Othmane Benmoussa

Enseignant-chercheur en Systems Thinking et directeur de l’Euromed Polytechnic School -Université Euromed de Fès

Comment planifier efficacement votre journée de travail : cinq représentations structurantes

Le 10 avril 2023 à 13h10

Modifié 10 avril 2023 à 13h10

"Travaillez plus intelligemment, mais pas plus dur" ! Cette recommandation est-elle toujours juste, est-elle valable ?

La majorité des employés se plaignent d’avoir trop à faire et peu de temps à disposition, à même de générer du stress, de la fatigue, un désengagement, de la démotivation et une perte de productivité chronique se répétant inlassablement et épousant un cercle vicieux qu’il convient de rompre.

En ce sens, cinq idées, démontrées scientifiquement dans divers travaux de Maryam Kouchaki, Maria Ibanez, Nicola Persico, Robert Bray, Jan Van Mieghem et Itai Gurvich, méritent d’être considérées.

  1. Démarrer par les tâches difficiles

Lorsque vous avez beaucoup à faire, il peut être tentant de cocher d’abord quelques-uns des éléments les plus faciles de votre liste de tâches. Et puis, peut-être, quelques-uns additionnels, encore plus commodes à traiter. Vous avez ainsi l’impression de faire davantage de progrès selon les recherches menées à la Harvard Business School par Diwas Singh, Bradley Staats, Maryam Kouchaki et Francesca Gino qui stipulent que les gens se tournent généralement vers des tâches plus simples lorsqu’ils sont aux prises avec une lourde charge de travail.

Ces auteurs ont constaté, par exemple, que lorsque les urgentistes avaient le choix entre plusieurs patients à traiter, ils étaient plus susceptibles d’en choisir certains dont les cas étaient moins compliqués quand ils avaient déjà beaucoup de malades sous leur responsabilité.

Cependant, cette stratégie ne paie pas sur le long terme. Sur une période de six ans, les médecins qui avaient opté pour une charge de travail délicate ont appris à devenir plus efficaces que ceux dont l’activité était relativement plus aisée, apprenant davantage au fil du temps et générant plus de valeur pour leur hôpital.

Parce qu’éviter les tâches difficiles réduit indéfiniment les opportunités d’améliorer ses compétences, Kouchaki et ses co-auteurs suggèrent de subdiviser les projets les plus complexes en de petits groupes d’activités. De cette façon, on obtient la satisfaction à la fois de cocher plusieurs éléments de sa liste de tâches, mais aussi celle de s’attaquer aux choses les plus difficiles, perfectionnant ainsi son apprentissage et hissant ses compétences.

  1. Gérer la fatigue de fin de journée

Les inspecteurs de la sécurité alimentaire utilisent un processus rigoureux pour identifier les violations en matière d’hygiène dans les restaurants, écoles, cafétérias et autres endroits où la nourriture est écoulée. Cependant, la qualité et la productivité du travail de cette catégorie d’employés et de bien d’autres peuvent être amenées à varier quelque peu.

Plus précisément, Maria Ibanez et Michael Toffel ont constaté que les inspections ayant lieu plus tard dans la journée remontent moins de transgressions à raison de 3,7% d’anomalies relevées en moins par heure au fur et à mesure de l’approche de la fin de service, et ce, probablement en raison de la fatigue.

De plus, si ces mêmes inspecteurs venaient à commencer une inspection à un moment qui impliquerait qu’ils ne termineraient pas avant leur heure normale de repos, ils finalisent l’inspection menée 4% plus rapidement que d’habitude et détectent 5% d’infractions en moins.

Les chercheurs ont également constaté que l’ordre dans lequel les inspections avaient lieu pouvait également affecter leur qualité. Par exemple, après une inspection ayant révélé un nombre particulièrement élevé de manquements, les inspecteurs étaient également plus susceptibles de repérer davantage d’infractions qu’usuellement lors de l’opération suivante.

En conséquence, il est essentiel de se demander (et peut-être de mesurer) si des séquencements particuliers de tâches, voire l’impact de certains moments de la journée modifient la qualité rendue du travail, ce qui constitue une voie pour améliorer durablement nos performances grâce à une planification plus réfléchie.

  1. Un "multitasking" plus intelligent

La qualité du travail peut certes être affectée par la planification, mais qu’en est-il de l’efficacité ?

Une étude menée par Robert Bray, Decio Coviello, Andrea Ichino et Nicola Persico a testé la manière dont les juges d’un tribunal du travail programment les audiences.

Les cours de justice qui traitent les affaires liées aux licenciements et aux pensions sont notoirement lents et il faut plusieurs audiences pour résoudre une affaire. Ainsi, les juges placent généralement chaque nouvelle audience à la fin de la file d’attente, cherchant le premier créneau libre dans le calendrier et le remplissant. Ils attendent également la conclusion de l’audience en cours pour en programmer une nouvelle.

