Samir Bennis

Conseiller politique à Washington D.C., rédacteur en chef de Morocco World News.

Entre le Maroc et la France, il y aura un avant et un après le 8 septembre 2023

Le 12 septembre 2023 à 9h19

Modifié 12 septembre 2023 à 10h43

C’est dans les moments difficiles que l’on se rend compte qui sont nos amis et qui sont nos ennemis, rappelle Samir Bennis. Commentaire et analyse de certaines réactions françaises.

C’est dans les moments difficiles que l’on se rend compte qui sont nos amis et qui sont nos ennemis. Au moment où l’Etat marocain est confronté à la pire catastrophe naturelle qu’a connue le royaume depuis 1960 et que le peuple marocain endeuillé pleure ses morts, des médias grand public français ont choisi de lancer une campagne de fake news et de dénigrement de l’Etat marocain, plus particulièrement le Roi Mohammed VI et dont le but essentiel est de semer la zizanie entre l’Etat et son peuple et bouleverser la paix sociale du pays.

Cette odieuse attitude de dédain et d’indifférence teintée de paternalisme est aux antipodes du comportement des médias espagnols, américains, britanniques, entre autres, qui ont tous traité la tragédie avec beaucoup de compassion, de commisération et d’humanisme.

Ainsi, pendant que leurs confrères d’autres pays affichent un souci de justesse, de sensibilité humaine et d’éthique journalistique en faisant en sorte que leurs lecteurs et téléspectateurs à travers le monde entier prennent la mesure de la catastrophe à laquelle le peuple marocain est en train de faire face, des médias français semblent prendre un malin plaisir à jeter le discrédit sur l’Etat marocain en caricaturant notre roi et en laissant ente1ndre que nos autorités auraient refusé l’aide humanitaire de certains pays, dont évidemment la France.

Étant donné que Morocco World News, ce site que j’ai cofondé en 2011 avec mon frère, est le premier média anglophone du royaume, nous avons été submergés par des demandes d’interviews. Tous nos journalistes ont été sollicités et ont donné plusieurs interviews.

Et parce que je suis actuellement au Maroc et que j’ai moi-même vécu le tremblement de terre, quoique son impact à Fès était très minime, j’ai donné 14 interviews entre samedi et lundi à des médias comme la BBC, Al Jazeera English, Channel Four de Londres, ainsi que plusieurs radios.

Dans aucune de ces interviews, je n’ai senti une quelconque volonté de politiser la situation ou une malveillance à l’égard du Maroc. Tous les journalistes ont simplement cherché à connaître l’état d’esprit des Marocains : comment font-ils face à la tragédie et comment l’Etat marocain gère-t-il la situation ? Aucun de mes interlocuteurs ne m’a demandé pourquoi le Maroc aurait refusé les aides humanitaires de certains pays.

Avec leur tapage médiatique sur le refus supposé du Maroc d’accepter l’aide humanitaire française et le dessin caricatural abject que le journal Libération a publié sur notre roi alors que le peuple marocain est en deuil, une partie de la presse française a encore une fois montré son vrai visage sur toute question en rapport avec le Maroc. En voulant discréditer l’Etat marocain, elle a en fait montré à qui en doutait encore qu’elle est le supplétif d’un État français en profond désarroi et en perte de vitesse et d’influence partout en Afrique.

Cette angoisse et cette inexorable perte du prestige français est de plus en plus palpable au Maroc, auprès d'une frange importante de l’élite marocaine et de l’ensemble de l’opinion publique.

Alors que le monde entier exprimait sa compassion et sa sympathie aux populations dévastées dans les zones les plus touchées par cette tragédie, ces médias ont clairement laissé entrevoir leur désir d’inciter le peuple marocain à se rebeller contre son gouvernement. Mais ils oublient que la monarchie et le Roi Mohammed VI sont des symboles sacrés de l’unité et l’intégrité de cette vieille nation qu’est le Maroc.

