Réda Zaireg

Journaliste

France: une gestion sécuritaire de l'Islam?

Le 19 janvier 2015 à 16h16

Modifié 9 avril 2021 à 20h27

La gestion de l'Islam en France est un étrange mélange entre un discours politique conférant une importance sociale centrale à l'Islam, et une pratique réduisant sans cesse son champ d'exercice. 

«Invasion de l'espace public par les symboles musulmans»; «religiosité ostentatoire»; «Islam en France ou Islam de France»; «Islam laïque». Plutôt qu'un débat, c'est un déluge de remises en questions et de débats épars qui a succédé aux attentats contre Charlie Hebdo. Le lien en commun ? L'Islam, conçu comme un concept sans ramifications, aux contours palpables, aux dangers évidents, dénué de diversité, de densité ou de courants.

Le caractère récent des attentats, l'opinion publique encore sous la torpeur et la surenchère politique et médiatique n'aidant pas, on pose des questions péremptoires; plutôt que des réponses issues de concertations réfléchies, on exige des changements, une guérison miraculeuse (par aplanissement de tout ce qui, de près ou de loin, relève du fait islamique dans son expression publique) de la violence commise en le nom de l'Islam.

On peut comprendre que des formations politiques, tirant profit de la conjoncture, expriment de manière aussi décomplexée leurs prises de position dans ce sens. Ce qui est plus grave est de constater que d'autres parties se joignent à eux - malgré toutes leurs professions de bonne foi -, voyant dans ce discours l'expression d'une volonté populaire et contribuant ainsi à fabriquer, au moins, une plus large adhésion à ces thèses.

Car à moins de dire (ou pire: penser) que la religiosité ostentatoire a, suivant un obscur lien de cause à effet, sa part de responsabilité dans les attentats, on peut tout aussi bien soutenir le contraire, et avec des arguments qui valent leurs pièces de cent: c'est la pression grandissante sur la religiosité dans l'espace public qui a contribué au renforcement du rôle des circuits et des réseaux de transmissions de valeurs radicales, dans lesquels l'Islam s'exprime sous des formes différentes, violentes ou du moins virulentes en majorité. Un Islam étouffé dans l'espace public s'exprime, entre autres lieux, dans les mosquées clandestines, QG de la radicalisation en France comme ailleurs.

Assignation à identité surveillée

L'Islam de France, Islam politique dans sa volonté d'apolitisme, porté par des institutions comme le CFCM, a montré ses limites. Dépérissant, dénué de réelles instances religieuses qui le légitimeraient et de force de persuasion, on a voulu en faire, malgré ses évidents travers, un outil d'encadrement des masses d'immigrés, et surtout un médiateur entre eux et le pouvoir. Essentialisation d'abord, en lui conférant un rôle central alors que la prétention du politique veut qu'il ne soit qu'un outil, parmi d'autres, de gestion de la diversité. La diversité n'existe pas quand on circonscrit l'identité de l'Arabe à l'Islam, n'ont pas manqué de rappeler certains intervenants, et empêche, par la même occasion, l'éclosion d'une réelle diversité, pour les mêmes raisons. Cantonnant l'identité du Maghrébin, et plus largement de l'Arabe, à la stricte expression de sa religiosité, et réduisant le prisme par lequel la diversité, malgré ses différents aspects et son irréductible richesse, est conçue et exprimée par le politique, il n'aura, tout au plus, que contribué à ce que l'Islam déborde du cadre que la laïcité de France lui a voulu, en le considérant comme le principal aspect de problématiques où l'Islam n'est, en réalité, qu'un paramètre parmi d'autres.

Mais le paradoxe est là: Comment peut-on conférer cette centralité à l'Islam dans le discours politique, le considérer comme le principal élément de l'identité de l'immigré, au point de conduire à une forme d'islamisation du fait migratoire, et articuler des politiques qui, quand elles n'en font pas abstraction, réservent à l'Islam un traitement réduisant le champ de sa pratique et son rôle social ? La communauté musulmane, sans cesse sommée de condamner, de se désolidariser de tout ce qui est commis en son nom, ne peut-elle pas jouer un rôle politique plus positif si on lui reconnait, pour commencer, un rôle politique, au lieu de l'inviter à intervenir, en paria, dans les débats la touchant ? Le musulman dit modéré serait-il un simple spectateur de la mise en place de lois le concernant, mais réduisant ses libertés religieuses ?

Un Islam qui s'est politisé dans tous les sens

L'intrusion d'un Islam violent, et surtout, la volonté de cet Islam d’être une force politique avec laquelle il faut composer, n'est pas que le fruit de la propagande d'Al Qaida ou de l'EI. La France a négativement politisé son Islam, sans le vouloir ou en feignant ne pas le vouloir, en créant des institutions-impasses tel que le CFCM, où l'expression politique et les revendications sociales de ses immigrés ont, au lieu d’être traitées dans leurs cadres de référence, été considérées comme issues d'exigences religieuses. En détournant un discours portant des revendications politiques et sociales de son circuit, pour le cantonner dans un format mi-religieux, silencieusement politique, d'autres formes d'expression, virulentes et placées sous le signe d'un religieux explicitement politique ont vu le jour et sont présentées comme à même de parler en lieu et place du musulman.

Instituer un Islam d'Etat pacifié, respectueux des principes de la république et des mœurs politiques, en somme coercitif, et s'attendre à ce qu'il réponde, à lui seul, à des problématiques qui ont aussi des ramifications sociales ou économiques relève de la supercherie. Non seulement l'Islam d'Etat porté par des institutions officielles ou semi-officielles n'a que rarement rencontré le succès dans les pays non-musulmans, mais son rôle d'encadrement religieux, taillé sur mesure pour fédérer sans représenter, constitue l'un des arguments des mouvements jihadistes qui, eux, vantent un autre Islam, politisé, présenté comme moins corrompu que l'Islam d'Etat, et qui entend accorder à l'Islam l'importance politique et sociale auquel, selon eux, il serait destiné. En somme, cette même importance reconnue (de manière souvent négative) par ce discours politique qui islamise l'immigré et ses revendications tout en réduisant le cadre de la pratique de l'Islam et son champ d'intervention.

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