Global Nexus / AMMC : Au tribunal administratif, une histoire de langue

A.E.H. | Le 21/10/2020 à 18:09

Le tribunal se prononcera le 28 octobre sur la suspension -ou non- de la sanction rendue contre Global Nexus. La société dirigée par Hynd Bouhya reproche à l'AMMC d'avoir rendu sa décision en français. Le régulateur crie au procès abusif. Retour sur une courte séance de plaidoiries.

La sanction de l’AMMC contre Global Nexus sera-t-elle suspendue ? Les parties connaitront la réponse dans une semaine. Au tribunal administratif de Rabat, le juge des référés rendra son ordonnance le 28 octobre 2020.

Le dossier a été mis en délibéré à l’issue d’une audience tenue ce mercredi 21 octobre. Un évènement marqué par une brève séance des plaidoiries, mais qui pourrait engager de lourdes conséquences. Surtout pour le régulateur. En cause, le débat autour de la légalité de sa décision rendue en langue française.

>>Lire aussi : Vers un duel Global Nexus - AMMC au tribunal administratif

« On nous demande où réside le préjudice quant à la publication d’une décision administrative en langue française ? Le préjudice est dans le non respect de la Constitution », tranche Me Abderrahim Bouhmidi pour amorcer sa plaidoirie. L’avocat de Global Nexus fait référence à l’article 5 du texte suprême selon lequel « l’arabe demeure la langue officielle de l’Etat ».

Pour Me Bouhmidi, « l’usage de la langue arabe dans l’administration est obligatoire. Le contraire expose ses décisions à la nullité ». Il cite, entre autres, « un arrêt de la Cour suprême, qui interdit l’usage d’une langue étrangère sauf en cas de nécessité ». Et d’interpeller le régulateur : « Je voudrais bien que l’AMMC nous dise quelle nécessité l’a conduite à émettre sa décision en français ».

L’avocat enfonce en brandissant une circulaire du Chef du gouvernement. Datant du 30 octobre 2018, cette note traite de « l’obligation d’utiliser les langues arabe et amazigh par l’administration ». Une obligation qui couvre, selon Saad Eddine El Otmani tous ses actes, décisions, correspondances et notes internes. Citant des jugements rendus par le tribunal administratif

Qu’en dit le Gendarme de la bourse ? « Je ne m’étalerai pas sur la circulaire. Dans cette salle, nous savons tous ce qu’elle vaut en termes de force obligatoire. En l’occurrence, elle n’en a pas », lance d’emblé son avocat Me Naoufal Achergui (Cabinet Naciri & associées Allen & Overy).

Pour rappel, la circulaire du Chef du gouvernement impose l’usage de l’arabe par l’administration, mais pose une exception : Une langue étrangère est autorisée lorsqu’il s’agit « de communiquer avec une partie étrangère ou lorsqu’il s’agit de documents techniques difficiles à traduire en arabe. »

« Pour qu’on puisse parler de nullité, il faut un texte clair en ce sens. Or, aucune disposition légale ne prévoit l’annulation des décisions administratives rendues en langue étrangère », poursuit l’avocat.

« L’arabe est évidemment la langue officielle. Le principe est consacré par la Constitution. Pour autant, celle-ci n’interdit pas l’usage d’une autre étrangère, le français en l’occurrence », estime le plaideur. Et puis « c’est oublier que cette même Constitution défend, dans son préambule, l’ouverture sur les autres cultures y compris les langues étrangères ».

« Global Nexus se prévaut de sa propre turpitude »

Aux arguments juridiques, Me Achergui superpose des faits. « Dans le domaine des capitaux au Maroc, aucun acteur n’utilise ni n’opère en langue arabe. C’est malheureux, mais c’est la réalité ».

Global Nexus ne déroge pas à cette « réalité ». L’avocat rappelle en ce sens le déroulé de la procédure qui a conduit à la sanction de l’ex société de gestion :

« La demanderesse a volontairement pris part à des séances d’audition devant le collège des sanctions [organe disciplinaire de l’AMMC] dans une procédure contradictoire où elle s’est exprimée en langue française. Elle a même déposé un mémoire de réponse rédigé en français. Nous lui avons garanti les droits de la défense. Elle a elle-même souscrit au choix de la langue. Et ce n’est que maintenant qu’elle vient le contester ».

En somme, l’AMMC soupçonne le requérante d’avoir enclenché « une action de mauvaise foi », stratégie « dilatoire » pour se soustraire au paiement de l’amende de 1 MDH.

Qui convaincra le juge ? Réponse le 28 octobre. Appelé par le juge à exprimer son avis, le commissaire royal de la loi et du droit a appelé à la suspension de la décision de l'AMMC, s'alignant sur la position de Global Nexus.

Vers une décision inédite ?

Même s’il s’agira d’une ordonnance en référé, suspendre une décision de l’AMMC en validant l’argumentaire de la langue constituerait une décision inédite. Elle pourrait même baliser le terrain à une décision au fond. Dans un deuxième dossier en cours – traité au fond, Global Nexus s’appuie sur le même motif pour demander non pas la suspension, mais l’annulation de la décision qui serait entachée « d’excès de pouvoir ».

Jusque là, jamais un opérateur n’a contesté sur cette base une décision du régulateur. En revanche, le même tribunal administratif a déjà statué sur des recours en annulation contre des actes administratifs rédigés en français, impliquant principalement la Direction générale des impôts ou la Trésorerie générale. Avec des résultats variables comme le démontre une étude documentée publiée sur le site juridique Marocdroit.com.

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