Il y aura certainement un avant et un après 8 septembre 2023. Si l’Etat et le peuple marocains ont commencé depuis quelques années un processus de dissociation vis-à-vis de la France -- processus qui prendra plusieurs années --la malveillance et la méchanceté dont des médias ont fait montre à l’encontre du peuple marocain et de sa monarchie en ces temps très difficiles, vont accélérer le divorce entre Paris et Rabat.

Que l’élite politico-médiatique ne vienne donc pas jouer l’étonnée ou pleurer la descente aux enfers de la diplomatie française si demain le sentiment de suspicion ou de méfiance que suscite la France à Rabat se transforme en désamour à l’égard de cette méprisante et arrogante élite parisienne qui ne semble pas encore avoir  mesuré l’ampleur de la détermination du peuple marocain de se débarrasser de l’héritage du colonialisme et d’exiger de la France de traiter leur pays comme le royaume multiséculaire et l’Etat souverain qu’il est, et non comme département de la métropole. 

J’invite vivement les universitaires et chercheurs marocains à commencer à refaire la lumière sur la période sombre et sanglante du colonialisme français au Maroc. Cette période que le Roi Mohammed V et le Roi Hassan II avaient veillé à ne pas remuer dans les plaies du passé colonial. Il est temps de remuer dans ces plaies, de revisiter cette histoire, de remettre en question les grilles de lecture néo-coloniales et suprémacistes depuis lesquelles la France officielle, ainsi que ces universités et ces médias, ont analysé et discouru sur le Maroc depuis plus d’un siècle.

Le peuple marocain devrait tirer profit de cet élan de solidarité proverbiale et sans précédent qu’ils ont démontré à la suite de la tragédie qui s’est abattue sur notre pays pour se débarrasser du complexe du colonisé qui continue à les pousser à croire, à tort, qu’enseigner le français à leurs enfants aux dépens de l’arabe ou les mettre dans des écoles de la mission française leur permettra d’avoir un statut spécial au sein de la société marocaine. Il est temps de mettre fin à cette mentalité et qu’on reprenne confiance en nous-mêmes et en nos valeurs nobles.

Mais qu’on ne se méprenne pas : je ne prône pas l’hostilité et l’inimitié entre les peuples marocain et français. Je sais qu’il existe une importante diaspora marocaine en France, dont certains membres ont été naturalisés français et aiment leurs deux pays avec la même énergie et la même passion.

Je sais également qu’il y a des Français qui ont trouvé un havre de paix au Maroc ou qui s’y rendent régulièrement parce qu’ils sont véritablement amoureux de ce pays, de sa riche histoire et du charme de sa diversité culturelle.

La dernière illustration en date nous est venue en début de semaine de Sarah Frick, cette touriste française qui, interrogée sur son expérience à Marrakech lors de cette tragédie déchirante qu’a été le séisme, a parlé avec passion de la vague de solidarité et de gentillesse qu’elle a reçue de la part des Marocains en ces temps difficiles. Elle a surtout résisté à la tentative de son intervieweur français de la pousser à jeter l’opprobre sur le Maroc, s’engageant au contraire à revenir au royaume pour d’autres vacances. Je ne peux donc en aucun cas prôner l’hostilité entre nos deux peuples, tant les ponts se sont multipliés au cours des dernières décennies, voire siècles.

J’en appelle plutôt à une révolution culturelle, à un changement de paradigme fondamental chez les Marocains francophiles qui ont longtemps détourné le regard chaque fois que Paris portait atteinte aux intérêts nationaux les plus importants du Maroc, ou minait la réputation du royaume sur la scène internationale.

Mon geste ici est donc un appel à l’affirmation nationale fondée sur la confiance en soi et ce qu’on vaut culturellement et humainement car, comme l’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong'o l'a expliqué de manière éloquente dans son livre “Decolonising the Mind”, la véritable décolonisation passe par un changement radical de mentalité, c'est-à-dire par une libération des chaînes mentales du colonialisme et le rétablissement de l’autonomie -- politique et culturelle.

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