anglais.

Dans son discours du 20 août 2022, le Roi Mohammed VI a précisé que la question du Sahara est l'aune qui "mesure la sincérité des amitiés et l'efficacité des partenariats" du Maroc avec d’autres pays. Alors que l'Espagne a compris le message et franchi une étape décisive pour conforter sa position de premier partenaire économique du Maroc, la France reste prisonnière d'une analyse très surannée de ses relations avec le Maroc, ce qui, à moyen et long terme, pourrait lui coûter cher d’un point de vue strictement économique et stratégique.

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