Bray et al. ont collaboré avec des juges du tribunal du travail pour mettre en application une nouvelle méthode de planification sur une période de trois ans. Plus précisément, ils ont programmé les audiences à l’avance et les ont regroupées de manière rapprochée. Cela a permis à différentes affaires d’évoluer rapidement une fois qu’elles avaient atteint leur première audience car elles n’étaient pas affectées par ce qui se passait au niveau d’autres procès.

Cette nouvelle méthode a considérablement réduit le temps nécessaire pour résoudre une affaire par rapport au séquencement usuel.

L’idée générale à retenir ici est que beaucoup de travailleurs pourraient probablement devenir plus efficaces en se concentrant sur l’accomplissement de quelques tâches plutôt qu’en en faisant simplement avancer plusieurs simultanément en passant trop souvent d’une activité à une autre, se dispersant et engrangeant ainsi moins de résultats que s’ils travaillaient sur un projet donné jusqu’à son aboutissement.

  1. Limiter les coûts de collaboration

La collaboration est souvent décrite comme faisant partie des interactions prônées et fortement encouragées par les entreprises, mais il est important de se rappeler qu’il y a également des coûts qui y sont associés, ne serait-ce qu’en se rappelant les travaux de Williamson sur la théorie des organisations et les coûts de transaction.

Jan Van Mieghem, Itai Gurvich, Lu Wang et Kevin O’Leary ont montré dans un article de recherche que, lorsque des travailleurs qualifiés sont engagés dans une collaboration simultanée - c’est-à-dire lorsqu’ils sont tous nécessaires pour effectuer une seule tâche -, le flux de l’ensemble du système peut en souffrir.

Ce besoin de synchronisation durant toute action importante de coordination est à même d’entraîner une perte de productivité et le flux de travail peut ralentir encore plus que ne le prédisent les goulots d’étranglement typiques de tout système.

Ces coûts apparaissent également dans des situations réelles. Une étude menée par Van Mieghem, Gurvich et Wang a révélé que la productivité d’un médecin hospitalier (hospitaliste) diminuait considérablement lorsqu’il devait collaborer avec des spécialistes.

La collaboration a pu avoir un effet direct en augmentant avantageusement le temps nécessaire de communication avec le spécialiste, mais cela a également eu un effet « d’entraînement » négatif qui a fini par obliger l’hospitaliste à passer 20% de temps en plus sur le dossier médical du patient.

25% de cet impact provenait du temps accru qu’il a fallu pour documenter les conclusions d’une consultation profitable, mais 45% émanaient de l’ordonnancement des travaux et/ou de l’effet malencontreux des interruptions du personnel qui obligeait l’hospitaliste à modifier son flux de travail, passant d’un dossier à un autre par exemple.

"Etre occupé peut augmenter les interruptions et, en fin de compte, être occupé n’est peut-être pas synonyme de productivité", explique Van Mieghem.

  1. De l’importance de la communication

Et si vous pouviez garder votre horaire et vos niveaux de productivité à peu près les mêmes tout en rendant votre écosystème professionnel plus heureux avec des performances accrues ?

Cela semble trop beau pour être vrai. Il s’avère néanmoins que repenser comment et à quelle fréquence vous informez vos clients de vos progrès peut changer la façon dont ils perçoivent vos efforts. C’est ce que l’on appelle la "transparence opérationnelle" qui consiste dans le fait que "si vous pouvez voir à quel point je travaille dur, alors vous allez apprécier davantage" selon Robert Bray.

En outre, les clients peuvent être plus satisfaits par le simple fait d’être mieux éclairés.

Cependant, la transparence peut avoir un inconvénient. Si vous documentez minutieusement chaque étape, vos clients pourraient également remarquer de longues accalmies entre les divers rapports d’avancement.

Comment donc maximiser le bénéfice de cette transparence tout en minimisant les désagréments ?

Bray a analysé une grande masse de données en matière de livraisons de colis par le géant du commerce électronique Alibaba et a constaté que le moment des mises à jour importait véritablement.

En effet, lorsque les clients recevaient des actualisations fréquentes sur l’état de leurs commandes en ligne quelque temps avant la livraison effective, ils avaient tendance à donner une note élevée à la qualité de service. Toutefois, si ces mises à jour étaient regroupées bien en amont de l’instant de livraison, puis suivies d’une période perceptible d’inactivité, les scores avaient tendance à être inférieurs même si le délai total de livraison était le même ; les clients accordant plus d’attention aux dernières activités d’un processus donné.

"Habituellement, les gens se souviennent de la fin de l'expérience", détaille Bray.

In fine, envisagez d’intensifier votre communication lors de la phase finale d’un projet afin d’en récolter véritablement les bénéfices !

En conclusion, il ne convient pas de travailler plus dur, mais d’observer des règles simples, certaines contrintuitives, pour plus d’efficacité et une productivité renouvelée : une communication millimétrée, une collaboration mesurée, une concentration ciblée, des efforts contrôlés et un ordonnancement intelligent des activités demeurent des fondamentaux à déployer.

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